Journal La Montagne, janvier 1970

René Barjavel rend visite à Vichy et Cusset


CUSSET
René Barjavel a revu les copains
ayant usé leur fond de culotte
sur les bancs du collège de Cusset

Cusset a eu le grand plaisir de recevoir la visite du célèbre écrivain René Barjavel, dialoguiste de la série des « Don Camillo », auteur des « Chemins de Katmandou » et de « La nuit des temps ».

René Barjavel était venu depuis la veille à Vichy où il devait prendre officiellement la présidence d'honneur de la « Comédie de Vichy », qui est née du groupe cussétois « Art et Amitié » cher à M. Albert Dumont.

Le docteur Freneyre, maise de Cusset, entouré de ses adjoints Mme Péronnet, Maleysson et Géranton ; de plusieurs conseillers municipaux, dont MM. Cador et Bélot, anciens élèves du collège ; de M. Gabriel Péronnet, député de l'Allier ; de M. Georges Frélastre, conseiller général de Vichy, et Mme ; de M. le docteur Frémont, président des anciens élèves du collège ; de M. Lassausay, principal ; de membres du corps enseignant en activité ou en retraite (et notamment M. Delrieux, qui fut professeur de Barjavel), etc., recevait M. Barjavel à la mairie de Cusset, où il devait signer le livre d'or de la ville de Cusset, ainsi que des personnalités présentes.

Puis, c'était le départ au collège où, après la visite des classes, une réception était donnée à la nouvelle salle de permanence (dont c'était, en quelque sorte, l'inauguration officielle).

C'est au cours de cette sympathique manifestation que M. Gabriel Péronnet, vice-président de l'association des anciens élèves du collège, devait prendre la parole en ces termes :

Hommage
à René Barjavel

M. Péronnet, député de l'Allier, déclara notamment :

« Ton souhait, mon cher René, est respecté. C'est en copain - après tout, « Les Copains » de Jules Romains sont certainement passés par Cusset pour se rendre à Issoire - c'est en copain que Cusset te reçoit, en son hôtel de ville d'abord, où tu as signé l'authentique livre relatant les hauts faits de la Cité des Chiens Verts ; dans notre vieux collège ensuite. Où donc Cusset pourrait-il mieux te recevoir que dans cette enceinte ?

» Il y a quelques 40 ans, qui l'eût dit, qui l'eût cru ? « Et pur si muove » ! Elle tourne tellement vite que nous voici réunis aujourd'hui, dans ces lieux où tu as passé une partie de ta vie, et quelle partie : ta jeunesse ! Les murs de notre vieux collège en frissonnent, tu l'as senti tout à l'heure, d'allégresse.

» Ses vieilles pierres se disent entre elles, tu les as écoutées : « Barjavel est revenu ! ». Car les pierres se souviennent, souvent mieux que les hommes, et tu leur as laissé une partie de ton cœur, qu'elles gardent jalousement.

» Elles se souviennent du brillant élève, du pion famélique, du téméraire correspondant du « Progrès de l'Allier », du comédien hâve vedette de la scène du théâtre municipal de Cusset, de Saint-Charlemagne ou des « Amis des Arts », de ce Don Quichotte cussétois qui remplissait d'admiration les jeunes de mon espèce.

» Oui, c'est le Barjavel de cette époque, le copain que nous recevons, autant que l'homme de lettres éminent, le romancier en renom. Ici, les foules ne se sont point rassemblées pour contempler le « Rara avis », pour employer l'expression familière de Chamayou. Simplement nous t'avons demandé de venir pour te dire : Cher René, nous t'aimons bien. Au reste, tu es ici chez toi ».

» Sais-tu que tu es désormais, une des gloires les plus pures du collège de Cusset ?

» Sais-tu que, lorsque ton visage expressif, où brille un regard profond, tendre, parfois malicieux, apparaît sur les écrans de la télévision, chaque ancien du « bahut », chaque habitant de Cusset se sentent fiers de tes succès, comme si une part leur en revenait ?

« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage
» Et puis est retourné plein d'usage et de raison
» Vivre... aux Malavaux le reste de son âge ! »

» Tel cet Ulysse revu et corrigé par notre cher et regretté Abel Boisselier dans cette pièce unique intitulée « L'Ermite des Malavaux » - unique, ô combien ! puisqu'elle ne fut représentée qu'une seule fois - te voilà, cher René, revenu au collège, non point comme l'Ermite des Malavaux, pour toujours, mais pour quelques minutes, trop brèves à notre gré.

« Mais, où sont les neiges d'antan ? »

» Boisselier, Libelle, tant d'autres, nous ont quittés. On ne peut, dans ces lieux, parler de Barjavel, sans penser à eux ; j'ai l'impression qu'ils sont parmi nous.

» Ils sont parmi nous comme le sont les Titine Carton, Polaire, Gaby Morel et son invraisemblable voiture bleue à trois roues ; Jean Renon, Jean Guillot, de Chirac, N'Guyen et les autres. « Que sont mes amis devenus ? »

» Le collège de Cusset est aujourd'hui un C.E.S, après avoir connu au gré des réformes de l'Education nationale, toutes les appellations qu'on peut imaginer. L'immeuble Carton-Pérard a été rasé, l'ancien collège est devenu palais de justice, la prison, salle de réceptions ! Il y a belle lurette que Mme Blaise ne vend plus ses gâteaux.

» Mais la tradition du collège se perpétue : le maire de Cusset et une grande partie de ses conseillers sont des anciens élèves.

» Voilà, mon cher René, ce que je voulais te dire très simplement au nom de ceux qui t'ont connu à Cusset, au nom de tes copains, au nom de notre vieux collège. Dans ta renommée qui s'étend à travers le monde, Cusset restera toujours, je le sais, un coin de ton « jardin secret »

« Et nunc igitur ad astra »
n'aurait pas manquer d'ajouter Boisselier !

» Que les chemins de Katmanou, où nous avons failli une fois de plus nous rencontrer, soient pour toi les chemins de la gloire.

» Mais, nous savons et nous en sommes fier, que pour toi la route du Népal est partie de Cusset, un jour de l'entre-deux-guerres, où le regretté Abel Boisselier emmena avec lui au collège le fils du boulanger provençal qui allait devenir René Barjavel. »

Après les applaudissements qui saluèrent le discours de M. Péronnet, M. Barjavel, très ému, remercia son ami et le maire de Cusset pour leur invitation et soulignait son affection pour notre ville, pour son collège et surtout pour M. Abel Boisselier, à qui, dit-il, « je dois tout. »

En terminant, M. Barjavel devait laisser entrevoir à ses amis que, plus tard, il aimerait passer les dernières années de sa vie à Cusset.

Puis chacun levait son verre en l'honneur de notre illustre visiteur, mais aussi de Cusset et surtout de son collège, avec tous les souvenirs qui y avaient été retrouvés en ce jour de janvier 1970.
 

Photographie d'origine du journal
NOTRE PHOTO. - René Barjavel signant le livre d'or de la ville de Cusset, où,
n'en doutons pas, il exprima, à la fois, sa joie et son émotion.