Annonce de la commémoration dans "La Tribune de Montélimar" du jeudi 26 mai((n° 21 - édition C26 - double page 20-21)
René Barjavel et la vallée de Nyons
ANNIVERSAIRE
René Barjavel aurait cent ans cette année. Comme chaque année, Nyons, la ville natale, honore son grand homme. Tarendol, son dernier repos, ouvre le
ban campagnard des trompettes de la renommée, ce dimanche 29 mai. Le souvenir déambulera parmi les marnes bleues et les cailloux immémoriaux.
L'hommage doit être bien chaussé, dans la vallée de l'Ennuyé. À Nyons, comme ailleurs, « La Charrette Bleue », devenue l'emblème d'une communauté,
transporte encore son content de nostalgie...
Nyons, c'est à coup sûr la part d'enfance de René Barjavel : il y revient d'ailleurs vers la fin de sa vie comme pour retrouver ses souvenirs et
marquer sa gratitude puisque, là sont des racines qui ont certainement, consciemment ou pas, nourri son inspiration d'écrivain, de scénariste, de journaliste tout
au long de sa carrière. Si on ressent dans ses grandes œuvres une nostalgie de la terre, de la ruralité, de la nature, c'est aussi parce qu'il a pu l'apprécier à sa
juste valeur dans ce « fragment de paradis », selon la formule de Patrick OIliver-Elliott, que constituent les Baronnies !
« Je suis véritablement un déraciné, un homme né à la campagne, dans une certaine civilisation, et transporté par les circonstances dans une autre
civilisation qui est la civilisation urbaine. Je crois qu'on ne connaît bien quelqu'un que lorsqu'on connaît ses racines, et je pense qu'il est nécessaire que je
montre les miennes. » c'est ce que René Barjavel affirme lui-même au cours d'un reportage diffusé au cours d'une émission d'Anne Sinclair diffusée en août 1977
sur FR3 et intitulée « L'homme en question » (cf. barjaweb)
Vive la campagne !
II est vrai que les villageois d'antan peuvent y vivre en totale autarcie, vues la variété et la quantité de cultures qui existent sur place :
en plus des productions présentes dans la plupart des régions de l'hexagone, les Nyonsais disposent de l'huile qui apporte non seulement la
graisse mais aussi la lumière et l'aide à la conservation des aliments, de la vigne qui procure le vin, sans oublier la culture du ver
à soie qui à un certain moment complète le revenu agricole de façon substantielle. Le potentiel est donc immense comparé à d'autres endroits.
Le contexte géographique est propice à la culture de la tanche, variété d'olive aux qualités rarement égalées ailleurs. Le Mont Ventoux constitue
une protection contre les influences humides de la mer et crée les conditions de microclimats secs très bénéfiques, la montagne de la Lance protégé contre les
excès du mistral, tout cela permet d'obtenir ce fruit aux caractéristiques exceptionnelles.
Un « Ailleurs » pas meilleur
Nul besoin donc de s'approvisionner ailleurs et, par conséquent, on a peu de risque d'être contaminé par des fléaux qui comme la peste et le choléra,
traînent encore tragiquement dans les mémoires des anciens et arrivent le plus souvent de contrées extérieures via les
ports qui colportent les épidémies. En quelque sorte, rester sur place et cultiver sa terre préserve la vie locale et permet
d'éviter le danger qui vient des échanges extérieurs. De surcroît, la concurrence extérieure est plutôt perçue comme une
menace : exemple des productions intensives de la vallée du Rhône dont l'arrivée sur le marché local compromettra la vie
artisanale du secteur. Rien d'étonnant donc à ce que René Barjavel idéalise des souvenirs d'enfance qui prélèvent inconsciemment la meilleure part des
événements. Le panorama idéal de son enfance a très certainement contribué à idéaliser un retour idyllique à la terre que l'onretrouve en filigrane dans ses
romans même si cela correspond aussi à un courant de pensées datant de l'époque où il écnt ses romans hostiles aux progrès technologiques tels que, entre
autres. Ravage ou Le voyageur imprudent.
Quand il quitte Nyons pour poursuivre ses études dans l'Allier, c'est avec une part de grande tristesse pour une raison qui se greffe sur les autres en les
dramatisant davantage : il a perdu sa mère qui est morte après une longue agonie de deux ans et il a le sentiment de devenir totalement orphelin
puisque son père est constamment absent pour raisons professionnelles. Cela fait ressortir encore davantage le contraste avec une forme de paradis que
représente Nyons dans sa vie intime.
 René Barjavel sous le pont roman (Copyright : photo X, collection Dauphiné Libéré, fonds mémoire de la Drôme).
Les souvenirs d'enfance évoqués par René Barjavel comme dans la description qui suit à propos des cocons de soie de la
place des Arcades montrent bien la place importante dans l'économie locale de produits, totalement disparus depuis lors.
Pour preuve, l'actuelle place du Docteur Bourdongle s'appelait même place des Cocons avant de s'appeler la place Carnot !
« Le marché aux cocons de Nyons rassemblait les produits de tous tes villages environnants. Il se tenait place Carnot, au
grand soleil. C'était nécessaire pour juger de la couleur.
Chaque paysan apportait sa récolte dans un « bourras », un grand carré de toile de jute dont les quatre coins étaient rassemblés et
noués ensemble. Il posait son bourras à terre, défaisait le noeud et étalait la toile, sur laquelle les cocons formaient une colline d'or. Toute la
place était tapissée de soie »
Dans un autre ordre d'idée, voici un extrait de Tarendol où figurent en italique les correspondances avec la réalité nyonsaise.
« Milon les Tourdres compte un peu moins de cinq mille habitants. Le bourg moyenâgeux entasse ses maisons couleur de rocher sur une colline (le
Devès), au nord, autour d'un donjon carré (la Tour Randonne) transformé en chapelle. Le quartier neuf étend à ses pieds, vers le sud, ses villas aux
toits rouges, entourées de jardins. La plus grande et plus laide est la sous-préfecture. Huit acacias la séparent de la rue et, au
printemps, rendent le sous-préfet et ses fonctionnaires distraits. Le Gardant noue autour de la ville sa ceinture de cailloux blancs. Les orages de montagne
l'emplissent parfois d'un courant boueux qui transporte des meules de paille et des cochons crevés. »
Un autre lien entre René Barjavel et Nyons c'est son école, l'école primaire de « La Charrette bleue », devenue le muséearchéologique. Autre extrait tiré
cette fois encore de « La Charrette bleue »
« Ma mère me prit par la main, et nous traversâmes ensemble la moitié de Nyons. C'était l'exil. Après l'église catholique nous
tournâmes à gauche et commençâmes à grimper dans une rue pavée, étroite, concave, au milieu de laquelle coulait un ruisseau. Elle était bordée à droite
par un grand mur, à gauche par des maisons taillées dans les anciens remparts : C'était la rue des Écoles, sinistre comme son nom. »
Cette rue est devenue la rue Toesca moins parlante, plus anodine. L'école est perçue comme une forme d'aliénation car elle oblige à un petit exil de-
puis le quartier du cocon familial. Ce dernier est à l'inverse parfaitement représenté par la protectrice boulangerie du père de René Barjavel :
« La boulangerie de Nyons ne m'appartient pas non plus. J'ai été poussé par le vent hors de mon pays, comme un navire. Peut-être un
jour retoumerai-je au port, mais la coupure entre l'avenir et le passé est faite. »
Cette boutique est le lieu de naissance de l'écrivain, elle revêt un aspect emblématique à une époque où le pain représente pleinement la vie et le travail
quotidien de l'homme qui « gagne son pain » à la sueur de son front en labourant son champ ; retour sur l'histoire Nyonsaise et aussi sur la Grande
Histoire rappelée par l'évocation de la fin de la terrible Grande Guerre :
« À Nyons, on tient toujours fermés les volets du rez-de-chaussée. A cause de la chaleur. A cause des voisines surtout. Elles sont si curieuses,
qu'en passant elles se colleraient aux vitres et seraient capables de les traverser pour voir à l'intérieur. Les volets de le chambre où je suis né sont
peints en bleu clair. Après une absence d'un demi-siècle, je me suis arrêté devant eux il y a pei de temps, pour les regarder. Malgré les couches successives
de peinture, ils conservent la trace du coup de baïonnette qw leur donna un soldat français, un soir de l'été 1918 »
On constate que 1'agressioi vient de l'extérieur, qu'il s'agisse de la chaleur, de ta curiosité de; voisines ou bien pire : de la Grande Guerre.
Il en résulte un mélange d'impressions contrastées entre les travers humains tournés en dérision et les tragédies humaines qui peuvent surgir dans
l'Histoire. En quelque lignes, on passe de la petite histoire mesquine des ragots et de rumeurs colportées à l'Histoire des souffrances humaines. Toujours d'actualité !
Entretien avec Pierre Creveuil (président de l'association des Amis de René Barjavel - coordinateur du site consavré à l'écrivain : http://barjaweb.free.fr
Un diaporama de photos anciennes
Dans le cadre du centième anniversaire de la naissance de René Barjavel, il a été récolté dans la vallée de l'Ennuyé des photos anciennes.
Elles ont fait l'objet d'une projection d'un diaîorama réalisé par Milou le sanedi 21 mai à Saint-Sauveur-Gouvernet.
Après une introduction faite par Roland Olivier, coordinateur de 'événement « Escale à Tarentol » et du maire de Sainte-Jalle,
Antoine Ivarnes; la cinquantaine de photos sélectionnées pour l'exposition, a été projetée au public.. Une belle découverte ou redécouverte avec ce voyage
dans je passé suscitant beaucoup de commentaires, certains reconnaissant un aïeul ou d'autres, un camarade d'école. Il a
ansuite été proposé une projection de l'interview de René Barjavel dans l'émission de Bernard Pivot à l'occasion de la sortie de
son livre « La charrette Bleue ».
Le pique-nique sorti des sacs est venu clôturer très agréablement cette rencontre avec le passé.
Évocations de René Barjavel
En attendant le rendez-vous de Tarendol, sur quelques coins de table,
armés de papiers et de photos, de valeureux témoins ont accepté de dire
ce qui leur de l'éternel caganis de la rue Gambetta.
Le témoignage de Germaine
Née une année après René Barjavel en 1912, Germaine Philibert ne l'a pourtant pas très connu. Dans ses souvenirs d'enfance, elle se rappelle que
lors des déplacements à Nyons, ses parents allaient rendre visite aux Barjavel. René n'était pas toujours là et, n'allant pas à l'école ensemble,
se fréquentaient très peu. Les gens bougeaient peu et chaque village avait son école, si bien que les enfants restaient dans leur village. Elle se souvient que le
voyage jusqu'à Nyons avec la charrette tirée par le cheval durait environ 3h.
A bientôt 100 ans, Germaine est un véritable livre d'histoire, depuis la vie racontée par ses grand-parents jusqu'à ses arrières-petits-enfants, elle a une
mémoire infaillible. Il faudrait des jours entiers, des semaines voire des mois pour résumer tout ce que Germaine a à nous raconter, Bientôt 100 ans !
En la quittant elle m'a dit : « l'année de mon anniversaire, il y aura des élections... en mars je crois » !
C'est merveilleux, Germaine pense à l'avenir...
Ch.F.
Parrain, sur un piedestal
Paulette Yizer, petite cousine et filleule de l'écrivain, journaliste, scénariste, dialoguiste... est une gardienne inconditionnelle
du souvenir de René Barjavel : « II était grand par la taille, grand par sa valeur, très bon, très généreux... Il était très pudique et
aimait la « grande » musique. »
De treize ans sa cadette, Paulette a toujours placé son parrain sur un piédestal. « J'ai tellement de bons souvenirs... J'ai tous
ses bouquins dédicacés. Mon mari lisait souvent quand je repassais (il lisait parfaitement)... »
On voyait la scène. Le livre que je préfère c'est « La Charrette Bleue », bien entendu. »
Née en Tunisie en 1924, Paulette Léglise épousera Marius lizer, professeur de mathématiques de son état, en 1962. Les
albums photo et les arbres généalogiques prirent une place considérable dans la maison. Paulette est sans conteste la
collectionneuse la plus assidue et la plus reconnaissante qui puisse être. Les enregistrements sonores, les photos, les dédicaces foisonnent.
« René Barjavel n'a pas eu la vie facile ; il a beaucoup « ramé »... Ce qui l'a sauvé, c'est son travail de scénariste
pour le cinéma. Pour le premier « Don Camillo », le succès n'était pas prévu. Son scénario lui a été payé au minimum... Mais avec la popularité
de la série, le succès est venu avec tes Don Camillo. Puis, avec La Charrette Bleue... »
Attendrie mais réaliste, Paulette souligne volontiers les paradoxes : « II dédicaçait ses livres avec un soleil dessiné, comme
un signe de nostalgie de Nyons et de sa région. Nyons, c'était la famille, mais je ne crois pas qu'il aurait aimé y habiter... »
Le fil d'Ariane de la charrette
Christian Bartheye manipule avec plaisir ses deux exemplaires de l'édition originale de « La Charrette Bleue ». Le premier
est écorné, patiné et truffé de vieux papiers. C'est celui-là qu'il compulse sans ménagement. L'autre tient de la relique puisqu'il s'agit de l'exemplaire
ayant appartenu à la mère de Christian, Madeleine Mourier, épouse Bartheye ; il est dédicacé « À Madeleine retrouvée, mais notre jeunesse est partie,
restons jeunes quand même. Affectueusement. René Barjavel. »
Christian laisse s'échapper quelques éclats d'enfance, la rue Gambetta, le fournil Barjavel, les marronniers de la place de la République...
« Ma mère, née en 1912, me racontait : « René, c'était mon ami. Je venais chercher le pain à la boulangerie. La charrette bleue, la charrette de
chez Illy, j'étais là quand elle est sortie avec les garçons... C'est bien ce qu'il a mis René, mais il n'a pas tout dit... » (Christian rit de bon cœur)
I ne résiste pas au plaisir de lire, pour la énième fois : « Illy mit en place la grande roue ferrée, serra les derniers boulons, graissa les moyeux et
la vis du frein à manivelle, puis regarda son ouvrage et trouva que cela était bien. Puis, il peignit la charrette en bleu. Nous suivîmes cette dernière opération
avec intérêt parce que le bleu était un beau bleu. Un peu plus foncé mais plus chaleureux que celui du ciel... C'est bien vu. Et puis nous, Nyonsais du quar-
tier, on est obligés de partager cela. Et après, quand ta propre mère est citée là-dedans !... Alors c'est encore autre chose...
La première fois que je l'ai lu, j'étais émerveillé. J'étais content pour elle. Et quand je le lis ça me remue encore... Je suis né en
1947 et je n'ai jamais croisé Barjavel. Je ne l'ai jamais vu que dans ma tête et puis en photo, sur une couverture de bouquin...
Ce qui est sûr, c'est que, pour nous, « les galapiats » du quartier, c'est quelqu'un. Pour Barjavel, la charrette, c'est le fil
d'Ariane qui lui a permis de décrire sa jeunesse. Pour nous aussi... »
 Pour Roland et Christian Bartheye, le passé est un trésor.
L'Escale à Tarendol se prépare
La journée de commémoration du centenaire de la naissance de René Barjavel organisée le 29 mai à Tarendol se prépare activement. Elle proposera de
nombreuses animations avec à partir de 9h30, des randonnées accompagnées d'une durée de 2h environ à la découverte des marnes de la Peytavine, à 10h
ou 15h au choix, déambulations à thème autour du village, à llhIS ou 16h15 au choix, des conteurs au village proposeront de jolies histoires et de 11 h à
18h des escales littéraires, des iniinattons musicales, une exposition de photographies anciennes, un défilé de voitures anciennes mais aussi la buvette
et petit marché de producteurs durant toute la journée. A midi, sera procédé à la pose d'une plaque commémorative, en présence de Jean Barjavel fils de
René Barjavel, de Pierre Creveuil président des Amis de René Barjavel et des élus de la vallée, accompagnée par des chansons sur les textes de René
Barjavel interprétées par la Chorale des Trois Vallées. Il sera ensuite proposé aux visiteurs un pique-nique tiré des sacs suivi, en début d'après-midi,
de l'interview des personnes ayant connu René Barjavel proposé par Philippe Cahn.
Les élèves des classes de CM1 et CM2 ont reçu au début du mois d'avril le livre « La charrette bleue » offert par les sept mairies de la vallée de l'Ennuyé.
Geste symbolique initiant des travaux en classe programmés par le professeur Georges Bontemps. Il proposera avec ses élèves lors de la journée commémorative,
une représentation théâtrale sur le thème de la science fiction et plus particulièrement sur l'environnement dans 100 ans. Dans le futur, quelque chose va manquer :
l'eau, ce qui va transformer la société mais, la machine à voyager dans le temps va permettre d'aller voir dans le futur... mais chut, nous découvrirons la suite le 29 !
Pensez à vous inscrire pour les activités de la journée à l'Office de tourisme du pays de Nyons
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