Apostrophes Les fleurs, l'amour, la vie René BARJAVEL
à
"APOSTROPHES"

le 17 novembre 1978
(170ème émission)
 
“De la sexualité aux XIXème
et XXème siècles”


(parution de Les fleurs, l'amour, la vie)
 
  Au générique du début

Le sujet, encore très sensible pour l'époque, appelait une précaution dialectique de Bernard Pivot :

« Comme vous le savez, Apostrophes est une émission qui a toujours lieu en direct. De sorte que maintenant, au moment où je vous parle, je ne sais pas trop ce qui sera dit, très précisément, au cours des soixante-dix minutes qui viennent. Il se peut que des choses "pas très convenables" soient dites, et je ne saurais trop conseiller aux enfants, et puis à toutes les personnes qui ont les oreilles chastes, de renoncer à cette émission.


sinon...

Cette mise en garde étant faite, eh bien voici le cent-soixante-dixième numéro d'Apostrophes, « De la sexualité » -  je dis bien « DE la sexualité, au dix-neuvième et au vingtième siècles ».

Après avoir montré l'ouvrage L'Art érotique des maîtres, consacré aux œuvres picturales particulières des peintres et illustrateurs célèbres pour d'autres illustrations, dont des planches avaient agrémenté le générique, l'animateur présente les invités :

  • Suzanne Brogger, journaliste-écrivain danoise, pour son livre Et délivrez-nous de l'amour,
  • Jean-Paul Aron, directeur d'études à l'École des Hautes Études, et Roger Kemp, professeur à l'École Polytechnique de Zurich, "ethnologue de la Littérature", pour leur ouvrage Le pénis et la démoralisation de l'Occident (Ed. Grasset),
  • Marie-Françoise Hans, professeure et romancière, co-auteure (avec Gilles Lapouge) d'une enquête "Les femmes, la pornographie, l'érotisme" (Ed. du Seuil),
  • Le docteur Gilbert Tordjman, secrétaire général de la Société Française de Sexologie Clinique, pour son dernier livre Réalités et problèmes de la vie sexuelle,
  • Robert Benayoun, critique de cinéma, pour Érotique du Surréalisme (Ed. Pauvert),
  • René Barjavel pour son album Les fleurs, l'amour, la vie (Presses de la Cité) (textes et photos)

 

Bernard Pivot -  Cet album, je l'ai reçu comme un hymne à la joie, aux couleurs, à la nature...

René Barjavel -  Oui, c'est tout à fait ça, c'est un hymne à l'amour, et c'est un hymne à la plante, aux végétaux et à la fleur. Parce que la fleur, puisque nous sommes dans le sujet ce soir, la fleur c'est l'amour parfait.

B.P. - Total.

R.B. - C'est l'amour total. Et parfait. Lorsque vous vous penchez sur une rose, pour la respirer, vous n'avez jamais pensé que vous étiez en train de respirer un sexe. Vous en respirez même deux. Deux sexes qui sont en train de faire l'amour. Et Dieu sait si ça sent bon, ce qui n'est pas le cas, toujours, dans les autres ébats. (rires...)
Je crois que le mythe du Paradis perdu, chez l'homme, doit être un vague souvenir du temps où il était arbre. Parce que son malheur a commencé à partir du moment où il est devenu ambulant, et où on l'a séparé en deux, d'un côté la femme, de l'autre côté l'homme. Et depuis ce temps-là, on se cherche, et puis on se trouve très rarement. Tandis que la fleur... la fleur se trouve : elle est là, elle est entière, elle est à la fois mâle et femelle, et quand vous êtes, au printemps... vous rencontrez un arbre en fleurs, un cerisier, vous ne vous rendez pas compte que cet arbre, qui est un million de fleurs, est en train de faire l'amour, de faire l'amour un million de fois.

B.P. - Je vais regarder les cerisiers autrement, maintenant... (rires)

R.B. - Oui, ce qu'il y a de merveilleux, c'est que ce million d'amours deviendra un million de cerises, n'est-ce pas, c'est une réussite...

B.P. - Oui, heureusement.

R.B. - Ce n'est pas toujours aussi bien réussi chez nous.

B.P. - Mais est-ce qu'il y a une "volupté", chez la fleur, de l'amour ? Vous parlez de « la volupté silencieuse du pétunia », par exemple.

R.B. - Je crois que la beauté de la couleur, que le parfum, sont l'expression de la volupté, de la joie, et du bonheur. Ce n'est pas seulement une joie, c'est un bonheur. Chez l'Homme, la sexualité est presque toujours déchirante. Très souvent... Enfin, la réussite est rare. Tandis que, chez le végétal, il a quelque chose de parfaitement accompli. Et c'est par le fait que la fleur est complète, n'est-ce pas, ce n'est pas un sexe, ou l'autre - il y en a quelques-unes qui sont unisexuées, mais en général les fleurs sont bisexuées - et elle n'a pas besoin de chercher autre chose.
Tiens, par exemple, chez l'animal, l'escargot, qui est un personnage extraordinaire...

B.P. - ...Il a deux sexes

R.B. - Il est bisexué. Mais il a besoin de rencontrer un compagnon ou une compagne, enfin... et de s'unir, deux fois...

B.P. - Qu'est-ce qui vous plaît ? La fleur, c'est qu'elle n'a besoin de personne ?

R.B. - Elle n'a besoin de personne, elle a...

B.P. - C'est l'éloge de l'onanisme, là...

R.B. - Pas du tout ! L'onanisme c'est un... malheureux... une malheureuse consolation d'une moitié, qu'elle soit féminine ou qu'elle soit masculine. Il n'y a qu'une moitié, qui cherche à... à se donner une petite satisfaction. Tandis que la fleur est totale,

Jean-Paul Aron - Est-elle narcissique ?

R.B. - Je ne sais pas. Je ne sais pas si elle se regarde, si elle se contemple, si elle... Elle est heureuse dans l'accomplissement, c'est cela qui est merveilleux. Et l'escargot, donc...

B.P. - Vous y tenez, à l'escargot...

R.B. - Oui, parce que c'est une des bêtes les plus voluptueuses de la création. La volupté de l'escargot est quelque chose d'extraordinaire : leur amour double, et immobile et silencieux, dure des heures.
 

(présentation de pages du livre)

J.-P.Aron - Il prend son temps... (rires)

R.B. - En tout cas...

B.P. - Mais les fleurs, elles ont quand même besoin, pour se reproduire, du vent et des insectes...

R.B. - C'est exact, c'est exact... Elles ont parfois besoin qu'on leur donne un petit coup de main. C'est exact. Mais je crois que ce qu'il faut... il faudrait placer ce soir, il ne faudrait pas l'oublier, parce qu'on va tous parler de ce problème de la sexualité, on va parler de l'érotisme, de la pornographie, de l'amour, tout ça, toutes ces choses, ce n'est pas le problème, [le problème] c'est le problème de la perpétuation de la Vie. La Vie est une chose fabuleuse, extraordinaire, à laquelle on ne comprend rien, qui nous semble ne pas avoir d'autre but que de se perpétuer. Alors, chez l'individu... l'individu se perpétue d'abord en mangeant, ensuite l'espèce se perpétue par l'amour. Par l'amour... et elle nous prend au piège, pour qu'on continue, elle nous donne le plaisir. Parce que sans quoi, s'il n'y avait pas de plaisir à faire l'amour, qui d'entre nous le ferait ? Parce que c'est plutôt ridicule, cette espèce de gymnastique... enfin, s'il n'y avait pas le...

B.P. - Le docteur Tordjman n'a pas l'air d'accord...

R.B. - Non, mais, si on n'était pas en train de courir après le plaisir, on ne se... quand on les voit d'un œil froid, ce n'est pas tellement...
Et alors, au printemps, chez les végétaux, il y a un... une espèce de formidable prodigalité de moyens, des milliards de tonnes de pollens qui s'en vont dans les forêts, enfin c'est quelque chose de fabuleux, et... chez les animaux c'est la même chose, ça court partout...

B.P. - Mais, René Barjavel, est-ce qu'on peut dire qu'il y aurait une sexualité différente chez les plantes selon qu'on est au dix-neuvième siècle ou au vingtième siècle ?

R.B. - Je ne pense pas... la sexualité a peut-être changé, mais alors très lentement, au cours des millénaires...

B.P. - Et est-ce que les fleurs ont besoin de sexologues ?

R.B. - Je ne crois pas, non, je ne crois pas. D'ailleurs les hommes ne devraient pas en avoir besoin non plus...

B.P. - Ah ! Pourrais-je avoir votre avis ? Les hommes ne devraient pas en avoir besoin non plus ? Vous n'avez jamais eu besoin, vous, de sexologue ?

R.B. - Personnellement, non, mais enfin...

B.P. - Et vous lisez, vous, des livres de sexologie ?

R.B. - Eh bien, j'ai lu ceux qui m'ont été envoyés, j'y ai pris intérêt, mais je dois dire que je trouve cette... ce genre de littérature un peu triste...

B.P. - Alors, le livre du Docteur Tordjman, vous le trouvez triste ?

R.B. - Non, parce que lui est tout de même...

B.P. - Ah, ben c'est ça...

R.B. - Non, mais enfin, c'est un enseignement, c'est autre chose. Mais, par exemple, les enquêtes qui ont été faites chez les femmes, c'est absolument décevant, moi je suis plein de compassion, et il y a combien d'hommes aussi qui sont dans le même cas, à mon sens ce sont des êtres... ce sont des infirmes...

B.P. - Et, le livre du Dr Tordjman, ça vous a appris des choses ?

R.B. - Non, ça ne m'a rien appris. (rires)

B.P. - Vous saviez tout ça...

R.B. - ... je crois que c'est un livre utile, parce que, les adolescents aujourd'hui, on leur fait, à l'école, on leur fait un petit cours de sexologie, n'est-ce pas, on leur apprend ce que c'est que le zizi, à quoi ça sert, comment il faut s'en servir, mais on ne leur apprend pas ce qui est extrêmement nécessaire, c'est à dire comment s'en servir pour être heureux.

B.P. - (s'adressant au Dr Tordjman qui s'agite) Alors, voilà, vous répondez à cette question, "comment se servir de son zizi pour être heureux ?"

Le Dr. Tordjman parle de son livre, puis la suite de l'émission présente les ouvrages des autres invités. La participation de Barjavel est épisodique et consiste en quelques commentaires.
Après la présentation du Dr Tordjman :

R.B. - Moi je trouve que... il y a quelque chose d'effrayant dans le vocabulaire de la sexologie.

B.P. - Ah !?...

R.B. - L'orgasme

B.P. - Ben oui...

R.B. - Que de mots horribles...

B.P. - Et vous diriez quoi ?

R.B. - Je ne sais pas... C'est terrible, n'est-ce pas, dans ce domaine, ou bien on a affaire à un vocabulaire scientifique qui est épouvantable, qui vous couperait vos élans d'une façon affreuse, ou bien alors il y a le vocabulaire populaire qui, du fait de la honte qui s'attachait à cette fonction jusqu'à maintenant, a quelque chose d'ordurier. Ce qui fait qu'on est totalement démuni de vocabulaire dans le domaine de l'amour. Alors...

B.P. - Comment en parler ?

R.B. - Je ne sais pas... Chaque couple est obligé de tout réinventer.

Après la présentation du livre de Jean-Paul Aron et Roger Kemp, essentiellement consacré à la répression des choses du sexe au dix-neuvième siècle, le Dr Tordjman re-situe que pour ce qui est de l'époque actuelle, "le temps de la vie de chacun consacré à l'érotisme se rétrécit". Et J.-P.Aron rajoute : "c'est tout à fait vrai, on n'a jamais attaché à l'amour si peu d'importance, on en parle d'une façon envahissante et redondante [...], on n'a jamais autant parlé d'amour, et on ne l'a jamais fait aussi peu".
Barjavel intervient :

R.B. - Je crois que là, je me permets d'entrer en conflit avec vous, vous venez de prononcer le mot "amour" pour la première fois, depuis le début de cette soirée. C'est la première fois qu'on parle d'amour. Jusqu'ici on a neaucoup parlé de sexe et de tout ce... et de l'activité sexuelle, mais justement, ce qui fait, de tous ces gens que vous avez étudiés dans le présent ou dans le passé, des infirmes, c'est qu'il n'est jamais question d'amour. Or l'amour c'est la solution. Parce que le sexe sans amour c'est une supercherie.

Suit un petit débat... puis Barjavel reprend :

R.B. - L'amour c'est l'accomplissement du couple. C'est ce qu'on trouve dans la fleur. C'est l'accomplissement, l'accord, et l'équilibre. C'est la seule chose qui puisse apporter la paix au point de vue sexuel, c'est l'amour. Parce que, lorsque - c'est assez rare - lorsqu'un homme et une femme abordent la sexualité avec de l'amour, mais attention, ce que j'appelle amour ce n'est pas celui qui a comme vocabulaire « je te veux, je te prends, tu es à moi, tu m'appartiens. » C'est à dire l'amour... une espèce d'exaspération de l'égoïsme et de la possession. C'est le contraire. Et lorsque deux êtres s'aiment, et avec assez de force pour que chacun puisse penser à l'autre avant de penser à lui-même, alors s'établit un équilibre où il n'y a plus de problèmes sexuels, parce que toutes les barrières tombent. Toutes les timidités s'en vont. Tous les nœuds qu'on a pu subir pendant son adolescence ou son enfance se défont. Et, alors là, ce sont des gens dont on n'entend pas parler, ces couples-là. Parce qu'ils sont enfermés dans leur bonheur et dans leur réussite, ils sont comme une pomme qui a retrouvé ses deux moitiés et qui s'est bien enfermée dans sa peau.

J.-P.Aron - C'est vrai, mais nos "pervers" n'existent que parce que, précisément, le dix-neuvième siècle empêche l'amour.

R.B. - Tout à fait d'accord.

J.-P.A - Nous sommes d'accord avec vous...

R.Kemp - Barjavel, que j'aime énormément, d'ailleurs, je vous lis régulièrement

B.P. - Ah, oui... vous venez de prononcer le mot « amour »

R.K - Je vous aime, je vous aime, je vous aime... nous vous aimons ! et après l'émission, je vous embrasserai sur les deux joues. Mais pudiquement. (rires)
Tu vois, Jean-Paul, je pense que Barjavel, là, est un peu en contradiction avec lui-même. Toi tu aimes beaucoup Barjavel. Moi, je l'aime encore plus. Et puisque je vous aime énormément, je vous lis, régulièrement. Alors je dois vous dire que, lorsque j'ai lu, je crois que c'était fin octobre, votre article sur... votre chronique, vous savez, un petit paragraphe sur Nadia Comaneci, j'ai trouvé ça presque indécent... Qu'est-ce que vous dites ?

B.P. - C'est dans Le Journal du Dimanche ?

R.K - C'est dans Le Journal du Dimanche, oui, je ne voulais pas le citer.

R.B. - C'est...

B.P. - Mais quand vous nous dites qu'elle est devenue « une jeune fille fessue », et qui « pète de poitrine », parce que, là, vous n'allez pas démentir que vous aviez écrit ça, j'ai été choqué, je me suis dit « mais où est passé Barjavel ? Pas lui ! »

R.B. - Mais vous ne citez pas tout. J'ai dit qu'elle était devenue belle...

R.K - Ah, vous le dites aussi...

B.P. - ... et ensuite j'ai ajouté les adjectifs que... (brouhaha). Je ne pouvais pas m'empêcher d'exprimer mon regret...

B.P. - Bon, vous voulez continuer cette conversation chez Robert Chapatte, samedi soir ? Il vous invitera, si vous voulez.

... Le débat reprend sur le livre de J.P Aron et R. Kemp, puis les autres ouvrages. On en arrive au livre de Marie-Françoise Hans Les femmes, l'érotisme et la pornographie. Elle précise les conditions de l'enquête :

Marie-Françoise Hans - Nous avons pris une cinquantaine de femmes, qui vont de seize à quatre-vingts ans. Et... d'ailleurs l'une d'entre elles, celle de seize ans, j'y pense parce que René Barjavel est à côté de nous, à une question sur le livre érotique, enfin « quel est votre premier souvenir érotique ? », elle a répondu : « La Nuit des temps de René Barjavel. »
(rires) Eh oui !

R.B. - Tiens, je pensais que c'était plutôt des scènes d'amour qu'il y avait dans mon livre, plutôt que des scènes d'érotisme.

M.-F.H. - Eh bien c'est ce qui l'avait troublée, mais troublée érotiquement.

R.B. - Érotiquement...

La présentation du livre et de l'enquête qu'il rapporte se poursuit. Ensuite :

Suzanne Broffer - Vous avez parlé en particulier de tout ce que les femmes n'aiment pas. Et vous nous dites que la pornographie c'est fait par les hommes, pous les hommes, et que les femmes n'entrent pas là-dedans. Mais vous n'avez pas dit s'il faut que les femmes commencent à faire leur propre, euh...

B.P. - ... pornographie, érotisme ?

S.B. - Si on le fait, si on fait quelque chose soi-même, on ne l'appellera jamais de la pornographie.

M.-F.H. - Si. Si, si... La question a toujours été posée, chaque fois. Si vous imaginez un érotisme au féminin, comment ce serait ? Et nous nous sommes aperçues, en particulier, qu'il y a un sens que les... bon, que les femmes ne reconnaissent pas du tout, qui est le plus prédateur, c'est la vue. Vous n'êtes pas d'accord ? Mais la majorité de ces femmes, non, se reconnaissent plutôt du côté du toucher, de l'odorat, et, effectivement, dans un spectacle pornographique, on n'a pas la réunion de tous les sens.

S.B. - Ça m'a l'air très maternel, comme sensation...

R.B. - Ce qu'il y a de particulier, c'est, effectivement, quand on fait l'amour, l'homme a les yeux ouverts, et si la femme est heureuse, elle ferme les yeux.

M.-F.H - Poh.... pas forcément ! Pourquoi voulez-vous qu'on ferme forcément les yeux ? Moi je trouve ça absolument...

J.-P. Aron - Est-ce que les fleurs ferment les yeux ?

R.B. - Je ne sais pas où est l'œil de la fleur...

M.-F.H. - Mais justement, il y a beaucoup de femmes qui, parlant de lumière, enfin, parmi les plus âgées d'entre elles, effectivement, disent « j'ai besoin du noir absolu », ce qui montrent bien combien elles ont été massacrées.

R.B. - Non, mais ce n'est pas du tout sur ce point-là que je me place.

M.-F.H - Mais attendez... sinon elles préfèrent des lumières tamisées à l'obscurité. Donc elles ont envie de voir, quand même, elles ne ferment pas les yeux tant que ça...

R.B. - Non, non, elles ne ferment pas les yeux au début, c'est évident, mais il vient un moment... il vient un moment où elles ne voient plus rien et...

M.-F.H - Parce que vous ne croyez pas que les hommes ne voient plus rien aussi ?

Dr Tordjman - Bien sûr. Biologiquement, au moment de l'orgasme il y a une atténuation de tous les sens, au moment de l'orgasme.

R.B. - Ohhh...

M.-F.H - Oui, mais il y a une coupure... alors par conséquent ça peut paraître...

B.P. - René Barjavel ne veut pas entendre parler d'orgasme...

R.B. - Non, c'est un mot horrible.

M.-F.H - Mais pourquoi ?!

(brouhaha)

R.B. - C'est un mot... je ne sais pas, c'est un mot de sciences naturelles, ce n'est pas un mot humain...

M.-F.H - Pas du tout...

La discussion continue à propos du livre de Suzanne Brogger, Et délivrez-nous de l'amour, dans lequelle l'auteure fait plusieurs récits de ses propres expériences. Elle reconnaît avoir posé nue pour des photos.

B.P. - René Barjavel, vous faites des photographies de fleurs, mais est-ce que vous aimeriez, peut-être... vous voyez, les deux dames...

R.B. - Ahhh... Je n'ai jamais fait de photographies de dames nues...

B.P. - Est-ce que ça vous intéresserait ?

R.B. - Je ne sais pas... ça bouge trop...

B.P. - Vous trouvez que ça bouge trop ?

R.B. - Ça me rappelle une histoire, si vous voulez, qui pourrait servir de conclusion à ce débat. C'est une histoire qui pourrait être japonaise, c'est l'histoire des amours du cerisier et du rossignol. Le rossignol était tombé amoureux d'un cerisier en fleurs. Et le cerisier en fleur était amoureux du rossignol. Mais vraiment, ce n'était pas facile, pour conclure cet amour. Il s'est passé entre eux ce qu'il se passe toujours entre les couples. Le rossignol disait au cerisier : « Mais enfin, bouge un peu, tu es là, comme une souche, remue-toi un peu, comment veux-tu que... » Et l'autre disait :« Ah, cesse de t'agiter, enfin, reste un peu tranquille... » Vraiment, ils n'y arrivaient pas. Alors, Dieu - c'est le dieu japonais, vous savez, c'est le soleil - a eu pitié d'eux, ils s'aimaient tellement qu'il a pensé qu'il pourrait les aider, en les faisant s'aimer encore davantage. Ils sont arrivés à ce point où chacun d'eux n'a plus pensé à reprocher à l'autre, à lui demander de lui ressembler, n'a plus pensé à son propre plaisir, mais a pensé à rendre l'autre heureux. Et il est arrivé cette chose formidable que chacun s'est mis à penser à l'autre au lieu de penser à soi. Alors le rossignol s'est posé sur le cerisier, et tout s'est accompli, le cerisier s'est envolé, et le rossignol a fleuri.

B.P. - Bon, très bien...


L'émission se termine par la présentation d'une copieuse bibliographie sur le sujet, et les remerciements de l'animateur.