Dossier de L'édition Le Tallandier
« Les Chemins de Katmandou »

 

Barjavel
ou
le romancier sans prénom


Au sommet de sa tour de béton, il tourne le dos aux paysages de Paris et rêve à ceux de sa Provence natale.

La vie de René Barjavel est une suite de miracles aussi nombreux que les chemins qui conduisent à Katmandou ! Renonçons, dès maintenant, à les compter. Le dernier est récent : Barjavel venait de quitter la banlieue, mis en fuite par le bruit des tondeuses et le hurlement des chiens de garde; il cherchait désespérément un coin tranquille qu'il a trouvé providentiellement dans l'un des derniers arrondissements encore paisibles de Paris, j'ai promis de ne pas dire lequel. L'auteur des CHEMINS DE KATMANDOU s'est retiré là, seul, dans sa tour d'ivoire ou plutôt, de béton, et, de son onzième étage, il contemple la tour Eiffel, le Sacré-Coeur, Notre-Dame, sans prononcer le fameux « Paris à nous deux ». II n'en a plus besoin. Depuis qu'il a reçu, l'an dernier, le prix des Libraires pour son livre LA NUIT DES TEMPS, il a gagné la célébrité et perdu son prénom : on ne l'appelle plus que Barjavel.

Grand, les cheveux gris et bouclés, maigre, très maigre, Barjavel est resté semblable à ses ancêtres, de très pauvres paysans de la Drôme :

- Je suis le premier de la famille à ne pas exercer de métier manuel. Mon père était boulanger à Nyons où je suis né le 24 janvier 1911. Mon père est parti à la guerre quand j'avais trois ans. Ma mère s'occupait de la boulangerie. Mon enfance s'est passée de façon très libre et très calme. J'en garde surtout le souvenir des odeurs. L'odeur du pain frais. L'odeur de la nuit de Noël quand on faisait les « panas ». Les « panas », c'étaient des tartes à base de courge et d'amandes pilées que les ménagères apportaient à notre four. Après cuisson, on arrosait les « panas » avec de la fleur d'oranger. La maison embaumait la fleur d'oranger. Quand mon père est revenu de la guerre, ma mère est tombée gravement malade. Elle est morte quand j'avais onze ans.

Avec une extrême pudeur, Barjavel fait silence sur la mort de cette mère tendrement aimée et sur d'autres chagrins aussi intimes : « Chaque fois, avoue-t-il, que j'ai eu une grande réussite matérielle, j'ai eu le revers de la médaille, des ennuis dans la famille; c'est comme ça. » Barjavel ne dit pas réussite, mais « miracle ». Nous allons assister à l'un des premiers de sa vie :


A quatre ans, à l'ombre des orangers en fleur.

A deux ans, en uniforme des dimanches.

- J'étais très mauvais élève au collège de Nyons. Je me laissais aller à une dérive solitaire. Mes professeurs m'avaient tellement répété que j'étais un crétin que j'avais fini par le croire. Et puis, un jour, j'ai réussi une composition française, et le professeur de français - je n'ai jamais oublié son nom, M. Delavelle - a lu ma copie en classe et a dit : « Barjavel, vous êtes intelligent. » J'ai pensé : « Tiens, c'est peut-être vrai. » Et du jour au lendemain, j'ai changé, un vrai miracle, je suis devenu premier en tout. Ah ! M. Delavelle, il était d'extrême droite et il avait acheté un phonographe pour jouer la Marseillaise parce qu'il avait pour voisin un communiste qui jouait l'Internationale.

La rue retentissait de ces duels musicaux. Barjavel ne se préoccupait guère alors de politique et se contentait de jouer, dans la troupe théâtrale du collège de Nyons, des pièces de François Coppée et de Miguel Zamacoïs.



À onze ans, il découvre un maître en science-fiction : Jules Verne
AGENT
IMMOBILIER
ET PION DE
COLLÈGE

A l'âge de quatorze ans, il quitte définitivement Nyons et la Provence pour Cusset, près de Vichy, où il passe brillamment ses bachots deux ans plus tard.

- Mon père a toujours été très gentil, il me laissait faire ce que je voulais. Mais quand j'ai eu mes bachots, j'ai dû gagner ma vie aussitôt. Je ne savais rien faire. Je suis entré comme démarcheur dans une agence immobilière. J'y suis resté trois semaines. Comment pouvait-on se fier à un gamin de seize ans qui vantait les charmes des appartements à des gens méfiants? Je n'ai jamais rien réussi à vendre. D'ailleurs, le matin, je préférais m'installer dans un café à écrire des poèmes...


Son père, Henri Barjavel, boulanger à Nyons (Drôme).
 

Équipe de rugby du collège de Cusset : René Barjavel est le premier à partir de la droite.

Congédié donc de l'agence immobilière, Barjavel, grâce au principal du collège deCusset qui avait confiance dans les dons de son ancien élève, devint pion à dix-sept ans, en attendant mieux.

- J'étais nourri, logé et je gagnais 276 francs. C'était en 1928. Puis je suis devenu employé dans une banque, la Banque populaire. Je faisais des additions, je me trompais, je recommençais, je me trompais encore. Un calvaire.

Ce calvaire ne dura pas. Le principal du collège, déjà nommé, présenta son protégé au directeur d'un journal. Le Progrès de l'Allier, et, nouveau miracle, Barjavel fut engagé sur le champ.

LE BIJOUTIER
ASSASSIN

Je suis devenu journaliste à dix-huit ans. C'était à Moulins. On était deux à travailler au Progrès de l'Allier : le directeur et moi. A deux, nous faisions un journal de six pages. On recevait des plis, des états civils, des annonces de bals, d'objets perdus, des dépêches d'agence et quelques télégrammes de l'Agence Havas. Le billet politique était écrit par un avocat du coin. Je suis resté au Progrès pendant cinq ans. Le dimanche, je faisais des reportages sportifs. J'assurais aussi les faits divers de la région. Il y en a un que je n'ai pas oublié et dont je ferai peut-être, un jour, un roman. Le titre en sera celui que l'on donna, à l'époque, à ce fait divers : LES AMANTS DE MOULINS.

C'était un bijoutier de Paris qui était parti avec sa jeune maîtresse, après avoir tué sa femme et son fils. On n'a jamais su les motifs de ce double meurtre. Traqués, les amants avaient échoué à Moulins. L'adjudant de gendarmerie me téléphone : « Le bijoutier est à l'hôtel de Paris, je vais le cueillir. » J'ai assisté à la scène finale. Au moment où l'on frappait à la porte, un coup de feu. Puis un deuxième. Le bijoutier de cinquante ans et sa maîtresse de dix-huit ans venaient de se suicider.


A vingt-trois ans, jeune journaliste à la mode, à Vichy.

DENOEL : « VENEZ TRAVAILLER AVEC MOI. »

A vingt-trois ans, dans les chasseurs alpins.
 
 
 
A L'ÉCOLE DES SAINTS OU LE YOGI ET LES COCKTAILS

En 1935, Le Progrès de l'Allier engagea un deuxième journaliste et Barjavel fut délégué à Vichy où il devint le jeune-journaliste-très-connu. Aussi, une société de conférence le chargea de présenter l'éditeur Robert Denoël, célèbre alors pour avoir publié Le Voyage au bout de la nuit, de Céline. Ce fut le coup de foudre de l'amitié, et encore un miracle : éditeur et futur auteur bavardèrent toute la nuit et, quelques jours plus tard, Barjavel reçut un télégramme : « Venez travailler avec moi. Denoël. » Et c'est ainsi qu'un matin d'octobre 1935, Barjavel débarqua à Paris, s'installa dans un hôtel près des Invalides, et fut nommé secrétaire de rédaction d'un mensuel que publiait Denoël, Documents.

- Ensuite, je suis devenu chef de fabrication. C'est un métier merveilleux. On me disait : « Voilà un manuscrit, faites-en un bouquin. » C'est comme si j'avais été le chef d'orchestre des métiers d'imprimerie. J'ai appris les subtilités de la typographie, les qualités des papiers, depuis les plus vulgaires jusqu'aux chines...

- Et vous vous êtes changé en un vrai Parisien?

- Non. Je suis à l'aise dans Paris, mais je suis resté un paysan. Je n'aime pas me mélanger à la vie littéraire, je ne vais jamais à aucun coktail.

Cette répugnance à toute vie mondaine vient certainement des exigences d'un tempérament profondément avide de solitude. Mais peut-être aussi d'une rencontre en 1937 avec Gurdjieff, chez qui il fut conduit par deux auteurs de la maison Denoël, Luc Dietrich et Lanza del Vasto :

- Gurdjieff n'est pas le mage ni le magicien que l'on présente de nos jours. Il avait mis à la portée de l'Occident une méthode d'évolution spirituelle tirée du yoga. « Nous ne sommes que des gens endormis, disait-il, il faut nous réveiller. » II répétait volontiers : « Ne vous occupez pas des autres puisque vous n'êtes pas capable de vous occuper de vous-mêmes. »

J'ai étudié avec Gurdjieff. Son école était une école pour faire des saints. Tout le monde ne peut pas devenir un saint. Au bout d'un certain temps, j'étais exténué et j'ai dû abandonner.

Barjavel se maria en 1936 et dans les trois années qui suivirent lui arrivèrent un fils, une fille, et la guerre. Armé d'une louche, il fit la campagne de Belgique, affronta l'armée allemande et fut repoussé jusqu'à l'Atlantique :

- J'étais exactement caporal-cuisinier chez les zouaves. On m'avait chargé de ravitailler une division qui a disparu dans la débâcle. On nous a mis dans un camp près de Bordeaux. Un horrible séjour. Démobilisé, j'ai trouvé du travail à Montpellier chez un imprimeur qui éditait un journal pour les étudiants : L'Écho des étudiants. Articles et diffusion étaient exclusivement assurés par des étudiants. C'est ainsi que j'ai fait débuter François Chalais, Jacques Laurent, Henri-François Rey.

Au bout de dix mois, Denoël a rouvert et j'ai regagné Paris en 1941. J'ai publié mon premier roman de science-fiction. Ravage. Je l'avais donné à lire à Robert Denoël qui m'a dit : « Cela ne vaut rien. » J'étais décomposé. C'était un désastre. Et puis, il a fait son métier d'éditeur, et il m'a montré, page par page, quelles étaient mes qualités et quels étaient mes défauts. J'ai entièrement recomposé Ravage. Encore un miracle : dès sa publication, succès immédiat, on en a vendu plus de 50 000 exemplaires. On m'a sacré romancier. Je crois que je suis un conteur. Je raconte une histoire pour en tirer une moralité, comme La Fontaine, et non une morale. La Fontaine est l'un des auteurs que je préfère. J'aime par-dessus tout La cigale et la fourmi et Le coche et la mouche. Ces deux fables sont pour moi l'exemple de ce qui est écrit définitivement sans que l'on puisse y changer un mot.


Pendant la guerre, alors qu'il écrivait Ravage.

 

Le fils et la fille de René Barjavel quand ils étaient enfants.
 
 

Barjavel publia un second roman de science-fiction, Le Voyageur imprudent. Et puis ce fut la Libération :

- A la Libération, Robert Denoël a été assassiné. Je perdais un patron, un ami, un frère.

Barjavel cessa alors d'être chef de fabrication et devint critique dramatique à Carrefour, pendant trois ans, tout en continuant à écrire et à publier.

UN GÉNÉREUX
INCONNU

- C'était une vie très pénible. Je ne dormais que trois ou quatre heures par nuit. Un matin, je me suis réveillé en crachant le sang. J'étais tuberculeux. Pour moi, la tuberculose, c'était du surmenage et du manque de sommeil. J'ai refusé de partir au sana. De toute façon, je n'avais pas d'argent. Alors, encore un vrai miracle. Un inconnu sonne à ma porte et me dit : « Nous avons un ami commun, X, qui m'a expliqué que vous étiez dans une situation difficile. Ma femme et moi, nous venons d'économiser cette année cent mille francs. Je vous les apporte. Prenez-les. »

UN
TÉLÉGRAMME
SIGNÉ DUVIVIER

Avec ce don d'un inconnu, Barjavel partit avec sa femme et ses deux enfants, à Sospel, dans les Alpes-Maritimes, où il se reposa pendant six mois. Son diagnostic s'était révélé juste : au bout de six mois de calme absolu, la tuberculose avait disparu... Muni d'une nouvelle santé et démuni d'argent, Barjavel commençait à désespérer quand, tombant du ciel, il reçut un télégramme du cinéaste Julien Duvivier qui désirait s'attacher l'un de ses auteurs préférés comme adaptateur-dialoguiste  : (« Duvivier avait aimé passionnément l'un de mes livres, Tarendol »).

Pour Julien Duvivier, Barjavel adapta un roman qui venait d'Italie et auquel on prédisait un grand succès : c'était Don Camillo. Il fit toute la série des Don Camillo et d'autres films encore. Récemment, il vient de collaborer avec Cayatte au film Les Chemins de Katmandou.



Prix des Libraires 1969
Barjavel, pour une fois, est oblige d'assister à un cocktail.
UN OURSIN
DANS DU
VINAIGRE

Romancier, adaptateur-dialoguiste, Barjavel est aussi critique de télévision au Journal du Dimanche et à Radio-Luxembourg. Il demeure l'un des maîtres incontestés de la science-fiction :

- J'aime la science-fiction parce qu'elle permet de mettre l'homme dans des conditions inhabituelles. C'est mettre un oursin dans du vinaigre et voir comment il va réagir.

 

Cet écrivain est un grand-père modèle : « Mes enfants sont mariés, j'ai cinq petits-enfants. » C'est à ses petits-enfants qu'il a dédié l'un de ses essais, La Faim du tigre. Je ne résiste pas au plaisir de vous en citer la première page qui vous rendrait l'espoir, si, par malheur, vous l'aviez perdu : « Jamais je ne m'habituerai au printemps. Année après année, il me surprend et m'émerveille. L'âge n'y peut rien, ni l'accumulation des doutes et des amertumes. Dès que le marronnier allume ses cierges et met ses oiseaux à chanter, mon coeur gonfle à l'image des bourgeons. Et me voilà de nouveau sûr que tout est juste et bien, que seule notre maladresse a provoqué l'hiver et que cette fois-ci nous ne laisserons pas fuir l'avril et le mai.

UNE SOURCE
QUI COMMENCE

» Le ciel est lavé, les nuages sont neufs, l'air ne contient plus de gaz de voitures, on ne tue plus nulle part l'agneau ni l'hirondelle, tout à l'heure le tilleul va fleurir et recevoir les abeilles, les rosés vont éclater et, cette nuit, le rossignol chantera que le monde est une seule joie. Tout recommence avec des chances neuves et, cette fois, tout va réussir. J'ai un an de moins que l'an dernier. Non, pas un an, toute ma vie de moins. Je suis une source qui commence. C'est la grande illusion annuelle. Le règne végétal s'y laisse prendre le premier. D'un seul élan, des milliards d'arbres et de plantes resurgissent, poussent des tiges enthousiastes, déplient des feuilles parfaites qui n'ont pas de raison de ne pas être éternelles. »



« J'aime les chiens mais je ne veux pas en avoir à Paris, ils y sont trop malheureux. »

C'est pour assister à cette éternité de la nature que Barjavel rêve de quitter Paris pour retourner à sa Provence natale : « J'y trouverai une vieille grange dont je rebâtirai les murs moi-même, je taillerai mes oliviers, je pourrai faire mon pain. » Car ce qui rend fier Barjavel, ce n'est pas son succès, c'est de savoir faire le pain. Et cette légitime fierté, c'est peut-être le meilleur de tant de miracles...

Jean CHALON.


Photo Robert Doisneau
En attendant l'inspiration, le miracle, le bonheur...

Barjavel
 
PRIX DES LIBRAIRES

Ayant conquis le grand public avec Ravage (1943), René Barjavel s'est vu attribuer le prix des Libraires, pour son roman : La Nuit des temps. Christine Arnothy, Jacqueline Barde et Etienne Lalou, à propos de ce livre, décrivent l'originalité profonde de ce romancier de l'avenir et de la jeunesse.

Christine Arnothy : Une vraie réussite

Me croyant irréductiblement allergique aux romans de science-fiction, je me suis mise à lire le roman de René Barjavel : La Nuit des temps (Presses de la Cité) par devoir, puisque ce livre venait d'obtenir le prix des Libraires et qu'il connaissait ainsi un grand succès de vente. Eh bien ! à peine en étais-je à la moitié du récit que, déjà, j'avais dit au revoir à mes idées préconçues quant à ce genre de littérature et que, sans plus aucune envie de résister, je me suis laissée porter avec allégresse là où Barjavel entraîne son lecteur.

Le sujet ? Les membres d'une expédition polaire française qui font un relevé du relief sous-glaciaire se trouvent soudain bouleversés. Leurs appareils perçoivent un signal; sous la couche des glaces millénaires, il y a un émetteur... L'équipe découvre alors une femme et un homme en état d'hibernation.

Le fait divers préhistorique secoue le monde entier. Les savants français raniment d'abord la femme. Elle est d'une beauté à faire fondre n'importe quelle banquise. C'est par une attirance invincible, en quelque sorte guidés par une politesse surnaturelle, qu'ils l'ont « réveillée » la première. Et les malheurs commencent...

Avec un talent puissant, Barjavel rend plausible et passion- nante l'histoire de ces Roméo et Juliette, de ce couple qui s'est aimé il y a 900 000 ans... Barjavel a-t-il fait avaler une « potion magique » à ses lecteurs? En tout cas, on le suit, on le croit.

Suspense, humour, caricature politique et amour s'enche- vêtrent ici. On s'amuse, on s'attendrit... Une vraie réussite.
 

Jacqueline Barde : Un nouveau Giono

Car ce livre au sujet hardi, qui conte avec rigueur et force une suite d'aventures aux rebondissements incessants, est aussi l'une des plus belles, des plus fortes, des plus tendres histoires d'amour de l'année. A l'imagination du romancier de science-fiction (une fiction toujours logique et vraisem- blable), René Barjavel joint ici un sens poétique, un langage ample et chaud qui évoquent souvent les textes légendaires : Tristan et Yseut dans la traduction de Joseph Bédier, Les Mille et Une Nuits du Dr Mardrus, voire les strophes passion- nées du Cantique des Cantiques. « Je suis à Païkan », dit Eléa, « Je suis à Eléa », dit Païkan. Jaillis des entrailles de la Terre pour crier au monde leur amour, ils ne mourront plus, ils sont l'amour même, sans partage ni fin. Qu'importent l'espace et le temps, les convulsions du globe? Ils s'appartiennent, maintenant et à jamais. Et lorsque, les yeux humides, vous fermerez La Nuit des temps, peut-être penserez-vous comme moi à cette page de Jean Giono dans Le Serpent d'étoiles, lue à quinze ans, jamais oubliée : « La malédiction du Ciel pour nous, ç'a été de nous faire des coeurs à un seul exemplaire. Un pour chacun. Une fois partagé en deux, il te faudra trouver ta moitié exacte, sinon tu resteras seul toute ta vie. Et c'est là le tragique : tu n'imagines pas le nombre de ceux qui ont le coeur mal complété. »
 

Etienne Lalou : Le peintre d'une humanité

L'imagination, l'esprit scientifique, l'humour et le lyrisme de Barjavel font merveille dans la reconstitution de cette double épopée : celle des hommes d'il y a neuf cent mille ans racontée aux hommes du xxi° siècle, qui vivent aussi la leur. Mais, comme dans tous les bons livres de science-fiction, les nombreuses extrapolations techniques n'ont d'autre rôle que de dresser le décor, de créer un climat. L'essentiel, c'est la peinture d'une humanité, et c'est le rapport entre cette huma- nité et la nôtre. Plus encore qu'un romancier, l'écrivain de science-fiction est un moraliste, et s'il semble s'évader dans le temps, c'est pour mieux peindre par la bande l'homme d'au- jourd'hui, ses limites, ses erreurs et ses rêves.


« Je suis le premier de ma famille à ne pas exercer de métier manuel. »