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Transcription du reportage
L'HOMME en QUESTION - René BARJAVEL
(FR3 - le 7 août 1977)


Ce reportage télévisé fut tourné au printemps 1977 et diffusé l'été suivant. J'ai pu en visionner par miracle une copie.

Les scènes sont tournées alternativement chez l'écrivain, 20 avenue Duquesne à Paris (7ème), ainsi qu'à Tarendol et à Nyons avec sa fille Renée et sa cousine Lydie.
Le suivi des propos tout le long de l'émission est donc "artificiel" puisqu'il ne coïncide pas avec l'« unité de lieu », l'auteur commençant à s'exprimer sur un thème à un endroit et poursuivant à un autre. En raccrochant le discours à ses attaches géographiques qui sont, on va le voir, essentielles, cette présentation n'en acquiert qu'une intensité plus profonde.

La transcription réalisée ci-après en est fidèle, la ponctuation et la typographie sont reconstituées d'après les intonations de l'auteur. Les accompagnements musicaux, discrets, sont extraits des musiques de films de F. Fellini par Nino Rota.

 



René Barjavel est à son bureau, à son domicile parisien 20 avenue Duquesne.

Je suis écrivain, et j'ai l'âge de la retraite.
Mais la retraite n'existe pas pour un écrivain.
Même pas le repos ; quand on pose le stylo, ça continue à tourner là-dedans.
On ne s'arrête vraiment que quand on dort, et encore, ce n'est pas toujours vrai...

Un fond musical très doux, extrait de la musique du film : Amarcord.

Ce que je suis devenu, après... tant d'années de labeur devant le papier, devant le papier blanc, ce que je suis devenu, je crois que c'est parfaitement compréhensible et résumé dans les premières lignes d'un livre que j'ai écrit il y a une dizaine d'années qui s'appelle La Faim du tigre :

« Jamais je ne m'habituerai au printemps. Année après année, il me surprend et m'émerveille.
L'âge n'y peut rien, ni l'accumulation des doutes et des amertumes. Dès que le marronnier allume ses cierges et met ses oiseaux à chanter, mon cœur gonfle à l'image des bourgeons.
Et me voilà de nouveau sûr que tout est juste et bien, que seule notre maladresse a provoqué l'hiver et que cette fois-ci nous ne laisserons pas fuir l'avril et le mai. »

J'en lirai bien encore davantage, moi je trouve ça très beau... (il rit)
« Tout recommence avec des chances neuves, et cette fois tout va réussir, j'ai un an de moins que l'an dernier »

En voiture sur une petite route ; entrée dans Tarendol

Voilà, je crois... je suis là tout entier, mon optimisme et mon pessimisme : j'ai un an de moins que l'an dernier, il faut le croire.
En tout cas je crois au printemps. Je crois au printemps, je crois à la Vie. J'aime la nature, j'aime les fleurs, j'aime l'Univers, j'aime tout.
Mon pessimisme il est dans la phrase "je crois que ce sont nos maladresses qui n'ont pas su retenir l'avril et le mai". Je veux dire par là que je crois très profondément que les malheurs dont les hommes souffrent aujourd'hui, c'est eux qui les ont fabriqués.
L'homme est déraciné aujourd'hui. L'homme des villes est une bête dans une cage, et l'homme de la campagne d'ailleurs ne vaut pas beaucoup mieux, il est une bête échappée du zoo, il ne sait pas non plus ce qu'il fait et ce qu'il veut.
Moi je suis... peut-être un exemple "typique" de ce phénomène.

Il marche dans Tarendol, en descendant la route qui vient du col de Soubeyrand, et arrive au coin du pigeonnier en face l'auberge Les Garelles

Eh bien me voici à Tarendol, le pays de mes ancêtres, en compagnie de ma fille Renée qui est née à Paris, et de ma cousine Lydie, qui est née à Valréas mais qui habite Nyons, et qui est, je peux le dire, un peu ma mère.
Voilà où les Barjavel ont vécu, on peut même dire survécu, pendant des siècles et peut-être des millénaires. Mes grands-parents ont été la dernière génération des Barjavel à habiter là, et à tirer (la) sa subsistance de cette terre excessivement pauvre : vous voyez ce sont des... des marnes bleues sur lesquelles il y a quelques centimètres de terre cultivable et là-dessus on vivait avec quelques moutons, un âne, un peu de sarrasin ; on se mettait à quatre familles pour tuer un cochon et au petit déjeuner, le matin, pour commencer la journée, on faisait un oeuf en vinaigrette, c'est-à-dire un oeuf au plat pour deux.

Mon grand-père a trouvé que c'était une vie que... qui n'était pas supportable, qu'il avait pu, lui, supporter, mais qu'il ne voulait pas la même pour ses enfants, et, il est parti, à pied en emmenant son fils, à Nyons, et il l'a confié à un boulanger pour qu'il apprenne le métier de boulanger. Et c'était le commencement du changement.

Je suis véritablement un déraciné, un homme né à la campagne, dans une certaine civilisation, et transporté par les circonstances dans une autre civilisation qui est la civilisation urbaine.

Je crois qu'on ne connaît bien quelqu'un que lorsqu'on connaît ses racines, et je pense qu'il est nécessaire que je montre les miennes.

Devant la fontaine-abreuvoir

Voila l'eau qui justifie le nom de "Tarendol", elle coule sans arrêt, elle a toujours coulé, elle coule depuis des millénaires, mais c'était la seule eau du village et toutes les femmes devaient venir chercher l'eau ici, pour elle, pour la cuisine, pour la toilette - on n'en faisait pas beaucoup, et pour donner à boire aux bêtes et...

Sur la petite place à gauche de la route, en face de la fontaine après les Garelles (plus précisément en face de la maison sur laquelle est placée la boîte aux lettres du hameau...)

la maison des Barjavel était là ; il n'en reste plus rien : voilà tout ce qui reste de la maison des grands-parents, hein ? On l'a "écroulée" comme on dit ici, on l'a écroulée l'année dernière parce qu'elle menaçait ruine, il n'y avait plus que des pans de murs alors on les a poussés un peu...

S'adressant à Renée et Lydie, asises sur les pierres qui restent :

- Qu'est-ce que vous en dites ?

Renée, amusée (?) :

- On peut méditer...

En souriant 

- Hé, hé, hé...

(il rit)

"Barjavel" c'est un nom provençal, c'est très simple : "barjaveïou", ça veut dire "bavard", bavard (il rit)...
Alors le premier Barjavel qui a porté ce nom était sans doute un bonhomme qui racontait des histoires, qui allait d'une.. à la veillée le soir, dans les, dans les foyers, pour raconter des histoires. Il y a d'ailleurs une variété de perdrix, "bartaveou", "barjavéou", à qui on donne le même nom.

Lydie lui "souffle" :

- La bartavelle

Lui :

- La bartavellou, parce que c'est une perdrix qui jacasse sans arrêt. Alors au fond, je continue de faire le même métier que mes ancêtres.

"Tarendol" a une origine PRÉ-celtique, c'est-à-dire, vous voyez, avant les Gaulois, et ça signifie "un endroit haut où il y a de l'eau". Et, effectivement, nous sommes à une altitude assez grande, et c'est sans doute le dernier endroit où on trouve de l'eau courante, où il y a une source ; et cette source a toujours coulé, là, elle coule depuis... elle a été captée, elle n'est pas très grande, elle n'est pas très importante, mais elle a permis à des familles de vivre. C'est, c'est, dans ces pays désolés, le premier bien, c'est l'eau. Quand il y a de l'eau quelque part, la vie arrive.

Musique du film : Juliette des esprits - à Paris.

J'ai écrit une vingtaine de livres, mais ma première activité d'écrivain était celle de journaliste.
J'avais dix-neuf ans, je sortais... j'étais sorti à dix-sept ans du collège comme on sort du couvent, c'est à dire j'étais bon à rien, j'avais fait divers métiers bizarres, et un jour j'ai eu la chance extraordinaire de trouver une place dans un petit journal quotidien de Moulins, ça s'appelait "Le Progrès de l'Allier", on tirait à dix-mille exemplaires, mais on tirait tous les jours.

Et j'ai, dès le premier jour, écrit une chronique, un billet du matin, ça s'appelait un "billet du matin", par souci d'avoir un contact avec les lecteurs, de leur raconter des choses.
Et puis j'ai continué, enfin je continue encore aujourd'hui.

Pendant qu'il parle de son activité de journaliste, on voit des pages de ses Libres Propos du Journal du Dimanche. Titres : Que le corps de la femme reste un rêve..., Assez de larmes sur les assasins d'enfants, Profitez bien de la douce France, Une femme heureuse, ça existe

Le journalisme pour moi, au fond ce n'est pas l'information. C'est un moyen de communiquer avec le public.
Pour moi c'est ça, la chronique, le petit billet du matin de vingt-cinq lignes que je faisais au Progrès de l'Allier ou la demie-page que je fais au Journal du Dimanche, c'est la même chose, c'est une communication avec mes lecteurs.
Et... ça impose donc des devoirs. Par exemple, je suis à la fois optimiste et pessimiste ; optimiste par tempérament, pessimiste par raisonnement, mais je m'efforce toujours dans mes articles, de me montrer plutôt optimiste que pessimiste, je ne veux pas dire que je verse, que je veux verser de la vaseline et de la confiture de groseilles dans mes articles, mais j'estime que la vie de l'homme, aujourd'hui, de l'homme de la ville, de l'homme... de mon lecteur, par conséquent, est pleine de difficultés, d'ennuis, d'ennuis véritables et d'autres qu'il se fabrique, et, je ne veux pas y ajouter, je veux au contraire essayer de l'aider à mieux prendre ce qui lui arrive, à mieux se situer, à mieux se placer au milieu de la vie, et à en profiter, je veux dire à en profiter non pas en courant les filles et en allant... au cinéma trois fois par jour, ce n'est pas ça ; profiter de la vie c'est savoir qu'on est vivant, et profiter de ce que la Nature nous a donné pour saisir chaque chose de l'Univers.

À Tarendol, en s'adressant à Lydie et Renée :

Et tu vois, un jour l'oncle Auguste m'a emmené au kéou di vieïou, ça.. le Clos des Vieilles... C'était là-haut (en montrant le haut de la montagne), ou là-haut, je sais pas, en tout cas, très haut, et, euh.. on a marché, on est monté, il m'avait dit "on emporte la saucisse", et quand on a été en haut, il m'a dit "la saucisse, je l'ai oubliée"... Alors je sais pas si c'était vrai... ça fait qu'on a mangé que du pain sec... ah, là là !...

Lydie parle, mais on ne comprend pas...Ils descendent la ruelle le long du cimetière et ouvrent le petit portail de fer.

Et voilà... Tous les Barjavel doivent être par là. On va peut-être en trouver encore des traces.

Ils marchent dans le cimetière.

Ah, voilà... "Philomène Boyer, épouse de Joseph Barjavel" : c'est ma grand-mère.
Et voilà : "Barjavel Joseph, décédé le 13 Mars 1920, âgé de 77 ans".

S'adressant à Renée :

- Qu'est-ce que ça te dit de voir tes... tes arrières grands-parents, là ?

Auprès des tombes des ancêtres Barjavel à Tarendol
René Barjavel et sa fille Renée

Elle ne répond pas

- T'es parisienne, toi...

Elle, comme s'excusant :

- Je suis parisienne
- Eh oui, ça te dit rien...

Tout le sang et les os et la poussière, l'humus des Barjavel est là depuis mille ans peut-être davantage, tu vois...

Évidemment, la coupure est faite maintenant.


Reprise de la musique du film Juliette des esprits - à Paris dans son bureau 

Avec tous les moyens d'expression du journalisme maintenant nous sommes surinformés, et en réalité, nous ne savons rien.
Par exemple, pendant que nous sommes en train d'enregistrer cette émission, nous savons que M. Giscard d'Estaing et M. Brejnev sont en train de discuter au château de Rambouillet, ça fait un bruit énorme dans toutes les chaînes de télévision et dans tous les journaux, mais qu'est-ce qu'ils se disent nous n'en savons rien, nous savons encore moins quelles sont leurs véritables intentions, tout cela fera l'objet d'innombrables commentaires au bout desquels nous n'en saurons pas davantage...
Plus il y a de nouvelles, moins on sait les choses.

D'ailleurs... je crois que pour moi, la meilleure façon, la meilleure forme du journalisme, ça a encore été le roman.

Mon double souci, en tant qu'écrivain, en tant que romancier, ou écrivain d'essais, c'est d'abord, d'être clair. Je n'écris pas en charabia philosophico-pensé. J'écris aussi simplement que possible : mon gros, gros, gros travail c'est d'être simple ; sans arrêt je rature, je recommence pour être encore plus simple. Mon désir le plus grand serait que le lecteur oublie qu'il a un livre entre les mains, et que ce que j'ai écrit lui entre tout seul dans la tête sans qu'il s'en aperçoive.

A Nyons, devant la boulangerie rue Gambetta puis se promenant dans les rues de la vieille ville. On voit aussi une sorte de fête communale avec des majorettes sortant du collège Roumanille.

Mon premier roman c'était "Ravage". Je l'ai écrit en 42, il est paru en 43. C'était l'histoire d'une civilisation qui s'écroule parce qu'elle manque d'énergie.
Les garçons et les filles qui le découvrent aujourd'hui, qui ont seize ans ou dix-huit ans, qui le découvrent aujourd'hui dans les collections de poche s'imaginent que je l'ai écrit avant-hier.

Celui de mes romans que je préfère, naturellement pour l'instant c'est le dernier. Le petit dernier c'est les... "Les jours du monde" que j'ai écrit avec... Olenka de Veer et qui est la suite des "Dames à la Licorne".
On a toujours une tendresse pour son dernier roman et puis, ces deux livres ont été pour moi un bain de fraîcheur et d'optimisme.

Mes (mais ?), mes deux livres les plus importants sont "La Faim du tigre" et "Si j'étais Dieu". Dans "La Faim du tigre" je me pose des questions. Je l'ai écrit il y a onze ans, et je me demande à quoi sert l'Homme, à... d'où vient-il, où va-t-il, enfin, beaucoup de gens se sont posé ces questions avant moi.
Mais, euh, souvent ils y trouvaient des réponses ; ils trouvaient des réponses dans les religions ou dans les dogmes, les croyances ou dans les philosophies, etc.
Moi, je ne trouve de réponse satisfaisante nulle part.

Dix ans après, j'ai écrit "Si j'étais Dieu". Je suis moins angoissé, plus détendu, et, je me suis peut-être posé les mêmes questions mais avec humour et j'ai essayé d'y répondre en souriant, par exemple j'ai inventé huit nouvelles façons de faire les enfants parce que je trouve que la solution actuelle n'est pas très satisfaisante pour la femme...
J'ai refait l'homme, je lui ai ajouté des ailes, je lui ai donné des sens qu'il n'avait pas, j'ai fait une France ronde et qui pivote pour que ce ne soient pas toujours les mêmes qui habitent sur la Côte d'Azur... enfin, je me suis bien amusé. Mais, tout en m'amusant, je crois que j'ai effleuré des choses importantes.

Musique du film La Dolce Vita - il se promène avec Lydie dans un jardin de fleurs...

J'ai écrit dans le Journal du Dimanche la semaine dernière un article qui se termine par les mots "valeurs réelles" et je regrette.
Je regrette d'avoir employé ces deux mots parce que ce sont des mots vagues dans lesquels on met TOUT ; et qui finalement ne veulent rien dire. J'ai essayé d'en faire une liste, pour être un peu plus précis.

"patrie, famille, travail, terre, amour, ordre, Dieu, religion, morale ; politique, gauche, droite, passé, présent, avenir, la morale, les jeunes, les femmes, etc, l'amour..."
Bon ! Qu'est-ce qui est valable dans tout ça, qu'est-ce qui ne vaut rien ?
Ces mots ont changé de sens, et généralement ils ne veulent plus rien dire.

"Patrie"... qu'est ce que c'est la patrie ? Généralement la patrie c'est la terre dans laquelle on est né, dans laquelle on a encore les pieds, enfoncés.
C'est devenu "la nation", ce qui est très différent. La nation, avec le nationalisme, avec les intérêts, avec les guerres avec les frontières, donc, ce qui était le meilleur, est devenu le pire.

"L'Ordre"... l'ordre c'est... la Vie. Le désordre, c'est la mort. Un organisme vivant, que ce soit une feuille d'herbe, une fleur, un agneau, un homme, c'est quelque chose... c'est un organisme INCROYABLEMENT organisé. Dès que le désordre s'y met, la mort et la décomposition arrivent.
Mais alors, l'ordre, dans la nation, dans la société, ça devient tout de suite un ordre policier, c'est à dire que l'individu n'est plus rien, qu'il devient une cellule obéissante, et qu'il n'a plus que le droit d'obéir, et de faire ce qu'on lui dit.

"Dieu"... "la religion"... "Dieu", est-ce qu'il y a autre chose de plus important que ce mot-là ?

La cloche de l'église de Nyons commence alors à sonner 11 heures du matin.

Mais qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que ça veut dire, où le trouver ?
Moi je le cherche depuis... que je SAIS que je pense.
Les religions auraient dû me conduire à lui. Elles me conduisent vers une caricature. Ce n'est pas ce que je cherche, et ce n'est pas elles qui me feront le trouver.

"La politique"... La politique, c'est... c'est Guignol ; malheureusement c'est souvent une farce qui tourne à la tragédie. Gauche, droite, droite, gauche, l'une remplace l'autre... Les révolutions se succèdent, tout a été essayé, et rien n'a réussi.
La Vérité de la société n'est PAS dans la politique, il n'y a pas de solution politique au bonheur de l'Homme.

"Les femmes".. Mon Dieu... Il n'y a rien à en dire sinon que... elles sont notre raison de vivre, à nous, hommes, on m'accuse souvent d'être "antiféministe", justement parce que je passe mon temps à répéter que j'aime, non pas LES femmes, mais LA Femme.
Dans mon dernier petit livre, mon petit essai que j'ai écrit, "Si j'étais Dieu", je recommence tout. Sauf la femme, parce que j'estime qu'elle est parfaite.

"L'Amour"... c'est le mot-clé. L'amour, tel, c'est un mot qui a rapetissé comme tous les autres. C'est devenu la définition de ce qui pousse l'un vers l'autre un individu du sexe masculin et un individu du sexe féminin.

La musique reprend, du film La Dolce Vita, un passage plus enlevé, en rythme "fox trot"
Chez lui, il montre sur son bureau :

L'amour, l'amour du couple, l'amour de deux êtres c'est ceci : deux êtres se rencontrent par hasard, ils ont chacun un aimant dans le sexe qui passe par la tête et si les amants sont sur la même longueur d'onde... voila... ça donne ça, ça colle, ça colle bien.

Il manipule deux petites poupées en bois dont les têtes sont munies d'aimants de polarités opposées face à face : elles se collent visage contre visage

Mais si les aimants ne sont pas sur la même longueur d'onde, alors, ça peut donner ceci... voilà...

Il approche une autre poupée-homme, mais la poupée-femme tourne vivement son visage au moment où leurs corps vont entrer en contact.

C'est ça la liberté de l'amour.

Ça en réalité c'est le grand élan de l'espèce qui les pousse l'un vers l'autre.
L'amour tel que je l'entends c'est autre chose.
C'est l'attitude que doit avoir l'individu envers TOUT.
Il faut aimer, non seulement l'être qu'on a en face de soi, mais il faut aimer TOUT.
Tout. La création, les objets, les choses, la pluie, le vent... même ce qui est désagréable.
Il y a des choses haïssables... plus généralement, non pas des choses, mais des événements, des événements, des... des institutions, des ACTES haïssables mais l'univers, en lui-même, est composé de choses aimables, SAUF cette contradiction épouvantable qu'il y a entre la vie et le meurtre, puisque chaque vivant ne peut vivre qu'en tuant d'autres vivants.

Mais même ça, peut-être, faut-il le faire avec amour.

Il écarte les mains et les avant-bras, l'air de dire "c'est tout. Je n'ai plus rien à dire", et a même presque un air agacé qui pourrait vouloir dire :"laissez-moi maintenant".

 (pendant ces dernières considérations, et à la fin, musique d'Amarcord)