Interview de Michael Rheyss par G.M. Loup

Toujours bien vivante, l’œuvre de René Barjavel fait des émules. un jeune auteur de science-fiction, Michael Rheyss (pseudnoyme d'Ugo Bellagamba), lui a rendu hommage dans un texte intitulé Le Tigre de la lune dans un recueil de nouvelles (« Le Tigre de la lune » initialement publié dans Une Anthologie de l'Imaginaire, Arcane Septième, Éditions Rafael de Surtis, Collection Pour une Fontaine de feu, 2001, maintenant disponible en ligne sur le site de l'auteur : [ http://ugobellagamba.fr ], sur sa page "Mes fragments d'Atlantide" (http://ugobellagamba.fr/fragments-datlantide/)).
Dans cette uchronie relevant du genre du Journal d'un homme simple, le narrateur découvre un texte inconnu que René Barjavel aurait écrit à Nyons à la fin de sa vie et qui donne un regard décalé sur l’homme et ses écrits…
Anthologie de l'imaginaire contenant Le Tigre de la Lune

J'ai eu la chance de rencontrer Michael Rheyss le 13 juillet 2001, au cours de la 28ème convention de science-fiction qui s'est déroulée à Saint-Denis.
Je vous livre ici l'interview que j'ai réalisée de l'auteur.

 



G.M. Loup : Michael Rheyss, vous êtes l’auteur d’une nouvelle où vous imaginez une lettre que René Barjavel aurait pu écrire, peut-être comme une page de son journal - le Journal d’un homme simple - et où il y relate pour son propre compte quelques rêves et réflexions. Aujourd’hui vous me faites le plaisir de répondre à quelques questions pour le barjaweb, site web consacré à l’auteur… Pourquoi vous être substitué à cet auteur ? Est-ce pour vous la marque d’un hommage particulier ? Serait-ce, pour vous qui avez passé votre enfance à Nyons - ville natale de Barjavel - où se déroule votre fiction, la traduction d’un quelconque besoin d’assimilation ou d’identification à l’auteur ? Ou vouliez-vous plutôt ajouter ou éclaircir des éléments qu’il n’aurait pas écrits ? Combler ou étendre son oeuvre ?

Michael Rheyss : Combler ou étendre son oeuvre ? Absolument pas. Ajouter ou éclaircir des éléments qu’il n’aurait pas écrit ? Non plus. En fait, la seule démarche que j’ai suivie dans l’écriture de cette nouvelle sur Barjavel, c’est la volonté de rendre hommage à Barjavel. D’abord parce qu’effectivement j’ai passé mon enfance à Nyons et que - Nyons étant la patrie de Barjavel - il y a une image, celle de l’auteur de science-fiction de Nyons, qui me parle beaucoup. Ensuite, tout simplement parce que j’affectionne particulièrement l’oeuvre de Barjavel - notamment son oeuvre de science-fiction - et, dans une certaine mesure, l’homme, même si je ne connais sa vie que modérément, mais je suis en train de relire tous ses journaux. Il y a une particularité chez Barjavel, qui me touche et me le rend unique au sein de l’ensemble des auteurs de science-fiction francophones. C’est cette faculté qu’a Barjavel d’associer une véritable vision science-fictionnelle, jouant sur les plus grands thèmes de la science-fiction - le voyage dans le temps, l’interrogation des destinées humaines, la technologie, la politique, etc. -, avec une narration que se place simultanément - ce qui est très révélateur - à l’échelle de l’humain, de l’individu. Barjavel cherche systématiquement à mettre en question les sentiments de l’individu : l’amour, l’amitié, etc. Ce que je trouve fascinant chez Barjavel, c’est finalement la rencontre entre une vraie thématique science-fictionnelle et une générosité naturelle qui lui fait parler de l’être humain avec beaucoup d’exactitude, beaucoup de sentiments.

G.M.L. : Auriez-vous pu choisir un autre auteur ou aviez-vous vu en Barjavel une âme littéraire si proche qu’elle était tout particulièrement recommandée ? Intenteriez-vous d’autres essais de ce style avec Barjavel ou un autre auteur ?

M.R. : Aurais-je pu tenter ça avec un autre auteur ? Oui, peut-être, mais je dirais qu’à la limite le nombre d’auteurs avec lesquels j’aurais pu tenter cette approche reste réduit. Je dirais que, pour Barjavel tout particulièrement, c’est venu très naturellement quand j’ai su que je devais faire un texte pour l’Anthologie de l’Imaginaire. Je cherchais une idée et j’étais à Nyons à cette époque. Je travaillais sur ma thèse et durant mon temps de repos, j’en profitais pour relire les textes de Barjavel, notamment ses journaux. Le thème s’est donc imposé à moi. Il y a une chose qui était évidente pour moi : écrire quelque chose sur Barjavel, et « avec lui », c’était, d’une certaine manière, lui rendre hommage. Aurais-je pu adopter une approche similaire avec un autre auteur ? Peut-être pas. Je dirais qu’il y a des auteurs parmi les grands classiques que j’affectionne beaucoup, particulièrement Herbert George Wells et Jules Verne, mais ferais-je quelque chose comme ça, c’est-à-dire reprendre un extrait de journal intime et essayer de jouer sur une uchronie personnelle ? Probablement pas. Pour Verne, Johan Heliot [1] l’a très bien fait. Bon, il est vrai que Verne est un personnage commun à tout auteur de science-fiction qui se respecte, qui connait ses classiques, et Barjavel aussi, dans une moindre mesure, mais il y avait ce lien subjectif que j’avais envie de mettre en valeur. Par contre, je pense que je reviendrai sur Barjavel, mais peut-être d’une autre manière, pas un extrait ou un complément de journal intime, ou une uchronie personnelle, mais autre chose. J’envisage de lui rendre hommage d’autres fois, oui.

G.M.L. : Non seulement vous vous confondez avec l’auteur pour signer le texte, mais il y a aussi le dédoublement de personnalité entre le Barjavel de votre récit et le héros de son rêve, Azel. Cela semble refléter votre intérêt pour ces ambiguïtés d’identité. Y seriez-vous particulièrement sensible ? Et comme rien ne trahit le fait que le texte n’a pas été écrit par Barjavel mais est le fruit de votre imagination et de vos talents de rédacteur, ne craignez-vous pas d’être taxé d’avoir constitué un faux ? Que diriez-vous à ceux qui qualifieraient ainsi votre texte ?

M.R. : [Sourires] Sur les ambiguïtés d’identité : non, je ne suis pas schizophrène ! [Rires] Bien que j’aie pris un pseudo : « Michael Rheyss » n’est évidemment pas mon nom réel. Je dirais, sur les « ambiguïtés d’identité », qu’il s’agit d’un jeu, à proprement parler. J’ai pris un pseudo en tant qu’auteur, simplement parce que cela m’amusait, rien de plus. Et il ne faut pas voir derrière mon pseudonyme une réflexion délibérée. Il n’y a rien d’autre qu’une volonté de décalage, de jouer, tout simplement. Sur l’ambiguïté d’identité entre Barjavel et Azel Barnstaple, qui fait indirectement écho à l’oeuvre de Wells [2] que j’aime beaucoup, c’était simplement un artifice narratif. Il n’y a pas chez moi une volonté systématique de jouer sur les ambiguïtés d’identité. Mais, il m’a semblé amusant, dans une période où Barjavel se serait cloîtré à Nyons, une période bien entendu purement imaginaire, de mettre en scène un décalage entre le réel et le rêve. Et puis, j’ai voulu présenter Barjavel comme un homme normal qui peut rêver, qui peut avoir ses propres doutes quant à son identité, ses orgines, et finalement, sur ce thème, l’intervention d’un personnage imaginaire est la meilleure solution, la plus adéquate, et pour moi, la plus facile sur le plan narratif : elle me permettrait de mettre en relief et de faire revenir à sa mémoire, par le biais du rêve, des événements qu’il avait lui-même occulté. Quant au début de la question : si je me confonds avec l’auteur ? Non ! ça, je m’inscris en faux. Je n’ai absolument pas voulu faire passer mon texte pour un extrait inédit des journaux de Barjavel. Simplement, ce texte est inséré entre deux citations, qui sont, quant à elles, tout à fait authentiques, puisqu’elles sont extraites des journaux de Barjavel, notamment le Journal d’un homme simple et les Années de la lune. En écrivant ce texte, mon but était de jouer le jeu d’un extrait inédit du journal de Barjavel jusqu’au bout. J’ai essayé d’écrire à la manière de Barjavel mais on pourrait dire qu’il y a trois degrés dans le texte : il y a moi qui écris le texte, Barjavel - du moins le Barjavel imaginaire qui est censé en être l’auteur -, et le personnage dont lui-même rêve qui est censé être le vrai Barjavel, celui qu’il était avant de se mettre à écrire. C’est une sorte de mise en abîme, simplement un jeu narratif. Il n’y a absolument aucune volonté de brouiller les pistes en faisant croire à un authentique extrait de son journal intime. Qui pourrait sérieusement le croire, d’ailleurs ? Ceux qui me taxeraient d’avoir constitué un faux, feraient à mon avis une accusation complètement infondée. Ce n’est pas du tout ce que j’ai voulu faire, : le texte n’a évidemment pas été écrit par Barjavel ! Je le précise même dès le départ, dans un prologue que j’ai appelé une « note de l’auteur », dans lequel, je pars d’une idée finalement assez classique dans les histoires de science-fiction, selon laquelle la découverte d’un manuscrit qui - je tiens bien à le préciser - n’existe pas [sourire] - non, je n’ai pas réellement découvert un manuscrit inédit de Barjavel, désolé [re-sourire] - sert de base à la reconstitution d’un fragment de vie d’un personnage historique ou fictif. J’explique donc dans cette note préalable que j’ai tenté de reconstituer un manuscrit très abîmé et que je n’y suis parvenu que très imparfaitement : « Pardonnez-moi, j’essaie de vous restituer ce qu’il aurait été s’il était arrivé intact entre mes mains ». Et encore une fois, j’insiste bien sur ce point : ce n’est qu’un jeu et un hommage à Barjavel, tout simplement. Loin de moi l’idée de vouloir me faire passer pour Barjavel, ce n’était pas du tout ça le but.

G.M.L. : Vous apportez en tout cas un soin tout particulier à faire croire que ce texte aurait pu être véritablement écrit par Barjavel. Notamment vous préludez la lettre d’un récit de la découverte du manuscrit oublié, auquel vous ajoutez des assurances d’authenticité basées sur des recherches et vérifications personnelles. Pourquoi tant de soins à faire croire que le texte est authentique ? Est-ce que cela fait parti du « jeu » ? Auriez vous l’ambition, sinon de convaincre, du moins de provoquer le doute ?

M.R. : L’ambition de provoquer le doute, absolument pas, en fait. C’est pour ça que c'est troublant mais assez flatteur pour moi : aurais-je donc réussi à écrire, un tant soit peu, comme mon cher écrivain de Nyons ? [Sourire] Je n’ambitionnais pas autant. C’était un jeu purement narratif, et les assurances d’authenticité que je donne au début du récit sont totalement fictives. C’est une mise en abîme à la manière, peut-être, de certains textes de H. P. Lovecraft qui commençait en disant : « J’écris ceci en sachant que je mourrai d’ici peu et que ce sera le seul témoignage qui restera de mon histoire ». Non, c’est étonnant qu’on puisse mettre en doute cette notion de texte purement imaginaire. La véritable vie de Barjavel n’était pas le sujet du texte, loin de là.

G.M.L. : D’accord. Par ces questions, je voulais simplement dire que je trouve vous avez vraiment su copier le style de l’auteur et recréer une ambiance fidèle à ses meilleurs récits. Quelle a été véritablement votre démarche pour prendre la plume de l’auteur ? Avez-vous fait une étude particulière pour réussir aussi admirablement, ou n’est-ce que le produit d’une assimilation passive n’ayant pas demandé d’efforts particuliers ?

M.R. : Copier le style de l’auteur ? Là, c’était un élément du jeu : on fait « à la manière de ». C’est vrai qu’en écrivant une nouvelle courte qui était censée être un extrait du journal de Barjavel, il fallait écrire « à la manière de ». Sinon, il aurait fallu que je tourne mon texte autrement. Ma démarche, en prenant la plume à la place de l’auteur, était d’écrire une sorte d’uchronie personnelle, c’est-à-dire mettre en scène un Barjavel imaginaire qui aurait été un être venu du futur. Voilà l’idée de ce petit texte : rendre hommage à Barjavel en mélangeant l’homme et l’oeuvre, en montrant que, quelque part, si l’oeuvre procédait de l’auteur, comme c’est toujours le cas, elle pouvait peut-être aussi procéder de l’homme lui-même, non plus en tant qu’auteur, mais en tant qu’individu ayant un vécu particulier. L’idée de cette uchronie « barjavélienne », c’est que tout ce qu’a écrit Barjavel dans ses romans de science-fiction, ne serait en fait qu’une masse de souvenirs légèrement décalés, reformulés, provenant d’une vie tout à la fois antérieure et future, qu’il aurait tout fait pour oublier mais qui ressurgirait malgré lui, à la fin de sa vie terrestre. On le voit très bien dans les parties du texte qui sont en italique, qui mettent en scène ce fameux Azel Barnstaple qui vit dans une lune un peu utopique. Je dirais que cette partie de la nouvelle reste délibérément assez naïve, car elle correspond à un monde onirique, certes utopique, mais évidemment imaginaire... D’ailleurs, j’évoque très peu d’éléments de la vie personnelle de Barjavel. Je parle beaucoup de ses rapports avec ses enfants, alors que, semble-t-il, il avait pris de la distance avec sa famille sur la fin de sa vie. J’ai aussi voulu montrer dans ce texte, le portrait d’un homme qui vieillit, d’un auteur qui a terminé son oeuvre et qui fait le bilan de sa vie, un bilan très positif parce qu’il a réussi à faire passer dans ses mots tout ce qui était important à ses yeux, tant sur le plan de l’humain que sur le plan de la société en général. Et alors, pour répondre à la dernière partie de la question : est-ce une assimilation passive ou une étude particulière ? Je dirais les deux. Assimilation passive, parce que je lis et relis les romans de Barjavel depuis que je suis tout petit, donc il fait partie de moi. Vous savez, de toute façon, quand on écrit, que ce soit de la science-fiction ou de l’imaginaire en général, on a tous des référents, des repères ; on lit, on absorbe des idées, des images, des ambiances, des concepts que l’on régurgite ensuite, en les exprimant différemment, parce qu’ils sont devenus le fruit d’une synthèse. Tout ce que j’ai lu de Barjavel, tout ce que j’ai lu de Wells, tout ce que j’ai lu de Verne, de Bradbury ou encore d’Asimov, de tous ces grands auteurs, Philip K. Dick, etc., a une profonde influence sur les thématiques que je mets en scène et intervient dans le contenu de mes récits. Donc, assimilation passive, c’est certain, mais assimilation sur le temps long. Mais il s’agit aussi d’une étude particulière et d’un travail particulier puisque j’ai consacré à la rédaction de ce texte une partie de mes journées nyonsaises de l’été 2000, par besoin d’avoir une activité d’écriture différente de celle de la thèse. Pour ce projet, j’ai relu expressément les journaux de Barjavel, en découvrant certains en partie ; j’ai noté qu’ils s’arrêtaient au cours de l’année 1985, année de la mort de Barjavel si je ne me trompe pas. Je cherchais des références sur Nyons et j’en ai trouvé relativement peu en fait - dans les Années de l’Homme, il fait référence à un voyage à Nyons qui date de 1974 où il dit qu’il fait restaurer la maison de son père et qu’il se rend à Nyons pour passer quelques jours et se ressourcer. J’ai eu l’idée de reprendre ce voyage de 1974 et de le placer à la fin de sa vie, en 1985. La fin de la vie d’un homme étant le moment des bilans, il semblait logique de le faire revenir à Nyons, terre première de son enfance, pour un retour en arrière et une réflexion sur sa vie. Après, il me fallait broder là-dessus et y glisser un élément imaginaire, science-fictionnel. L’uchronie personnelle et l’alter-ego venu d’un futur antérieur se sont alors imposés. Donc il y a eu à la fois une assimilation passive et en même temps un travail particulier, une préparation particulière du texte, délibérée.

G.M.L. : Vos commentaires, mais aussi les nombreux éléments que vous concentrez dans votre texte et que l’on retrouve autrement de façon disparate dans l’oeuvre toute entière de Barjavel montrent que vous avez fait une lecture exhaustive de l’auteur. Quelles sont vos oeuvres préférées et quels commentaires feriez-vous à leur sujet ?

M.R. : Mes oeuvres préférées de Barjavel ? Déjà, j’aime l’ensemble des oeuvres de Barjavel tant pour ses aspects humains, magnifiques, que pour sa dimension science-fictionnelle, parce qu’on ne peut pas dire que Barjavel n’est pas un vrai auteur de science-fiction. C’est un auteur de science-fiction, incontestablement, tous les grands thèmes classiques de la science-fiction sont présents dans son oeuvre. Alors, pour mes oeuvres préférées de Barjavel, je citerais évidemment le Voyageur imprudent. C’est le roman de Barjavel que je préfère car la thématique du temps est l’une de mes thématiques préférées. En tant qu’auteur de science-fiction, j’aime beaucoup travailler sur l’uchronie parce que j’ai une formation d’historien. Le Voyageur imprudent offre vraiment une lecture toute particulière du thème temporel, complètement différente, par exemple, de la Machine à explorer le temps de Wells. Ces deux romans, qui se font face à plusieurs décennies d’intervalle, montrent toute la subjectivité de message qu’offre la thématique du temps. Vraiment, j’adore le Voyageur imprudent, et Ravage, évidemment, le Diable l’emporte également. Je pourrais citer l’ensemble de l’oeuvre de Barjavel. J’aime beaucoup aussi ses récits moins science-fictionnels comme l’Enchanteur, par exemple, qui glisse vers le merveilleux. D’ailleurs, dans les trois tomes qui sont parus en Omnibus aux Presses de la Cité, il y a les Romans merveilleux [3] et, je crois, les Romans extraordinaires, c’est ça ?

G.M.L. : Oui, la plupart des romans de science-fiction de Barjavel sont sortis dans l’Omnibus Romans extraordinaires et l’Enchanteur fait partie de l’Omnibus Romans merveilleux.

M.R. : C’est ça. Il y a aussi toute une phase sur Katmandou qui est intéressante mais, de mon point de vue, moins captivante. C’est à travers le prisme de la science-fiction que je viens à Barjavel, je le reconnais, même si j’aime beaucoup l’Enchanteur. J’avoue aussi une affinité toute particulière pour un essai de Barjavel que je n’ai découvert que très tardivement, et qui m’a fasciné, parce qu’il est très bien écrit et, comme toujours, très original… On peut contester certains éléments de l’essai, c’est certain, mais il y a une telle générosité dans cet essai que cela en fait tout à la fois un document irremplaçable et un reflet de l’âme de Barjavel : c’est la Faim du tigre, que j’ai adoré.

G.M.L. : D’ailleurs, c’est de là que vient le titre de votre nouvelle le Tigre de la lune ?

M.R. : Oui, tout à fait. Le Tigre de la lune fait référence à la Faim du tigre et à Colomb de la lune, un autre grand texte de Barjavel.

G.M.L. : Barjavel a-t-il inspiré votre carrière d’écrivain ? Le retrouvera-t-on dans vos compositions prochaines ?

M.R. : Barjavel a-t-il inspiré ma carrière d’écrivain ? Oui, en partie, c’est certain, parce qu’il m’a influencé, il m’a marqué dans la lecture que j’en ai fait très jeune, et c’est peut-être l’un des auteurs qui m’a le plus marqué. Une chose inappréciable, d’autant plus qu’étant jeune, j’ai eu tendance à lire beaucoup d’auteurs anglo-saxons de « l’âge d’or ». Et Barjavel, c’était l’auteur français qui était là aussi et qui était à la hauteur des autres. J’avoue que ma découverte de la science-fiction francophone est relativement tardive. J’ai d’abord été un lecteur des Dick, Asimov, Van Vogt, Simak - que j’aime énormément, d’ailleurs il y aurait peut-être une réflexion à mener sur les points de rapprochement entre un Simak et un Barjavel : Clifford Simak est un auteur qui sait mettre l’humain au centre de ses récits, et toujours revenir à lui, à ses doutes, à ses sentiments -. Donc Barjavel, incontestablement, à l’égal de ces grands de l’âge d’or, ou à l’égal des plus grands classiques, comme Verne, Wells ou Rosny, m’a énormément influencé et m’a donné aussi, c’est certain, l’envie d’écrire de la science-fiction, ou au moins des récits imaginaires. Maintenant, est-ce qu’on le reverra dans mes compositions prochaines ? Pas dans l’immédiat parce que j’ai beaucoup de respect pour lui et pour son oeuvre et je ne voudrais pas y revenir à outrance… Quand on écrit un texte, il y a l’impulsion, il y a le projet, on fait un synopsis, on réfléchit sur l’histoire, etc. L’envie de faire cette petite nouvelle sur Barjavel pour une Anthologie de l’Imaginaire est venue comme ça, comme un éclair, et elle m’a plus contrôlé que moi je ne l’ai contrôlée. C’était un besoin, dans des circonstances bien particulières : j’étais à Nyons, il y avait une certaine présence de Barjavel qui était là, dans mes souvenirs d’enfance, il faisait partie de la maison dans laquelle je me trouvais... Dans l’immédiat, je ne reviendrai pas sur Barjavel, mais plus tard, oui, certainement. Ce ne sera pas une uchronie personnelle, mais peut-être cette fois-ci lui rendrai-je hommage à travers son oeuvre elle-même et les thématiques humaines de son oeuvre, parce que si j’ambitionne quelque chose dans l’écriture, outre le fait de travailler sur l’histoire, la science, les procédés narratifs, etc., c’est aussi et surtout travailler sur l’humain. C’est beaucoup plus dur, ça demande plus de maîtrise, je pense, et en suivant humblement Barjavel, d’une certaine manière, c’est ce que j’espère faire dans un avenir plus lointain, voilà.

G.M.L. : Eh bien, Michael Rheyss, je vous remercie de m’avoir accordé de votre temps pour répondre à ces quelques questions. Avant de nous quitter, je tiens encore à vous souhaiter une bonne continuation dans vos projets d’écriture.

M.R. : Merci beaucoup. Au revoir !




Notes et références


  1. Johan Héliot, La lune seule le sait, Éditions Mnemos, 2000 [Prix Rosny-Aîné 2001].
  2. Herbert George Wells, Mr Barnstaple chez les Hommes Dieux, Éditions Albin Michel.
  3. Le troisième Omnibus des Presses de la Cité consacré à Barjavel sous le titre Demain le paradis est paru en février 2000 et comporte les journaux ainsi que des chroniques et divers essais de l’auteur.



Bibliographie de Michael Rheyss




Où se procurer la nouvelle de Michael Rheyss ?

La nouvelle « Le Tigre de la lune » se trouve dans le recueil de nouvelles Une Anthologie de l’Imaginaire, Arcane Septième [ISBN 2-912271-90-8]. Cet ouvrage est épuisé, mais on peut lire cette nouvelle - et quelques autres - sur le site de l'auteur [ http://ugobellagamba.fr/fragments-datlantide/ ]
 



L'interview est © G.M. Loup, 2001.

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