Sur les pas de René Barjavel

La rue Lacretelle (Paris 15ème)


 Plan du quartier
 

Et je suis allé revoir la rue Lacretelle...
 

Que de voitures ! Collées les unes aux autres le long des deux trottoirs, jusqu'au dernier centimètre en bas et en haut. Elles brillent, car leurs toits sont inclinés à cause de la pente de la rue, et reflètent la lumière du ciel. En 1950 il n'y en avait que deux ou trois dans toute la rue. Pas encore la mienne. (...)

"La rue Lacretelle (...) au lieu de descendre, elle montait."

La boîte aux lettres est toujours accrochée au coin de la rue. Elle était bleue, elle est devenue jaune.

Emplacement de la boîte aux lettres au bas de la rue

La boîte aux lettres n'est plus là. On voit ses pitons de fixation...

Le même bâtiment officiel se dresse au coin des rues Lacretelle et de Vaugirard. C'est, je crois, une annexe de l'Institut d'Education physique. Ou un autre service similaire, avec son petit stade adjoint, bien vert, tondu, fleuri. Le bâtiment, lui, est sinistre, lépreux, ses immenses fenêtres ont des carreaux sales, et ses murs perdent leur crépi centenaire et découvrent leurs os.

L'Institut d'Éducation Physique
L'Institut d'Éducation Physique, à présent rénové

 

Le côté droit de la rue est pimpant, toutes ses façades récurées, astiquées à neuf. Je monte lentement jusqu'au n° 20. Je dois reculer jusqu'au mur de l'hôpital pour apercevoir un petit bout du bord de notre mini-balcon, au 7ème, en retrait sur le 6ème lui-même en retrait sur le 5ème... Tout là-haut... Que c'était petit... Mais quelle vue et quelle lumière... C'était chez moi... Qui y habite maintenant et vient regarder le jour se lever sur Paris, par-dessus la tête des marronniers ? (...)

Immeuble 20 rue Lacretelle

Le 20, rue Lacretelle.
L'auteur habitait au 7ème étage (en retrait).
L'immeuble en pierre de taille porte les noms de ses bâtisseurs : Auclair et fils entrepreneur et E. Lathuillière Architecte 1929.
Les autres immeubles de la rue portent aussi de telles indications, (et il s'agit souvent du même architecte), mais ils furent  construits successivement, d'année en année à partir du bas de la rue...


 

je continue mon ascension vers le sommet Lacretelle. Au coin de la rue Vaugelas, surprise : l'usine Olida qui en faisait l'ornement a disparu. A sa place s'élève une immense tour de bureaux, verre et béton, gris et gris, gaie comme un mois de travail. Du sous-sol, par une rampe, monte une puissante odeur de charcuterie. On saucissonne encore ici... L'usine s'est enterrée et la tour lui a poussé sur le dos.

La tour Olivier-de-Serres

La tour Olivier-de-Serres n'est pas exactement située à l'endroit indiqué, mais c'est le seul bâtiment "possible" pour cette description (au coin des rues Lacretelle et Vaugelas se trouve un groupe d'immeubles d'habitation modernes et de grand standing ; ce sont peut-être eux qui ont remplacé la tour de l'usine Olida...)


 
  La rue Pierre Mille, anciennement Lacretelle-prolongée

La rue Pierre Mille, autrefois rue Lacretelle−prolongée

Je remonte la rue Lacretelle-prolongée, qui a miraculeusement conservé, sur son côté droit, ses minuscules villas et leurs jardinets. Et je débouche rue Olivier-de-Serres. Après un semblant de village oublié, c'est de nouveau la ville. Sur le trottoir, devant moi, un gamin de douze ans tient par la main un gamin de huit ans qui propulse une poussette contenant un bébé de dix-huit mois. (...)

Nous franchissons ensemble le pont au-dessus des voies de la Petite Ceinture. Le « grand » s'est allumé une autre cigarette. Au-dessus du garde-fou un écriteau prévient qu'il est interdit de jeter des ordures dans les « emprises » du chemin de fer. Une « emprise », c'est la mainmise de l'administration sur un bien privé. Pour y faire, par exemple, passer une voie ferrée. Les rails de la Petite Ceinture sont rouillés. Il n'y passe plus que de lents convois. Rares. Egarés... Des arbres ont poussé de chaque côté. Un refuge bien touffu, pour les oiseaux... Je me demande s'il y a autant d'oiseaux qu'en 1950 dans les marronniers du parc de l'Hôpital de Vaugirard.

Vue sur le chemin de fer de Petite Ceinture du pont de la rue Olivier-de-Serres

Vue sur les voies (il n'en reste plus qu'une à présent)
de Petite Ceinture du pont de la rue Olivier-de-Serres
(au fond les bâtiments de l'ancienne gare de Petite Ceinture)


Parc en face du 20 rue Lacretelle
(l'espace vide sert de parking, à l'arrière plan le stade et au fond l'hopital de Vaugirard)

Le marronier en face l'immeuble

Note :

Mis à part le souvenir de notre auteur, d'ailleurs nullement évoqué sur les lieux eux-mêmes, la rue Lacretelle présente un intérêt "touristique" quasi nul... Inutile donc en particulier d'aller y importuner les occupants du numéro 20...

Pour les curieux d'histoire, le Dictionnaire historique des rues de Paris de J. Hillairet (éd. de Minuit) nous apprend quelques détails :

Longueur : 170 m, largeur : 12 m.
La rue Lacretelle est l'ancienne section de la rue des Tournelles ; elle limitait, au sud, le village de Vaugirard. Appelée des Carrières au début du XIXème siècle, elle a reçu, en 1864, le nom de l'historien Dominique de Lacretelle (1766-1855). Elle a longé, jusqu'à la Révolution, le jardin de la maison de campagne des prêtres de Saint Sulpice remplacé, après la Révolution, par l'Institut Poiloup, puis par le collège de l'Immaculée Conception et par celui des Jésuites (391 à 393 rue de Vaugirard).
Ce jardin possédait (à l'angle des rues de Vaugirard et Lacretelle) un puits de 5 m de diamètre sur 13 m de profondeur avec 3 corps de pompe mus par un chevel. Un autre puits moins vaste, mais plus profond, lui faisait suite et conduisait à une nappe d'eau qui ne tarissant pas pendant les années de sécheresse, suffisait à tout Vaugirard.