Les Chemins de Katmandou

Les chemins de Katmandou sont les interminables routes désertes ou surpeuplées qui se perdent à l'horizon, et que chacun consacre sa vie à parcourir. Ce sont les destinées des êtres, qui se rencontrent, se croisent, bifurquent, se perdent, et, parfois, se retrouvent. Ce sont les tracés innombrables et minuscules de toute parcelle de vie partie à la rencontre de ce qui l'attend au bout du chemin.

 Il était venu de l'autre bout du monde avec un couteau, pour tailler une livre de chair dans le ventre d'un milliardaire immonde, et il avait trouvé un enfant inconscient et joyeux, aussi pauvre que lui. Les quelques billets que Jacques lui avait donnés, qu'il avait d'abord refusés, puis acceptés pour ne pas l'humilier, serrés dans son sac, le soulevaient comme une montgolfière parce qu'ils étaient le don de l'affection d'un père et de l'amitié d'un homme. Les millions qu'il était venu exiger d'un étranger, dont il était le fils, s'il les avait obtenus, il les aurait emportés sur lui comme un rocher.



  1. Présentation
  2. Genèse

  3. Résumé
  4. Extrait
  5. Le Film
  6. Personnages

  7. Thématique

  8. Barjavel et les Hippies

  9. Critique des visiteurs
  10. Copyright

 
 


J'ai :

Lu le roman
Vu le film

(votez sans cocher si vous n'avez ni lu le roman ni lu le film)


Le roman Les Chemins de Katmandou est :

Le meilleur roman que j'ai jamais lu
Le meilleur roman de Barjavel
Un roman exceptionnel
Un grand roman
Un bon roman
Un roman passable
Un mauvais roman
Un roman exécrable


Le film Les Chemins de Katmandou est :

Le meilleur film que j'ai jamais vu
Le meilleur film de Cayatte
Un film exceptionnel
Un grand film
Un bon film
Un film passable
Un mauvais film
Un film exécrable

PRÉSENTATION

Première de couverture de l'édition originale

Roman adapté du Cinéma
Titre original :

« Les Chemins de Katmandou »

Par René Barjavel
© Éd. Presses de la Cité (Hachette), 1969


Dédicace :
A la Déesse Orange
de Katmandou

{
Meilleure vue de la première de couverture} - (Voir les autres éditions)

Préface :

Ceux qui se rendront à Katmandou ne reconnaîtront pas ce qui est écrit dans ce livre.
Ceux qui suivront les chemins qui y mènent ne reconnaîtront pas les chemins de ce livre.
Chacun suit son chemin, qui n'est pareil à aucun autre, et personne n'aboutit au même lieu, dans la vie, ni dans la mort.
Ce livre ne cherche pas à donne une idée de la réalité, mais à s'approcher de la vérité.
Celle de Jane, et celle d'Olivier, dont il raconte l'histoire.

 
Le roman est l'adaptation du film « Les Chemins de Katmandou », réalisé par André Cayatte, dont les scénarios et l'adaptation cinématographique ont eux-mêmes été écrits à l'époque par René Barjavel.
Cette page analyse l'œuvre à travers ses deux supports : littéraire et cinématographique.


GENÈSE

« Les Chemins de Katmandou » est initialement un film, à budget important (avec des extérieurs au Népal), réalisé par André Cayatte. Celui-ci, juriste professionnel à l'origine, et dont les préoccupations cinématographiques sont d'habitude en résonnance avec son premier métier, est un "réalisateur militant". Il est alors en manque d'idées pour son prochain film après avoir argumenté sur les dangers juridiques où les intervenants sont des enfants (les Risques du métier). Partant des problèmes d'adoption, de fil en aiguille, il échafaude une trame qui s'articule tant bien que mal autour du mouvement Hippie et de la drogue. Interviewé en cours de réalisation dans les studios parisiens à Saint-Maurice il reconstitue les cheminements l'ayant amené au scénario final, avec des éléments que les connaisseurs du roman trouveront par endroits bien familiers.

Écoutons le réalisateur s'exprimer (interviewé par Guy Braucourt) :

Au départ, j'avais un projet de film sur le problème de l'enfance assistée et de l'adoption. Et, pour diverses raisons, j'ai été amené à ne garder de ce projet que les personnages d'un garçon qui retrouve son père qu'il ne connait pas, et d'un père qui est une sorte d'adolescent prolongé totalement irresponsable.

D'autant que ce « fils » je l'avais rencontré un jour à Nanterre, en 1967, alors que j'étais allé faire une sorte de répétition pour LES RISQUES DU MÉTlER avec Brel et les enfants. Ce garçon, qui avait le sentiment que ses études ne le mèneraient à rien, était partagé entre son désir de transformer le monde et la tentation d'une attitude égoiste et cynique « gagner du fric, comme tout le monde » - de démission. Restait la mère. Il y a des tas de filles dans la vie qui sont le complément de ces pères adolescents irresponsables : des femmes seulement soucieuses de maintenir leur jeunesse, ou du moins une apparence de jeunesse, et fuyant toutes charges maternelles.
Là-dessus, alors que j'avais rassemblé ce groupe de personnages, on me parle de la vallée de Khatmandou, aux confins de la Chine, du Tibet et de l'Inde, où, me dit-on, se trouvent des gens un peu semblables à ceux que je cherchais. Et effectivement, là-bas, j'ai rencontré en chair et en os le personnage du père : un Américain qui gagnait sa vie en organisant des chasses aux tigres, un type de 40 ans qui en avait dix-huit d'âge mental, avec ce côté charmant, insouciant, désinvolte...
Mais ce que j'ai découvert aussi à Khatmandou, ce sont les hippies et en particulier une fille de 17 ans environ dont l'histoire m'a bouleversé. Elle avait quitté Paris en faisant croire à son père qu'elle allait en Suisse et de là elle était partie avec des copains hippies vers le Népal via Istanbul. C'était une fille généreuse, idéaliste, qui rêvait d'un monde fraternel où tout le monde s'aimerait et qui la changerait de notre société étroite, mesquine, imbécile. Elle était partie à la poursuite d'un grand rêve : voir Dieu en face dans cette vallée sacrée, source de toutes les sagesses. Mais lorsqu'elle est arrivée à Khatmandou, bien sûr, elle n'a pas vu Dieu, elle n'a rien vu d'autre que des centaines et des centaines de jeunes, venus là comme elle, et qui s'entassent, croupissent, crèvent anonymement chaque année. En outre, elle était rongée par la vérole - car les 10000 kilomètres en auto-stop entre la Turquie et le Népal, il avait bien fallu les payer, et sans argent... - par la tuberculose aussi, et quand je lai connue, c'était une véritable épave qui se prostituait dans la rue même pour trois roupies (à peu près un franc cinquante), se droguait... Khatmandou, c'est aussi le pourrissoir de toute une jeunesse et de ses illusions.

André Cayatte (à droite) avec Jane Birkin (Jane) et Renaud Verley (Olivier)

Une progression, comme on le voit, bien chaotique. Et c'est sans compter les mouvements étudiants de Mai 68. La révolte estudiantine éclate en effet alors que le réalisateur, tenant pratiquement son scénario en main, rentre à Paris. Il raconte, lors de la même interview, comment il sera tenté de faire un film «à chaud» sur ces évènements devenus historiques. En définitive, ils ne serviront qu'au générique, contrairement au roman dans lequel ils constituent une solide introduction à l'errance du héros.

C'est quand je suis revenu à Paris, avec en moi cette image angoissante d'une jeunesse égarée, que l'explosion s'est produite. Evidement, cela a modifié mon propos parce que, alors que je voulais décrire une sorte d'explosion individuelle, un événement collectif survenait dont je ne pouvais pas ne pas tenir compte et, en même temps, je ne voulais pas le copier puisque mon propos était très antérieur à cela. Finalement, j'ai décidé de n'utiliser l'événement que comme « background » il se situe uniquement pendant le générique et cela donne au personnage une valeur plus universelle.

Ainsi est presque totalement restituée la « recette » du film, certes un peu au bon venant de la chance et avec la volonté tenace de faire cohabiter plusieurs idées qui s'accumulent sans fil conducteur. Cayatte agrémente alors le fil de l'histoire des rebondissements qui lui semblent nécessaires ou indiqués. Non content de cette gestation qui s'apparente au rafistolage, il décide en plein cours du film d'ajouter un élément nouveau, qui lui servira de morale de l'histoire. Il s'agit des camps de solidarité, que l'on retrouve également dans le roman, où ils servent là aussi de conclusion aux allures de leçon philosophique.

J'avais donc le chemin de la violence, celui de l'égoïsme, celui de la non-violence et du mysticisme, celui des rêves généreux et altruistes, mais il me manquait encore une autre voie, une voie disons positive. Et ce dernier chemin je l'ai trouvé, en allant préparer le tournage du film en Inde, en la personne de deux étudiants français qui avaient tout quitté eux aussi, mais pour travailler dans un village ruisérable pour le compte des Equipes Internationales de Solidarité. Ils le faisaient dans des conditions matérielles, de climat et d'hostilité très dures, dictant les parias à échapper à leur condition, creusunt des puits, créant un cycle de récolte et un circuit économique, puis repartaient ailleurs au bout de deux ans quand leur tâche avait abouti.
Ces garçons admirables, les pieds sur terre, construisant quelque chose... Cette fois, mon panorama de la jeunesse d'aujourdhui était complet et le scénario écrit, Mais il avait fallu quatorze versions pour en arriver là.

Barjavel est l'adaptateur et le dialoguiste du film de Cayatte. C'est le seul film auquel participeront les deux hommes en dépit de quelques projets, dont celui qui donnera jour au célèbre roman, la Nuit des Temps. Dans une interview plus longue, Cayatte raconte avec encore plus de minutie l'évolution sinueuse qui l'a conduit au scénario final. Le journaliste l'interroge au sujet de Barjavel, lui demandant « pourquoi faire appel pour "Les Chemins de Katmandou" à quelqu'un comme Barjavel qui paraît si différent de vous ? ». Cayatte préfère cependant se réferer à Anouilh et ne touchera mot de notre auteur. Les inconditionnels du réalisateur pourront ici consulter l'interview complète accordée à Guy Braucourt, développement étoffé de ce qui précède (extrait du livre "André Cayatte", coll. Cinéma d'aujourd'hui, n° 57, éd. Seghers, Paris 1969, lui-même reprenant un article du numéro 136 de la revue « Cinéma 69 » {  voir la couverture }.

A voir !  Le 28 septembre 1969, René Barjavel qui collabore depuis six mois au Journal du Dimanche, est l'invité avec André Cayatte de Carmen Tessier dont les « Confidences de la Commère » préséntent chaque semaine une rencontre avec des personnalités du moment. Le succès de La Nuit des temps est encore tout frais pour Barjavel, et le tournage des Chemins de Katmandou qui vient de s'achever permet aux deux co-auteurs de faire le point. On lira avec intérêt { cette interview }.
 


Comme ceux qui connaissent le roman ont pu le constater, la parenté entre celui-ci et le film est très forte. Barjavel n'a presque rien enlevé. Il ajoute substantiellement cependant, tant sur la richesse et la cohérence de tout l'édifice que sur quelques péripéties de l'histoire.
Il ajoute par exemple un personnage, Closterwein, qu'il dit connaître personnellement et qui ne semble donc pas être un personnage fictif, contrairement aux autres héros. Ce personnage énigmatique, notable influent de la capitale, demande à l'auteur de l'accompagner à Katmandou. Il y a tout lieu de croire que ces anecdotes sont véridiques, mais rien n'est certain tant Barjavel jongle entre la fiction et ces passages «historiques» avec habileté. Dans l'affirmative, le pseudonyme pour ce personnage est cependant une certitude. Du point de vue de l'histoire, outre la prépondérance des évènements de Mai 68, le roman introduit quelques modifications mineures, telles que celles-ci, parmi les plus représentatives :

On voit ainsi, dans la logique des choses, des personnages plus nuancés dans le roman que dans le film, avec un héros moins irréprochable, et un « méchant » soigneux de plus d'égards.


RÉSUMÉ

Voyant la révolte de mai 68 défaite par les différences de classes marquées au fer dans le peuple par des siècles de luttes larvées -- ne faisant jamais que redistribuer les pouvoirs -- Olivier, jeune étudiant, décide d'abandonner ses combats utopiques révolutionnaires. Il entreprend désormais de se battre pour son propre compte, afin de rejoindre le camps des dominants. Pour cela, il décide de se rendre au Népal où son père organise des safaris pour milliardaires. Il veut soutirer à ce dernier les pensions impayées, qu'il estime à plusieurs millions. Commence alors sa quête solitaire de Katmandou, la ville bouddhique sacrée vers laquelle converge une foule hétérogène à la recherche, les uns d'argent facile et de réussite rapide, les autres d'idéaux religieux ou sociaux, en passant par une multitude dont la finalité sans être bien définie n'est pas étrangères aux appels de la drogue qui y circule abondamment à cette époque. Ce parcours va façonner la vision d'Olivier. La première étape confirme son opinion. Il pénètre en effet l'univers de la mode qu'habite sa mère, et y découvre un monde Olivier sur la route de Katmandou, «il n'y a qu'en Occident qu'on croit que le chemin le plus court est celui qui va tout droit» factice d'influence et de soumission. Il fuit dans l'effroi et la violence cette prison à laquelle sa mère est enchainée. Il rencontre ensuite son ami Patrick, membre d'une mission humanitaire dans des villages déshérités de l'Inde. Refusant de donner et ne voulant plus que prendre, il fuit cette seconde étape - tout en ayant profité du moyen de transport qu'elle met à sa disposition,et rencontre alors Jane, une jeune hippie britannique, qui cherche dans la capitale du Népal le lieu de vie communautaire idéal pour son mouvement, qui afflue par innombrables petits groupes. Olivier et Jane sont amoureux mais Olivier ne démord pas de son but premier d'amasser argent et pouvoir, et Jane refuse de le suivre dans cette quête. Il continue alors, encore seul, jusqu'au terme de son voyage qui l'amène à rencontrer un homme, Jacques, son père, innocent et naïf. Ce dernier, manipulé et exploité par un homme d'affaire sans scrupule, Ted, n'a pas d'argent, et vit de son seul travail et de l'amour d'Yvonne, la femme de Ted. Olivier change alors d'avis, et décide de ne plus s'attaquer aux possédants, qui lui apparaissaient de prime abord des cibles clairement désignées, et qui finissent par se révéler elles aussi des victimes. Il ne pense plus dès lors qu'à retrouver Jane, son amour de voyage qu'il a laissé partir. Celle-ci a cependant également choisi une voie sans issue, mais sans possibilité de retour de son propre chef. Droguée, malade, abandonnée, Jane gît dans le manque et la mendicité. Olivier décide de la sortir de cette situation et fait pour cela appel à Ted, le patron de son père. Ce dernier l'engage alors dans un traffic illégal de statuettes sacrées. Olivier consent, ayant fait son objectif de sauver Jane, par tous les moyens. C'est alors qu'il se rend compte qu'il s'est encore fourvoyé dans un objectif lointain, futur, et que pendant ce temps, les autres tirent partis du présent, bon ou mauvais, juste ou injuste. Il décide d'abandonner sur le champ et de se rendre aux côtés de Jane pour ne plus la quitter et la seconder dans sa cure. Il voit alors confirmé sa révélation de la plus atroce façon, puisqu'il surprend Ted en train d'abuser de la jeune femme, l'ayant maintenue à ces fins dans la dépendence de la drogue. L'issue sera fatale pour Ted et pour Jane. Olivier, bien décidé à ne plus vivre dans de chimériques combats pour le monde de demain, retourne alors dans les villages assoiffés de l'Inde, où il rejoint son ami Patrick pour y creuser des puits, manifestation concrète, au travers de laquelle il veut comprendre ce que lui, et le restant des hommes, fait sur terre.


EXTRAIT

Dans Les Chemins de Katmandou, les scènes sensuelles, qui se recontrent souvent chez l'auteur, se parent à plusieurs reprises d'un contenu érotique direct et agressif. Dans l'extrait suivant, Barjavel dépeint un viol sous couvert d'incertitude et d'abandon. Celui de Jane, «paumée» dans le triste fog londonien, abusée par un homme non violent, presque gentil, qui n'a aucune intention gratuite de blesser, mais qui se préoccupe à tout prix de son plaisir immédiat. Plus tard, avec la narration du viol de Karl et Brigit par un groupe d'ouvriers aux allures barbares, l'auteur ajoutera à cet égoïsme glacial, la violence, la torture, le sang et le meurtre. L'on ne parcourra désormais plus le roman sans rencontrer cette scène se répéter inlassablement, celle de la jouissance toute personnelle aux dépends de la personnalité, de l'intégrité ou de la vie d'un autre.

Elle était sortie de la maison en courant, se mordant les lèvres pour ne pas hurler, s'était jetée dans sa voiture, avait bousculé le pare-chocs de la voiture avant, de la voiture arrière, avait grincé contre un autobus couleur de sang voilé, s'était enfoncée dans le fleuve du brouillard gris. Depuis des heures, des jours peut-être, depuis quand ? Il n'y avait plus de jour, il n'y avait plus de temps, elle roulait, s'arrêtait, repartait, accrochée par les yeux au halo des feux de la voiture qui la précédait lentement, qui s'arrêtait, qui repartait, au fond du fleuve mort qui noyait la ville.
Les feux qui la précédaient s'arrêtèrent et ne repartirent plus. La lueur rouge en haut et à droite du pare-brise palpitait. Il y avait dans le fleuve gris en dehors de la voiture des bruits de cloches et de sirène étouffés, des cris et des paroles, et des sifflets entourés de coton. Jane sortit de sa voiture sans arrêter le moteur. C'était une belle petite sportive du continent, couleur de citron, que le brouillard recouvrait comme une housse de toile sale. Jane sortit et s'en alla, laissant la portière ouverte. Elle parvint jusqu'au trottoir. La grille d'un jardin devant une maison l'arrêta. Elle repartit en longeant la grille. Le brouillard était un des plus épais brouillards que Londres eût jamais suinté. Il sentait la suie, le mazout, la poubelle et le rat. Il se posa sur Jane, l'enlaça de ses bras mouillés, glacés, baisa ses yeux pervenche, accrocha des larmes à ses cils, trempa ses cheveux, leur donna la couleur de l'acajou ciré, coula avec eux sur ses épaules, et mouilla sa robe.
Jane ne sentait ni le froid ni l'odeur du brouillard. Elle marchait le long d'une grille devant une maison, puis encore le long d'une grille devant une maison, et encore et encore une grille interminablement toujours la même. Elle n'en voyait ni le commencement ni la fin, trois barreaux à la fois, du coin de l'ad gauche, le fleuve gris noyait le reste.
Sa courte robe de soie verte, trempée, sous laquelle elle ne portait qu'un slip orange, était devenue presque transparente, moulait ses hanches à peine dessinées, ses petits seins tendres que le froid crispait. Elle marchait le long d'une grue, et d'une grille... Elle se heurta à une forme sombre, lourde, plus haute et plus large qu'elle. L'homme la regarda et de tout près il la vit nue sous le brouillard. Elle voulut repartir. Il écarta un bras devant elle. Elle s'arrêta. Il la prit par la main, la conduisit au bout de la grille, entra avec elle dans une étroite allée, lui fit descendre quelques marches, ouvrit une porte, la poussa doucement dans une pièce et ferma la porte derrière eux. La pièce était sombre et sentait le hareng salé. Il tourna un bouton. Une faible ampoule s'éclaira au plafond, entourée d'un abat-jour rose. Il y avait le long du mur à gauche un lit étroit, soigneusement fait, recouvert d'un couvre-fit de crochet blanc, dont le dessin représentait des anges avec des trompettes et qui pendait sur les côtés avec des pointes de losanges terminées par des glands. L'homme plia le couvre-fit et le posa sur le dossier d'une chaise à la tête du lit. Sur la chaise il y avait un transistor et un livre fermé. Il appuya sur le bouton noir du transistor et les Beatles se mirent à chanter dans la pièce entière. Jane les entendit et cela lui donna une sorte de chaleur intérieure, un réconfort familier. Elle était restée debout près de la porte et ne bougeait pas. L'homme vint la prendre par la main, la conduisit jusqu'au lit, la fit asseoir, lui ôta son slip, la coucha et lui écarta les jambes. Quand il s'allongea sur elle, elle se mit à crier. Il lui demanda pourquoi elle criait. Elle ne savait pas pourquoi elle criait. Elle ne cria plus.
Les Beatles avaient fini de chanter, remplacés par une voix triste et mesurée. C'était le Premier ministre. Jane se taisait. L'homme sur elle haletait discrètement, occupé avec soin à son plaisir. Avant que le Premier ministre eût commencé à énumérer les mauvaises nouvelles, l'homme se tut. Au bout de quelques secondes il soupira, se releva, s'essuya avec le slip orange tombé au pied du lit, vint jusqu'à la petite table près du fourneau à gaz, vida dans un verre ce qui restait de la bouteille de bière, et but.
Il retourna près du lit, fit relever Jane avec des gestes et des mots gentils, remonta avec elle les quelques marches, la conduisit au bout de la petite allée, l'accompagna quelques pas le long de la grille puis la poussa doucement dans le brouillard. Elle fut pendant un instant une pâle esquisse verte, puis disparut. Lui restait là, immobile. Il avait gardé à la main le slip orange qui dessinait au bout de son bras le fantôme flou d'une petite tache gaie. Il le mit dans sa poche et rentra chez lui.

note : il peut-être intéressant de noter que cette scène, sa psychologie et son atmosphère sont très voisines d'un passage du roman de Louis Pauwels « Saint Quelqu'un », paru en 1946.


LE FILM



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LES CHEMINS DE KATMANDOU

Film d'André Cayatte, 1969 (sortie en France le 26 septembre 1969)
Produit par Franco-London Films S.A. - Films des Deux Mondes - Titanus Films

Avec Renaud Verley (Olivier) - Jane Birkin (Jane) - Elsa Martinelli (Martine) - Serge Gainsbourg (Ted) - Pascale Audret (Yvonne) - Jean-Paul Tribout (Patrick) - David O'Brien (Jacques) - Mike Marshall (Harold) - Marc Michel (Marss) - Serge Kochine (Sven)...

Musiques de Serge Gainsbourg
Adaptation et Dialogues de René Barjavel
Décors : Robert Clavel
Image : Andréas Winding
Montage : Boris Lewin
Couleur
Durée : 100 min
Musique !...
Cliquer pour écouter des séquences de la bande sonore
(de Serge Gainsbourg)

Résumé du film :

Déçu par les évènements de Mai 68, Olivier part pour Katmandou, à la recherche de son père qui organise des safaris pour milliardaires. Sur place, il fait la connaissance de 3 marginaux, dont Jane, qui devient sa maîtresse; la jeune femme rêve d'un monde fraternel où tout serait partagé. Après une brêve rupture, Olivier la retrouvera devenue une épave soumise à la drogue. Parviendra-t-il à la sauver ?..



Le film Les Chemins de Katmandou fut, en lui-même, un échec. Certains critiques en parlent encore comme d'un "navet", en particulier les biographes de S. Gainsbourg (voir par exemple : cette biographie détaillée ). L'histoire est floue et confuse (l'on sait d'ailleurs les méandres, en quatorze versions, qui ont conduit Cayatte à son scénario final). Des décors superbes filmés sur place ainsi qu'un jeu d'acteurs de bonne tenue n'arrivent pas à corriger les indécisions d'une trame qui se cherche. Le réalisateur mélange plus qu'il ne met en relief les rapports entre la société de mai 68, la drogue et le mouvement hippie. La critique aura d'ailleurs été sévère. Parlant du cinéma qui "se pare volontiers de l'étiquette « gauche » sans pour autant menacer le régime et les institutions", Jacques Siclier, dans Le CINÉMA FRANÇAIS (II : 1968 - 1998), commente :

A. Cayatte en est un des fidèles représentants. En 1969, il adapte un roman de René Barjavel, Les chemins de Katmandou, évocation du mal de vivre de la jeunesse de 1968, qui cherchait à combler son besoin d'idéal dans la philosophie hippie et la mystique hindoue. Mais au bout du voyage en Inde, à Katmandou, il y a le fléau de la drogue. En voulant convaincre de la nécessité de s'attacher à une génération un peu perdue, le film s'enlise dans la confusion mélodramatique.

Le Journal du Dimanche, dans lequel Barjavel publiait sa chronique hebdomadaire "Moi, téléspectateur" depuis le mois de janvier 1969, présente une critique synthétique du film dans son numéro du 5 octobre 1969, en citant ses confrères :

Les Chemins de Katmandou, film français en couleurs d'André Cayatte. Avec Renaud Verley, Jane Birkin, Pascal Audret, Serge Gainsbourg,. Une histoire d'amour au N&pal dans un monde de hippies, de drogue. Critiques réservées : « On regrette l'œuvre qu'aurait pu donner ce même sujet débarassé de ses disgressions trop romanesques et collant plus directement à la réalité », dit Robert Chazal (France-Soir). Henri Chapier (Combat) pense que « Cayatte s'égare, perd le fil, et du même coup son agressivité ». Claude Garson (L'Aurore) écrit : « M. Cayatte a oublié l'Inde dans son film au profit de trop de cas exceptionnels pourqu'un seul nous paraisse plausible. » Et Louis Chauvet (Le Figaro) conclut : « Il faut retenir au bout du compte et les choses effrayantes que nous révèle ce film et son ardeur démonstrative, tout à l'honneur d'André Cayatte. »

Rappelons que c'est bien Barjavel qui adapte en roman le film de Cayatte, pour lequel il fut dialoguiste et adaptateur, et non l'inverse. Il est vrai que le roman est désormais aussi, voire plus, connu que le film, et que les deux sont parus simultanément. Barjavel dans un passage de son roman se réfère cependant au film en ces termes : «le film de Cayatte». Certains jeunes lecteurs se sont peut-être interrogés au sujet de ce film. Et pourquoi en avoir fait un roman après l'avoir adapté pour l'écran ? L'écrivain a-t'il ressenti la difficulté du film à véhiculer les idées simples qui embrassent la multitude de thèmes choisis par Cayatte ? S'en est-il senti coupable ? Avec la finesse que lui permet l'écriture, il réussira en tout cas à dégager plus facilement dans le roman les thèses qui apparaissent dans le film comme éteintes ou figées. Cela le disculpe déjà du flou inhérent à la multitude des sujets traités, qui comme l'on sait, est à la charge de Cayatte. Il apparaîtra aussi plus clairement quelle est la direction suivie par l'écrivain. Dans le film, rien n'est certain. Pour Dominique Dessanti, chroniqueur de la revue Planète / Le Nouveau Planète (Planète-plus n°14bis de février 1970 consacré à Ramakrishna) { voir la couverture de ce numéro } cela ne fait aucun doute : Cayatte a choisi de stigmatiser les hippies.Il s'empresse de se faire barrage contre cette injustice (la revue Planète, dirigée par Louis Pauwels, affectionnait alors une certaine sympathie pour le mouvement hippie et organisait des voyages en Inde) :

Faire un film sur Katmandou, sur la quête des hippies, pourquoi pas ! Mais la généralisation de certains aspects est aisée.
Cayatte n'a pas évité l'écueil. Au contraire. Facile de montrer des scènes pitoyables, facile de rendre les grands clichés sur l'abrutissement de la drogue, si bien repris depuis par la grande presse à sensation ! Facile de rester derrière la caméra sans envisager de vivre avec ces gens, sans essayer du comprendre : Pourquoi ?! Ajoutez à cela une intrigue digne d'un mauvais roman policier, et, peut-être aurez-vous l'impression d'avoir fait œuvre, œuvre d'art, œuvre juste. Plus grave encore des milliers de personnes qui ne sont pas informées ou qui ne semblent pas l'être, se croient bien documentées par une vision objective des choses. Un fait, un seul aspect du problème aura été montré, un seul jugement, bien superficiel, aura été émis.

et de rapporter un détail croustillant :

Certaines photos sont belles mais la caméra reste figée, les personnages guindés, sans aucune vérité. Citons un des figurants parlant de son tournage : « il ne savait pas où il voulait en venir, un jour il nous barbouillait de poudre de riz pour nous donner mauvaise mine et le lendemain il nous décorait comme si nous étions sur une scène de music-hall. Il nous a fait bien rire. Il était bien gentil mais ne comprenait rien ».

Ces critiques de figurant ne sont rien en comparaison des reproches de l'une des vedettes, Serge Gainsbourg, pour qui le tournage du film se situe juste à la période où "Je t'aime moi non plus" vient de créer le scandale, et d'obtenir le succès que l'on sait. Sa biographie par S. Verlant raconte :

En France, c'est le slow de l'hiver, le slow du printemps et le slow de l'été. Quinze ans plus tard, c'est encore pareil. Mais le couple terrible se sauve aux Indes pour le tournage des Chemins de Katmandou avec Renaud Verley et Elsa Martinelli. Avec un titre pareil, vous imaginez déjà une horde de hippies défoncés à mort et c'est exactement de ça qu'il s'agit  : la pauvre Jane est transformée en épave hallucinée et Serge hérite d'un rôle de triste salopard. Cayatte n'a peut-être pas toujours été mauvais, mais là il est nul.

Serge et Jane à la sortie de la première du film - photo Ch. Simonpietri/Gamma

GAINSBOURG : « Cayatte me dit : "on va vous mettre des moustaches parce que vous avez une gueule trop connue." Je lui dis  : "Mais non, vous avez déjà pris Aznavour pour Le passage du Rhin, Brel pour Les Risques du métier..." Eh bien non, il fallait me mettre une moustache. Seulement ces abrutis me collent un truc non articulé et, résultat, je me balade pendant tout le film avec la lèvre supérieure aussi raide qu'un Anglais. Mais Cayatte, c'est pas tout dans le genre bargerie, il me disait : "Quand le scénario est fini, pour moi le film est tourné." Alors on était aux Indes., au Népal, mais il gardait son nez dans son scénar. Je lui montrais : "Regarde ! fais un plan de ces deux petits mômes sublimes", et lui : "Non ! le plan, il est là, sur le papier."

Ils avaient été faire leurs repérages un peu plus tôt et ils avaient prévus un travelling latéral de 50 mètres sur des arbres en fleurs, un paysage superbe dans le nord des Indes. Seulement, le temps qu'on arrive et tout est cramé par un soleil de plomb. Qu'est-ce que vous croyez qu'il a fait, Cayatte ? Dans son scénar il était écrit "arbres en fleurs", au lieu de trouver un autre plan il a mis cinq machinos sur le set pour planter des fleurs en papier dans les arbres... »
Seul avantage, il voit le Népal avec Jane dans des conditions extraordinaires. Sur le chemin du retour, il l'emmène au « Lake Palace » à Jaïpur, selon lui « le plus bel hôtel du monde »...

Peut-être trouve-t-on la meilleure critique du film -- sévère elle aussi -- dans « La Saison Cinématographique 1970 », une publication de La Revue du Cinéma, sept-oct. 1970. La critique, Madame Jacqueline Lajeunesse, capture les thèmes avoués du réalisateur et épingle le défaut le manque de substance du film :

Cayatte nous avait habitué à des scénarios solidement construits où se développait avec conscience, rigueur, une thèse. Ici, débordé par l'ampleur du sujet, il effleure nombre de thèmes : révolte des jeunes, action ou démission, société de consommation et sous-développement, relations parents et enfants. maturité ou fausse adolescence, encore que la drogue et ses méfaits semblent tenir la première place. Après avoir tant bien que mal tissé ces éléments en une aventure. Cayatte termine son film comme un conte moral. Olivier rejoint "les chantiers", il œuvre pour les autres...
Les personnages sont donc de par la dispersion des thèmes, des êtres inachevés représentant le vice, l'immaturité, l'innocence. Olivier symbolise, tour à tour, la révolte, le cynisme, la pureté. Les Hippies, la bonté, la douceur, la démission, le naufrage par la drogue.
Tout ceci est à la limite du ridicule, et n'offre, en fait, aucun intérêt en dépit des rebondissements d'une action semée d'aventures.
Sur le plan technique, la pratique de plans de coupe à base de singes dans les arbres, de bouddhas, d'images mentales d'Olivier est abusive, elle vient rompre l'action et gâcher les visions trop brèves des extraordinaires paysages.

Jane Birkin (Jane) et Serge Gainsbourg (Ted) Alors, les Chemins de Katmandou, un film sans interêt ? Il se trouvera d'abord toujours des inconditionnels du réalisateur pour défendre une œuvre à laquelle tout le monde semble trouver des défauts. Même celui-là néanmoins reconnaîtra qu'on est loin d'autres réalisations magistrales de Cayatte. Le film n'a finalement guère d'intérêt que pour les connaisseurs de l'écrivain, René Barjavel, qui se réjouiront de voir à l'écran s'animer les héros qu'ils connaissent bien, et les admirateurs de Gainsbourg ou Birkin, pour lesquels il constitue une pièce de musée ! Tous les acteurs jouent leur rôle à merveille. Peut-être Barjavel a-t'il su percer le caractère des principales figures du film pour leur donner une extension nouvelle sur le papier. Olivier fougueux et déboussolé, en quête rageuse d'idéaux, puis d'argent, d'amour enfin, est incarné par Renaud Verlay qui, avec ses traits d'ange un peu brute, est l'acteur idéal pour animer ce mélange de naïveté, de sincérité et de précipitation du roman. Jean-Paul Tribout, connu pour être un des acteurs des« Brigades du Tigre », est l'un des meilleurs acteurs du film, bien que ses apparitions à l'écran soient parcimonieuses. Il anime l'intellectuel résolu à agir, et dose avec subtilité la fermeté de la conviction en même temps qu'il projette la fragilité physique du personnage. La gravité de son texte est magistrale lorsqu'il parle et fait l'état des lieux de la société Indienne, avec une voix profonde mélée d'indignation et de responsabilité. Elsa Martinelli est Martine, cette femme mûre qui a su rester belle, et se bat pour continuer à le paraître. L'actrice n'a aucune difficulté pour composer la beauté de son personnage. Elle réussit tout aussi bien à canaliser les sentiments d'une esclave vaincue et condamnée, que le temps guette, et que la fatalité retient. David O'Brien semble être dans la vie ce qu'il est à l'écran tant sa composition d'adulte niais qui n'a pas su grandir est convaincante. Il s'enflamme avec force et voix mais son regard trahit l'indécision d'un enfant. Serge Gainsbourg, dont les performances d'acteur n'auront jamais été très convaincantes, illustre pourtant ici un Ted assez sur mesure. Sa voix lancinante et perfide, le physique qu'on lui connaît -- que des cheveux courts (faisant ressortir ses oreilles) et une petite moustache enlaidissent -- assemblent un personnage perfide et détestable. Notons que Barjavel a complètement redessiné ce personnage dans son physique rendu ignoble à l'extrême. Étrangement, c'est l'actrice vedette qui satisfait le moins. Jane Birkin est certes charmante mais force tellement le côté naïf et hébété qu'elle ne capture pas le charme et la grâce qui justifierait l'amour d'Olivier. La Jane du Roman est passionnée, aux idées excessives mais enivrantes, elle est captivante, attirante, séductrice bien qu'innocente. Birkin n'a guère que sa beauté à mettre en avant.
Tout le talent des acteurs et une maîtrise technique que seuls les plus difficiles auront critiqués, n'ont pas suffi à palier les insuffisances du scénario. Les Chemins de Katmandou n'auront été ni pour Cayatte, ni d'ailleurs pour Barjavel, une œuvre représentative. Celle du cinéaste ravira certainement celui qui en connaît la version romancée, et peut-être le chemin inverse pourra-t'il aussi servir de pont et de pilier à ces deux œuvres, bien que le livre se suffise à lui même. Les critiques acides mais justifiées du film ignorent le roman qui permettra assurément aux spectateurs dans le secret de cette cheminée aventureuse d'en ressentir les joies d'un grand spectacle, dès lors mis en lumière.


PERSONNAGES

Dans l'étude des personnages des Chemins de Katmandou :
voir
Olivier, Jane, Jacques, Yvonne, Ted, Sven, Martine, Patrick, le musicien.
 
Ou bien :

OLIVIER

Olivier est le personnage principal de l'histoire. Il est tout d'abord idéaliste, et de cet idéalisme animé par la jeunesse, à la fois naturel, facile et prétentieux. Lorsque son ami Patrick lui annonce son départ, il avoue sa stupéfaction; il lui était facile d'en parler, mais le passage à l'acte relève d'une autre dimension. Il juge vite et fermement. Il se transforme rapidement sous le poids de ses déceptions en un vautour affamé, qui veut profiter, comme ceux là qu'il n'a pas pu vaincre. Tout au long de son voyage, cet idéalisme aveugle puis cette ambition malsaine vont évoluer vers un pragmatisme conciliant.

Renaud Verley

Jane Birkin

JANE

Jane est une jeune hippie très jolie, naïve, généreuse et docile. Elle se rend avec Sven et Harold à Katmandou. Elle rencontre Olivier avec lequel elle partage quelques nuits mais refuse de quitter pour lui ses compagnons, préférant la nonchalance à l'appât du gain. Lorsque Olivier parti à sa recherche la retrouve, elle est droguée et malade. Receuillie par Ted pour suivre une cure qu'Olivier finance en volant des statuettes, elle est est tuée par overdose par celui qui, plus que le refuge, lui offre de la drogue pour l'abuser sexuellement.


JACQUES

Jacques est le père d'Olivier. Il organise des safaris pour milliardaires au Népal, pour le compte de Ted, qui détient les capitaux. Chasseur exceptionnel et au style beau garçon, il est cependant naïf et irresponsable, sans argent, et lié aux bons vouloirs de Ted. Lâche, il n'ose pas s'émanciper. Lorsque Olivier le retrouve pour lui réclâmer de l'argent, il est contraint de lui avouer ce qu'il est vraiment, mais délivre son fils de ses illusions toutes faites.

David O'Brien

Pascale Audret

YVONNE

Yvonne est la femme de Ted. Elle ne supporte plus l'homme, ni physiquement, ni moins encore pour sa corruption tant financière que mentale. Elle est la maîtresse de Jacques, qu'elle n'arrive pas à persuader de quitter l'affaire de son mari pour partir avec elle. Elle l'aime comme un enfant, et reste consciente qu'il est manipulé par Ted. Elle se sait ainsi maintenue entre les griffes de son mari par l'intermédiaire du chasseur désinvolte et conciliant. Elle tuera son mari après que celui-ci ait lui même tué Jane.


TED

Ted est le patron véritable de «Ted and Jack», une entreprise aux allures bicéphalse que le talent de Jacques assure, et que les finances de Ted gèrent et possèdent. Il est exclusivement maître des capitaux et maintient Jacques prisonnier dans ses futiles fonctions aux atours héroïques et valeureux. Il retient par la même sa femme, qu'il laisse volontier à son «associé», cela lui permettant de s'accorder encore ses faveurs. Il trouve dans Katmandou le lieu idéal où assouvir ses désirs tant monétaires par le traffic de statuettes, que sexuels, avec la prostitution des jeunes hippies qui se retrouvent démunies à Katmandou. Il abusera la confiance d'Olivier comme il a abusé celle de son père, et profitera de leur crédulité pour violer Jane.

Serge Gainsbourg

Serge Kochine

SVEN

Sven est le hippie sincère et résolu, qui décide de se rendre à Katmandou pour les ressources théologiques de la ville aux incessantes manifestations religieuses. Il vit de mendicité et de méditation. Il est accompagné par Jane qu'il a initié aux valeurs hippies de l'amour sans concession et du partage absolu. Il transforme la jeune-femme qui en devient un disciple inconditionnel. Sa personnalité s'efface tout au long du roman, dans la drogue ou la méditation, jusqu'à sa mort, sur un bûcher, où son corps est délivré par le feu des ravages de l'héroïne, après qu'il eût, peut-être, lui même délivré son âme par la spiritualité.
À noter que le prénom Sven est celui de S. Nielsen, grand ami de Barjavel et fondateur des Presses de la Cité.


MARTINE

Martine est la mère d'Olivier. Elle est mannequin dans une agence où elle dissimule son âge et prolonge sa beauté en se surveillant de la façon la plus stricte. Elle est la maîtresse du responsable de l'agence, Marss, duquel elle s'est faite prisonnière par ses mensonges, tout comme Jacques, son acien mari, s'est fait prisonnier de Ted par sa naïveté. Elle vit dans un pragmatisme immédiat mais voué à s'éffrondrer. Elle est réaliste mais résignée.

Elsa Martinelli

Jean-Paul Tribout

PATRICK

Patrick est l'intellectuel conscient et averti, qui abhorre les discours et les bonnes intentions qui n'ont pas de résultats sur le terrain. Pour conjurer ce sentiment d'impuissance et de honte, il décide de s'engager activement en partant en Inde, creuser des puits pour irriguer des villages de parias, malgré son physique chétif et sa condition fragile. Il est l'ami d'Olivier, qu'il invite en Inde pour le remplacer, épuisé et affaibli par le travail. Trompé par son ami qui profitera du financement de l'organisation pour se faire payer le voyage, il restera néanmoins compréhensif et charitable.


LE MUSICIEN

Ce personnage au rôle apparement secondaire n'est cependant pas inintéressant. Dans le film, on ne sait pas vraiment son nom, mais son origine étrangère est certaine, comme le montre bien son accent (très probablement canadien). Son physique de troubadour convient parfaitement à son rôle de baladin ambulant, qui voyage pour la musique plus que pour la mystique hippie elle-même, mais qui lors de sa conversation avec Olivier (lorsque ce dernier cherche Jane), conclut en demandant une roupie...
Dans le roman, sa présence est plus détaillée, et Barjavel fait de lui Gustave, un ancien mitron marseillais qui a finalement trouvé moins fatiguant - dans une certaine mesure - de voyager en jouant de la musique que de travailler au fournil. Ne serait-ce pas l'auteur lui-même qui se met en scène subrepticement ainsi, comme observateur finalement "passif" du spectacle de la vie des hippies de Katmandou ?...

Le musicien,
mais qui est-il ?
Steve Eckhart ?

Katmandou, c'est le pays du Bouddha... Il y est né... Il y est mort... Il y est enterré... Et tous les autres dieux sont là aussi... C'est l'endroit le plus sacré du monde... C'est l'endroit du monde où le visage de Dieu est le plus près de la Terre...

~THÉMATIQUE~
Le Départ

Hormis Sven dont l'itinéraire nous parvient alors qu'il est déjà entamé, le départ pour Katmandou fait suite, pour les principaux personnages, à une situation de choc. Pour Jane, il s'agit du désir brusque de fuir par dégout un monde dans lequel elle somnolait paisiblement, et dont elle a perçu les réalités subrepticement mais avec effroi. Le parcours de Jane se fait par la suite dans l'ombre de Sven, qu'elle admire et suit sans faire de difficultés. Ce dernier ne présente guère plus de particuliarité. Ils parcourent ensemble leur chemin dans une progression lente et plutôt calme, sous couvert de la drogue et dans l'agrément, pour les uns, de la prière, pour les autres, des ébats amoureux. Le parcours d'Olivier, qui nous est plus détaillé, s'élabore plus savamment autour du caractère intransigeant et idéaliste du héros. Olivier va parcourir tout son itinéraire gonflé de certitudes. Avant de l'entreprendre, il est étudiant agitateur lors des grandes manifestation de Mai 68. Il voit que le monde est pétri d'inégalités et d'injustices ; il l'observe s'ébattre et souffrir autour de lui et au quotidien. Il épingle les profondes différences entre ce qu'est véritablement la société, et ce qu'elle prétend être.

Liberté, Égalité, Fraternité. Ces trois mots disaient tout. Mais depuis que la bourgeoisie les avait gravés sur les façades de ses mairies où elle enregistrait les noms de ses esclaves, et brodés sur ses drapeaux qui les entraînaient vers les tueries, les trois mots étaient devenus des mensonges qui dissimulaient le contraire de ce qu'ils proclamaient : l'Oppression, l'Exploitation, le Mépris.

Mais il ne comprend pas qu'il s'agit là de la déviation irrésistible des institutions à fourvoyer leur intentions sincères des débuts et de pourrir sur ces bases, pour se perpétrer dans le mensonge et la plus totale contradiction des valeurs sur lesquelles elles se sont construites. Il ne comprend pas encore que cette corruption guette aussi et attaque déjà les changements qu'il essaye avec ses camarades de mettre en œuvre. Pour l'instant, cette constatation appelle en lui un désir de changer, de corriger la société. Il pense que la situation actuelle a été délibérément mise en place par les bourgeois, et qu'il suffit simplement de tout refaire. Tout lui semble alors évident et facile.

Tout était si simple : il fallait démolir, raser le vieux monde, et en reconstruire un neuf, dans une justice et une fraternité totales, sans classes, sans frontières, sans haine.

Mais dans cette démarche, il va s'apercevoir que cette simple constation, cette seule volonté de toute refaire, se heurte à une inertie inébranlable qui se noie dans les discours, les bonnes volontés, les intentions sincères, le tout ne progressant jamais que d'une infime distance, et parfois dans le sens inverse de celui escompté. Cette constation qu'il fait lentement par lui-même lui est assénée par l'extérieur. Par Patrick d'abord, qui a lui-même l'expérience de ses parents, impuissants congressistes de l'UNESCO qui tentent en vain dans un verbiage pompeux de combattre la faim dans le monde, et qui ne résolvent jamais que leurs futils problèmes personnels, comme de savoir quel vin choisir pour le dîner. Par Mathilde ensuite, qui a elle choisi la voie catégorique d'un communisme pur et dur. Elle ne réussira pas à boucler son parcours par cette voie, mais éveillera au début de celui d'Olivier l'idée que ses bonnes intentions sont stériles.

Oui, trop de mots, oui, trop de prétention intellectuelle. Oui, trop de petits bourgeois cons qui se payaient une petite récréation révolutionnaire sans danger. Taper sur les flics, casser les carreaux, flamber les bagnoles, hurler les slogans, c'était plus excitant qu'une surprise-partie. Si ça devenait tout à coup dangereux, on rentrerait vite chez papa-maman. Chaque fois qu'ils pouvaient attraper un micro, ils faisaient des laïus contre la société de consommation, mais ils avaient toujours bien consommé, depuis leur premier biberon.

En tentant de revenir sur ses certitudes d'intellectuel appelé à aider les classes ouvrières exploitées, en essayant d'atteindre le même but d'une autre façon, il se rend compte définitivement de l'impossibilité de sa tâche. Il aura, jusqu'au dernier moment, persisté à croire que le changement était possible, à portée de main, fondamentalement facile et évident. Puis subitement, il pense que s'il y a une possibilité de changement, il est lointain, et se fera dans une reconfiguration totale du profil de la société. En particulier il demandera l'effacement de la classe ouvrière qui, faute de pouvoir être promue au rang des classes plus aisées, devra être balayée. Dans le torrent de ces pensées, il observe en parallèle ses compagnons de barricades se raviser et entrevoir à nouveau une carrière de fonctionnaire soumis. Il se forge alors un nouvel objectif. Il réalise qu'il faut pour chacun tout faire pour vivre en accord avec la société, c'est-à-dire, dans son adversité, tâcher d'en tirer parti au maximum pour son propre compte.

Il avait compris que le monde ouvrier, sans lequel aucune construction n'est possible, était un monde étranger qui ne les accepterait jamais. Ils étaient les produits ratés de la société bourgeoise, les fruits d'un arbre trop vieux. Ils avaient appelé eux-mêmes la tempête qui les avait détachés de la branche. L'arbre allait mourir une saison prochaine mais eux ne mûriraient nulle part. Ils n'étaient pas un début, mais une fin. Le monde de demain ne serait pas construit par eux. Ce serait un monde rationnel, nettoyé des sentiments vagues, des mysticismes et des idéologies. Ils avaient porté la guerre dans les nuages, les ouvriers avaient gagné au ras du sol la bataille des bulletins de salaires. Dans un monde matériel, il faut être matérialiste.

Il reste conscient que cet objectif n'est pas un idéal, mais dans la confusion de ses désillusions, il se concentre avant tout à se chercher une nouvelle position cohérente. Cela le prépare à entamer son voyage, qui sera définitivement amorcé par l'incident avec le charcutier Palayrac, qu'il frappe dans un bar à bout de l'entendre lui dire ce qu'il sait être l'hideuse vérité de son échec.


~THÉMATIQUE~
Le Voyage

Olivier quitte ses espoirs défaits de bâtir un monde nouveau dans un départ précipité aux allures mélées de fuite et de reconquète. Une seule certitude désormais le hante et le meut, celle de devoir fuir le parcours tout tracé pour lui par les autres, qu'il perçoit comme l'esclavage dans lequel les décideurs ont choisis de le caser. La forme est certes plus conciliante et la fonction plus noble pour son Jane, Harold, Olivier et Laureen, en partance pour Katmandou statut d'intellectuel, mais la façon semble non moins méprisante et systématique que celle employée pour les classes populaires et ouvrières. À défaut de les avoir libéré, il ne veut pas se voir catalogué et prisonnier comme eux. Au détour d'une conversation sur les «salauds» qui mènent le monde par la finance et sa crédulité, il se rebelle :

Je veux plus être le crétin et le cocu au milieu d'eux.


C'est donc encore l'orgueil, la fierté et une certaine idée naïve et personnelle de sa liberté qui le conseillent dans sa décision de retrouver son père pour lui extirper de l'argent, et se placer lui aussi dans le camp de ceux qui manipulent les foules. Accessoirement, il pourra de ce sommet reprendre les tâches nobles qu'il n'a pu réaliser depuis la base. Le principal est, pour l'instant, d'atteindre ces hauteurs, par tous les moyens. Sur la route qui doit le mener vers ce but nouveau, il ne tarde pas à rencontrer des réalités qui interfèrent avec ses nouvelles idées, vite forgées et adaptées à la situation du moment. En compagnie brève de son ami Patrick, il se trouve projeté dans le monde misérable de la population Indienne qui se meurt. Et lui qui est venu prendre, exiger, se trouve confronté subitement aux appels désespérés et tragiques d'un peuple à l'agonie. Mis à nu dans ses horribles desseins, il ne peut que les asséner avec arroguance pour ne pas les perdre de vue, dans ce monde où il se trouve projeté, muni d'ambitions déplacées, hors de propos, absurdes.

Il ne voulait rien donner. Il avait décidé d'être désormais du côté de ceux qui prennent.

À plusieurs reprises, il se rend compte qu'il est en danger de renier son objectif arriviste et personnel, et doit se garder d'en changer pour venir en aide aux autres en se rappelant les frustrations amères dans lesquelles l'ont plongé ses tentatives passées de révolutionner le monde. Il entrevoit néanmoins qu'en se mettant lui-même dans le sillon que forme l'appel des autres, plutôt que de se vouloir le moteur d'un changement façonné selon son idée, il pourrait donner un sens concret, immédiat, effectif à son action. Mais cette perspective le rebute. Il perçoit la possibilité de trouver la paix et une raison d'être dans cette voie, mais persiste dans le but qu'il s'est fixé de lutter encore. Lutter pour l'argent, cette fois-ci.

Un réflexe de défense contracta Olivier. Il sentit que s'il restait là quelques instants de plus il allait être pris au piège de cette confiance, de cet amour, de l'envie folle qu'il sentait monter en lui de rester avec ces gens et cette enfant blottie contre lui comme un petit chat, l'envie d'oublier ses douleurs et ses violences, et de terminer là son voyage.

Olivier reste prisonnier des ambitions qu'il s'est fixées. Il s'enferme non seulement dans le cadre restreint qu'elles lui imposent, mais tente aussi d'y faire rentrer les autres. Cette intolérance est bien innocente, Olivier croit seulement qu'il n'y a que sa vérité et qu'elle est applicable pour tout le monde, même si sa vérité est instable et évolue constamment au gré de son parcours. L'étape brève où il débarque dans la vie de sa mère trahit bien cette tendance. Lui faisant part de sa vision des choses, de son besoin impérieux d'imposer sa vérité, sa mère lui répond sagement :

- Tu es complètement fou, dit Martine. La vérité, quelle vérité ? Il faut bien s'arranger, si on veut vivre !...

Paroles qu'il s'empressera bien sûr de réfuter, d'ignorer, et de détruire. Il n'accepte pas la façon de vivre de sa mère, qui elle, pourtant, s'en accomode fort bien. L'intransigeance qui lui fait perdre l'argent que sa mère tente de lui procurer lui apparaît comme l'inflexibilité du juste. Il la juge, ainsi que sa vie privée. Il la punit enfin de la plus humiliante des façons en maltraitant son amant alors en plein ébat avec elle. L'intimité de ce couple qu'il refuse est pourtant relatée d'une façon très poétique et qui laisse transparaître la joie et le plein accord de Martine dans la vie qu'elle à choisie pour elle avec son patron. Lorsqu'il décrit la scène où Martine fait l'amour avec Marss, Barjavel emploit des images qui dépeignent l'acte non comme celui d'une quelconque soumission ou visant à quelque arrangement, mais qui traduisent une véritable union, un amour pleinement assouvi et vécu, totalement partagé.

Elle tourna la tête de l'autre côté, puis de l'autre, puis de l'autre, et sa bouche presque fermée laissait s'échapper ce chant de joie qu'elle n'entendait pas, qui était celui de sa chair pénétrée, habitée, remuée, transmuée, libérée de son état de chair, de ses dimensions et de ses limites. Une mer de joie doucement balancée.

Lorsque Olivier s'immisce dans cette scène, c'est pour y installer l'enfer, interrompre cette manifestation divine de deux être donnés l'un à l'autre, s'y interposer pour juger, salir, et condamner. Après avoir rompu cette fusion paradisiaque, Olivier dit avoir perdu sa mère. Ainsi, il casse, puis rejète. Et s'enfuit à nouveau. Il poursuit ainsi son chemin, semé de tumultueuses interactions avec ses proches, jusqu'à la rencontre de Jane. Elle sera, aussi, basée sur ce qu'il considère être bon et mauvais. Il blâme presque immédiatement la jeune fille pour ses choix, celui du mouvement hippie, de la drogue, et sa liberté des rapports sexuels. Il la giffle d'une part et profite d'autre part de sa générosité amoureuse pour coucher avec elle. Enfin, il la quitte avec d'autant de facilité qu'il la trouve trop généreuse avec son corps. Pour l'heure, les choix de la jeune femme ne soulèvent aucun reproche de l'auteur, qui au contraire souligne d'autant plus lourdement les intransigeance d'Olivier qu'il rapporte dans les options de Jane des tendances jusqu'ici porteuses de succès.

Elle se sentait heureuse, légère, portée, comme un navire qui a enfin quitté le port crasseux et flotte doucement sur un océan de fleurs, choisit ses escales, s'y pose s'il lui plaît, embarque ce qu'il veut et reprend le vent de la liberté.

Pour cette raison, notons au passage que le livre semble, du moins à ses débuts, se faire l'avocat de la drogue. Il n'en est rien, bien sûr, mais il est vrai que tout au long d'une première partie, leur influence est systématiquement décrite comme bienfaisante, appaisante, libératrice et bienfaitrice. Cela n'est que la caractéristique bien connue de la drogue, et l'on verra la suite de l'ouvrage ramener à sa juste mesure la «qualité» véritable du produit, pour lequel l'auteur n'a aucune sympathie. Ici nous ne pouvons rappeler aux détracteurs hors sujet que l'évidence, à savoir que l'on est tenu pour se faire une opinion, ou pire encore, critique d'un ouvrage, de l'avoir lu entièrement ! Il nous faut surtout pour notre sujet voir l'entêtement d'Olivier d'imposer ses choix, qu'ils soient bons ou mauvais. L'aide que l'on veut prodiguer envers ses prochains est extrêmement difficile, et si délicat, si subtil, que le leitmotiv de l'ouvrage est la maxime suivante, qui extrapole la difficulté jusqu'à l'impossibilité :

Personne n'aide personne.

Il ne suffit pas, en effet, de s'apercevoir qu'un autre commet une erreur, et de tenter de le remettre sur le bon chemin en forçant malgré lui son itinéraire. Il faut, de la façon la plus tolérante possible, faire comprendre, comprendre, et évoluer, à deux, dans une direction qui sera certainement différente de celle que l'on croyait de prime abord comme s'imposant de toute évidence. Il est pour commencer toujours possible de se tromper. Il est ensuite impossible d'aider sans l'accord pleinement consenti de l'autre. Ainsi, lorsque Olivier décide de confisquer la drogue de la jeune femme pour ce qu'il pense être son bien, il ne provoque chez elle que la réaction tranchée de rejet et de haine. Elle ira même jusqu'à lui faire payer leurs nuits passées ensemble, et oppose à ses explications de vouloir son bien son droit inaliénable à disposer d'elle-même, de sa propre vie, argument contre lequel il ne peut évidemment rien.

-  Ne me touche pas !... Va-t'en !... Imbécile !... Tu veux !... Tu veux !... Qu'est-ce que tu te crois ?... Tu veux ! Et moi, qu'est-ce que je suis, MOI ? Je suis libre ! Je fais ce que moi je veux ! Tu m'as volée ! Volée ! Volée ! Tu es un monstre ! Tu es horrible !... Va-t'en !

Olivier comprend alors qu'il ne pourra la sauver qu'avec son propre accord, et qu'il faudra, pour la récupérer, qu'elle veuille se donner à lui. Cela ne saurait se produire par quelconque tentative de la prendre, malgré elle. Après la confrontation révélatrice avec son père et avoir finalement réalisé la chimère que constituait sa poursuite d'une vérité absolue et dominatrice, simple et inattaquable, il sait qu'il lui faut chercher la stabilité intérieure pour apprécier la complexité du monde extérieur. Et il perçoit que cette tranquillité intérieure se puise et se cultive dans l'amour.

Cette fille, qu'il avait à peine connue, tenue dans ses bras une seule nuit, lui avait tout à coup, après son entrevue avec son père, semblé constituer la réponse à toutes ses questions, la solution à tous ses problèmes. Il avait marché vers elle pendant des jours et des jours, se souvenant de ses grands yeux qui le regardaient sans l'ombre d'un mensonge, de son sourire clair, de ses paroles, et surtout de la plénitude, du calme qu'il éprouvait lorsqu'il était auprès d'elle, même sans parler, même sans la regarder. Elle était assise dans l'herbe, près de lui, ou à quelques pas, et autour de lui et en lui tout était bien, en équilibre, et en paix.

Première nuit de Jane et Olivier L'errance des héros semble donc ne pouvoir trouver ancrage que dans l'amour. Un amour fragile cependant, et aussi difficile à distinguer de ses horribles parodies. Olivier ne cherchant désormais plus à s'enrichir est presque totalement libre pour retrouver Jane, et l'aimer. Il demeure la jalousie, mais même celle-ci lui semble, dans la lignée, un détail qui ne leur fera aucune difficulté.

Cet argent qu'il avait dressé autour de lui comme une muraille s'était transformé en nuage, en vapeur, évanoui. Jane était là, visible, à quelques pas.

Il lui suffisait de marcher et de la rejoindre. Les autres garçons, il n'aurait même pas besoin de les balayer, c'est elle qui les mettrait hors de sa vie.

Il ne lui reste plus qu'à la trouver, et le voici dans l'optique d'une nouvelle quête, battie sur les cendres de l'ancienne totalement oubliée, d'apparence toute aussi accessible et triviale, mais dans la réalité non moins éloignée et hardue que les précédentes.

Sa hâte à quitter son père, sa course vers Katmandou, c'était le besoin de redevenir vivant en la retrouvant, de combler ce vide insupportable, dont il n'avait pas eu conscience tant qu'il marchait sur le chemin dont il savait, si long qu'il fût, qu'il le conduisait vers elle. Au bout du chemin, il n'y avait personne.

Même cette certitude d'entre les certitudes se dresse devant lui avec ses difficultés qui se montrent, les unes après les autres, chacune comme insurmontable, et donnant naissance à d'autres complications plus inextricables encore. Dans de telles circonstances, la tentation d'abandonner n'est pas loin, avec son cortège d'excuses confortables et thérapeutiques...

Et s'il ne la retrouvait pas ? Jamais ? Est-ce qu'il avait cesser de vivre à cause d'une fille ? Qu'est-ce qu'elle avait de plus que les autres ? Est-ce qu'il était en train de devenir idiot ? Si elle ne voulait pas se montrer, qu'elle aille au diable ! Pourquoi n'était-elle pas venue avec lui quand il le lui avait demandé ? Parce qu'elle couchait avec ce type ! Et avec combien d'autres avait-elle couché, avant ? Il y avait plein de filles, à Katmandou et ailleurs, qui la valaient bien, et même plus.

Dans l'adversité, la bassesse est un remède et l'accomodation de la vérité un subterfuge facile... mais fragile. La réalité des sentiments reprend toujours le dessus, le besoin surmonte immanquablement l'abandon, et reviennent à grands pas les appels et les nécessités qui rendent caduques les innombrables petits incidents de parcours, les passagères complications, les difficultés momentanées qui semblent des impasses, et qui ne cachent en fait qu'un virage annonçant un départ nouveau, à pleine vitesse.

Mais avant d'arriver au bout de la rue, il savait que les autres filles ne comptaient pas, fussent-elles mille fois plus belles, et que l'univers sans elle n'était qu'une construction absurde et morne qui ne signifiait rien et ne servait à rien. Elle pouvait avoir couché avec ce type et avec dix mille autres, cela n'avait pas plus d'importance que quelques grains de poussière. Ce qui était important, unique, c'est qu'ils étaient faits pour être ensemble, que depuis le commencement des commencements tout avait été créé pour qu'ils fussent ensemble, réunis au milieu de tout. Et leur séparation était contre nature et monstrueuse comme un soleil noir.

Dans la multitude des objectifs qu'il a vu se succéder les uns après les autres, les uns nés sur les débris des autres, Olivier a réussi à distinguer les traits essentiels du but ultime qu'il voit se dessiner autour des notions de tolérance, de compréhension, d'écoute, de partage... et d'amour. La certitude, la condescendance, la vérité auparavant ancrées en lui maintenant tombent dans un gouffre qui se dévoile au plus profond de son être, et que seule une femme élue, une rencontre particulière, unique, spéciale, semblent pouvoir combler.

Heure après heure, pendant qu'il cherchait en vain, il avait eu la révélation progressive de l'abîme d'absence qui s'était creusé en lui et autour de lui depuis la minute ou il s'était séparé de Jane.

Le plus difficile est maintenant fait, pour les deux héros. Chacun sait ce qu'il veut. L'autre. Chacun sait comment il le veut. Avec l'autre. Alors les incertitudes se sont effacées. Elles ont emportées avec elles les fausses certitudes, se sont annihilées, il ne reste plus que l'évidente poursuite, à deux, du reste du parcours.

Jane et lui étaient arrivés au bout de leurs mauvais chemins, chacun de son côté, et maintenant ils allaient, ensemble, s'engager sur une route peut-être difficile mais claire comme ce jour qui se levait.

Dans cette optique, le combat ne relève plus de la conviction, et ne dépend plus de paramètres incertains, utopiques, extérieurs. À deux, rien qu'à deux, maîtres de leur propre destinée, rien ne peut entraver la poursuite de leur route, dans l'insouciance du sort des autres et du reste du monde. Veiller sur son propre bonheur avant tout.

Il y parviendrait. Elle était dans ses bras, elle ne pesait rien, il l'emportait, il la sauverait. Que brûle le monde...

Et peut-être, après, de celui des autres. Et si ça n'est pas possible, si elle et lui, lui et elle, requièrent pour eux deux toutes les ressoruces dont ils disposent, alors tant pis. Ressurgit encore, cette fois comme une excuse, la vérité qu'il ne faut ignorer faute de la subir. Personne n'aide personne. C'est donc dans la dernière ligne droite, dans l'acquisition presque palpable de la vérité, qu'Olivier pénètre désormais. Mais il pêche encore, avec moins d'orgeuil, moins d'arroguance, il embrasse presque la sagesse qu'il s'est forgé au dépens des nombreuses erreurs passées. Mais l'on peut savoir où est la vérité, et persister dans l'erreur, ignorer l'évidence, et précipiter sur soi le malheur dont on connaît le remède. À ce stade, la situation est résumée par le médecin qui soigne Jane pendant qu'Olivier vole les statues qui doivent lui assurer le retour en Europe. Le médecin commente l'erreur tragique que constitue le choix de la drogue, il met en exergue les solutions réciproques que sont l'un pour l'autre Jane et Olivier, et s'indigne de voir absent l'intéressé qui, bien que conscient de la vérité, n'a pas encore eu le reflexe de la mettre en application de toute urgence.

La fuite dans la drogue n'était qu'une lente agonie camouflée de fleurs, de musique et d'illusions. A mesure que les illusions s'écroulaient, elle en cherchait d'autres plus violentes et plus illusoires encore. Elle avait rencontré une chance, une seule chance : ce garçon... Comment se nommait-il ? Olivier... Lui seul pouvait la sauver, la retenir sur le chemin de la mort. Dans sa lettre à la clinique de Delhi, il expliquait que le garçon devait être admis à rester auprès d'elle. Mais où était-il, cet imbécile ? Que faisait-il, loin d'elle ? Sans lui, elle se noyait. Elle n'avait plus vraiment, vraiment, plus beaucoup de souffle !...

Olivier comprend enfin. Il réalise, alors qu'il s'enfonce et s'entête sur un but qui appelle encore projets et complications, qu'il est encore une fois piégé dans un futur toujours inaccessible et qui commande ses actes d'aujourd'hui. Il se voit passer encore une fois à côté de ce qu'il veut vraiment : être avec Jane, à ses côtés, elle avec lui, eux réunis, ensemble, physiquement réunis, et non séparés maintenant pour avoir prétendument demain ce qu'il repousse aujourd'hui.

Même si c'était pour elle, pour l'emporter, pour la sauver, était-ce plus important que d'être avec elle, auprès d'elle, autour d'elle, l'abri et la chaleur dont elle avait besoin ? [...] Brusquement, il comprit, il sut qu'il s'était fourvoyé dans une route d'inutilité et de stupidité, qu'il était coupable et fou.

L'apprentissage de la vie est difficile, et il faut le comprendre vite, car il est très rapidement trop tard. Pour Olivier, il est déjà trop tard. Dans la précipitation, il accourt vers Jane en se créant d'autres problèmes. Il percute une vache sacrée, il détruit sa moto, il se blesse, et lorsqu'il arrive, culpabilisé et abruti, il ne pourra que se déchaîner sur celui qui profitant de son absence a ruiné tous ses projets, qu'il a laissé s'échapper dans l'immédiat, et qui sont maintenant impossibles, à jamais.


~THÉMATIQUE~
Les Autres Chemins

Dans notre suivi des parcours d'Olivier et de Jane et de leur chemins respectifs vers Katmandou, vers leur futur, nous n'avons rencontré les autres personnages que lorsque leur propre destinée venait rencontrer celles que l'auteur avait mis pour nous sous la lumière de sa plume. Il y a d'abord ceux et celles dont les trajectoires ont à plusieurs reprises frôlé celle du héros, que nous parcourons avec lui, et depuis laquelle nous avons le privilège de lecteur d'observer ces histoires parallèles s'éloigner ou se rapprocher, sans que jamais une rencontre vraisemblablement décisive n'ait la chance d'être provoquée. Mathilde, la fille de l'énigmatique Closterwein, qui fait dans cette fiction des apparitions intermittentes fondées sur une histoire vraie, en est le meilleur exemple. Sa route rencontre par une fois celle d'Olivier, et nous avons vu qu'elle avait à cette occasion déjà influencé le héros. Mathilde, tout comme Olivier, est excessive, et n'aura pas comme lui l'opportunité de corriger sa position, qui lui coûtera la vie. Le sentiment est fort chez le lecteur que leur rencontre aurait pu, chez l'un et l'autre, établir un équilibre. Hélas, Mathilde ne retrouvera pas Olivier le lendemain de leur première et unique rencontre, et lorsque Olivier se fera conter l'histoire de cette petite milliardaire abattue par les soldats Maoïstes et Népalais, il ne reconnaîtra même pas celle là qui, quelque temps auparavant, l'avait interpelé du haut de sa suffisance d'étudiant révolutionnaire. Ainsi, la vie est-elle certainement souvent faite de grandes destinées avortées, faute de voir une proximité besogneuse toujours faillir à se cristalliser en une rencontre décisive, et une reconnaissance mutuelle. Combien de telles occasions manquées pour chacun de nous au quotidien ?
Cela nous incite aussi à croire que d'autres destinées, celle de Ted par exemple, ont pour leur part un itinéraire tout entier tracé dans l'horreur et l'abject. Les quelques passages occupés par ce personnage nous présentent en effet un homme d'affaire corrompu, faisant du traffic illégal avec des objets de culte, exploitant son associé et dominant sa femme avec pour seules vues sa satisfaction personnelle. Il abusera puis trahira Olivier, droguera et violera Jane qui en mourra. De tels personnages qui semblent voués au mal sont les obstacles sur le parcours du héros. Mais même le cheminement de ce dernier n'est que très rarement vierge de tout reproche. Ainsi, Olivier aura-t'il souvent l'occasion d'agir comme les «pourris» qu'il traque, d'abord pour les combattre, ensuite pour les rejoindre, les imitant au point tel de le revendiquer. Citons encore une fois l'arnaque faite à l'association humanitaire, et tout particulièrement à son ami Patrick, auprès duquel il se justifie faute de s'excuser en clâmant que désormais, il est du côté de ceux qui prennent. Voilà un épisode qui, pris isolément, ne semble pas moins condamnable que les scènes à venir où l'on prendra en cours de route un Ted marchandant de façon ignoble le groupe de statues volées par Olivier, lui en offrant vingt dollars, et dont on apprendra même plus tard, comme pour nous surprendre d'avoir nous aussi juger trop vite, qu'il s'agit en fait d'un usage tout à fait courant dans la région. Barjavel laisse donc entrevoir à ses lecteurs les plus enclins à pardonner une possibilité de rémission pour de tels anti-héros. Pour cela, il procède à un transfert de narration, et laisse les accusès se défendre eux même, soit par l'intermédiaire évident du dialogue, ou alors, de façon plus subtile, en procédant d'une narration classique à une focalisation interne de l'intéressé promu au titre de narrateur. L'effet est toujours spéctaculaire. Le ton réactionnaire et provoquant ne manquera pas d'interpeler le lecteur qui selon ses affinités pourra considérer ces avancées verbales comme une mise en exergue des travers du personnage, ou au contraire comme des éléments de défenses et de justification. Voyons le cas du charcutier Palayrac. Celui-ci en réponse à la situation de crise qui s'annonce augmente le prix de ses produits. Barjavel ainsi que le grand nombre de la population a eu à souffrir de telles prises en otages, et il est plus porté à une critique acerbe qu'à une mise en relief équilibrée. Il amène pourtant quelques éléments mettant en contradiction les mœurs de la population, sans bien sûr, les prendre à son compte, mais en les mettant clairement dans la bouche du commerçant. Quitte au lecteur d'y trouver matière à accabler encore plus le profiteur, ou à prendre une attitude plus critique.

Par précaution, M. Palayrac avait commencé à augmenter le prix de l'aloyau, juste un peu, sans que ça se remarque. Pas les bas morceaux, elles en veulent jamais, elles savent plus faire un mironton ou un bouilli, il faut que ça cuise à la minute, il y a plus de cuisinières, rien que des bonnes femmes qui pensent qu'à aller au cinéma ou au coiffeur, pas étonnant que leurs gosses veulent tout avaler sans en foutre une rame ! Lui, il se levait encore à quatre heures du matin pour aller aux Halles. Il avait plus vingt ans, pourtant, ni même quarante... Mais le travail, on le lui avait appris à coups de pied dans le cul. A douze ans, après le certificat... On lui avait pas demandé s'il voulait aller à la Sorbonne, lui !...

Ce transfert permet à l'écrivain de s'affranchir du style calibré auquel toute bonne littérature est astreinte, sans se réfugier pour autant dans une surchage de dialogues. Ces passages non seulement disculpent Barjavel de les défendre de son propre chef, mais ils lui permettent encore d'en alourdir le côté provocant ou tranché en l'accomodant d'un vocabulaire familier ou arguotique. Les mots qu'il met ainsi dans la bouche de Ted donnent au personnage une dimension moins manichéenne que celle à laquelle le destine l'intrigue : celui du méchant désigné qui tue l'héroïne, et qui est tué par le héros. Barjavel joue à l'équilibriste sur la ligne qui sépare le déroulement logique attendu, et celui plus discutable où les coupables d'office sont, sinon disculpés, au moins autorisés à s'expliquer. Donnant la parole à Ted, il lui concède l'intelligence de sa position, qu'il oppose à la bétise de la victime, venue elle même se réfugier dans ce qu'elle décrie maintenant comme des griffes acérées. Il montre ainsi un homme lucide qui est fondamentalement la première de ses victimes, souffrant peut-être plus que sa femme de sa laideur et de ses travers, et consentant même à lui trouver un amant. L'homme refusant cependant de voir ses largesses signifier la perte de celle qu'il, faute de pouvoir l'aimer, veut posséder, il décide de lui rappeler avec cruauté la réalité de leur engagment, accepté par les deux parties depuis le début.

Quand on ressemble à un porc, comme moi, et qu'on épouse une fille dont on a envie, on prend ses précautions pour la garder... Que je te dégoûte, je le sais, depuis le jour où je t'ai ramassée à «[Ted] prit une statuette en bronze représentant une déesse exquise, qu'il caressait avec une volupté machinale» Calcutta, où tu jouais Célimène ! Tu jouais mal, mais tu étais belle. Votre tournée miteuse n'avait plus le rond pour retourner en France. Venir jouer Molière devant les crevards de Calcutta, c'était une fameuse idée ! Vous n'aviez même plus de quoi bouffer !... Je t'ai offert à dîner, du champagne, une bague, une voiture, des robes, et le mariage !... Ç'a t'a paru tellement fabuleux que tu as accepté. Mais quand nous avons fait l'amour... Non, soyons exacts, il n'est pas question d'amour, du moins de ta part... Je t'ai prise, tu t'es laissé faire, mais je voyais ta petite gueule de Parisienne toute crispée... Tu fermais les yeux pour que je ne puisse pas y lire ton dégoût... Un gros type rose couché sur toi avec son ventre... Un gros porc, tu pensais, un gros porc... et suisse par-dessus le marché !... Je dois reconnaître que tu n'as pas triché, en faisant semblant d'éprouver du plaisir. Tu n'as pas vomi non plus, et quand j'ai eu envie de toi, chaque fois tu t'es laissé faire. Tu n'as pas prétendue que tu étais fatiguée, comme tant d'honnêtes épouses... Tu as payé loyalement... Donnant, donnant. Correct. Quand j'ai pris ce joli petit crétin de Jacques comme associé, je savais ce que je faisais. Tu allais trouver avec lui une compensation. Tu avais besoin d'un peu de joie. C'était normal... Mais je te supposais quand même un minimum d'intelligence... Tu ne t'imagines pourtant pas que ce type est capable de faire autre chose que de baiser et tirer des coups de fusil ?... De quoi il va te faire vivre, ton beau chasseur ?... De la chasse aux rossignols ?...

Ici encore, bien sûr, la lecture peut être faite au gré des penchants du lecteur... Celui qui trouvera confortable de situer sur un schéma simpliste les différents protagonistes pourra lire dans de tels propos le joug machiste du satyre ignoble. Mais même celui qui, conciliant à l'extrème, concède aux vues de Ted quelque attention sera contraint, au final, d'observer avec ceux qui l'attendent, la chute du monstre qui, parvenu trop loin dans l'horreur, se retrouve face à face avec l'issue fatale de sa propre fin. Il n'y a pas de sentiment de destin déjà écrit chez Barjavel, qui ferait de Ted un coupable «de naissance», et dont les crimes seraient déjà scellés dans les paroles que nous avons cités. Même en insistant lourdement sur le côté repoussant du personnage, principalement son physique, l'auteur ne donne aucune indication de mal indissociablement lié au personnage. Barjavel est trop attaché à la notion de libre arbitre, et réfute qu'aucune pression ou tare oblige quiconque à se réfugier dans le crime. Si Ted, que l'on rencontre alors en terrain déjà bien avancé dans les voies du mal, avait pu se ressaisir, la fin eût été pour lui autrement moins tragique. Le mal, bien sûr, peut l'emporter, et plus facilement sur chacun que tout le monde le croit. Ce sera le cas chez Ted, comme la trame le laisse présager, et comme l'histoire le confirme. Et une fois qu'il est trop tard, autre thème très Barjavelien, c'est au tour du châtiment d'occuper le devant exclusif de la scène. Aucun pardon ne semble possible. Ted, une fois le crime accompli, doit payer. Il doit mourir. Et il mourra. Il mourra de la main de sa femme plutôt que de celle d'Olivier, mais le bourreau n'a aucune importance. Seule la punition compte, et non pas la vengeance. Vue dans la multitude des différents parcours des innombrables destinées, ce chemin aux origines qui nous resteront cachées, à la fin sinueuse et qui se perd dans les brûmes froides de l'horreur et du crime, ne sera qu'un de plus dont l'issue sera l'impasse. Il incombe à chacun de veiller à chaque étape et à l'issue de son propre parcours, plutôt que de trop s'intéresser ou de trop hâtivement juger celui du voisin.


~THÉMATIQUE~
L'Arrivée

Sur les chemins de Katmandou s'éreinte une foule qui avance péniblement dans l'attente toujours suspendue à l'horizon d'étreindre le confort douillet et mérité de l'arrivée. Ce but repporté sans cesse à demain n'est cependant qu'une illusion, et ceux qui, à force d'efforts, d'abnégations et de sacrifices, en sont arrivés au terme, n'y trouveront rien que la déception d'avoir laissé se gâcher en cours de route tout l'attrait du voyage.

Dieu était partout, et les «voyageurs» venus le chercher de si loin ne le trouvaient nulle part, parce qu'ils oubliaient de le chercher en eux-mêmes.

S'il est encore temps de revenir sur ses pas, de se rendre compte du temps gaspillé, du chemin parcouru dans le gachis et la souffrance, il ne faut pas que le retour se fasse, par inadvertance, dans une même erreur sans cesse répétée de se fixer des objectifs lointains, théoriques, ambitieux mais pour cela repoussés. Il faut avec rage et pleine conscience œuvrer activement dans l'immédiat pour le bien de ce que l'on a a cœur. Sa femme, soi même, autrui, les animaux maltraités, les enfants du tiers monde... Toute action, destination, doit être entreprise avec cette intelligence, sous peine d'être réduite à un parcours cauchemardesque et à long terme inéluctablement stérile. La noblesse de tout acte bon et juste est immédiatement la proie de l'érosion du temps, de l'oubli des convictions, de la corruption, de la déformation, de la vieillesse, de la maladie. Il faut un éveil permanent, une intelligence sans relâche, un amour sans borne pour faire au mieux parmi les siens, et ne pas tomber dans le piège de la routine qui défigure chaque acte en de pervers méfaits corrosifs et fatals, pour ceux que l'on aime, et pour les autres. C'est le grand thème du roman. C'est un grand thème Barjavelien, qui est à son apogée dans le roman d'amour "apparié" à celui-ci : Tarendol. Pour les spécificités propres à cet ouvrage, à savoir tous les aspects orientaux de l'œuvre, il faut les chercher dans l'inspiration discrètement reconnue, mais très présente, du « mouvement Gurdjieff » chez Barjavel.
On y ressent constamment remises en cause les certitudes arrogantes et les suffisances de la pensée occidentale, comme par exemple sa confiance absolue en la raison, la logique et la science rationnelle. La considération pour la quatrième voie d'Ouspensky-Gurdjieff qui demande plus d'attention pour la nature et une reconsidération de la place de l'homme dans l'univers, en passant par un certain détachement de soi même et amenant à se recadrer spirituellement, sont ici abordés principalement par le mouvement hippie, qui défend une position proche. Ce dernier fait cependant, selon l'auteur (et la pensée de Gurdjieff lui-même), fausse route en trouvant dans la drogue le vecteur de son rapprochement vers ces valeurs lointaines ou oubliées.

Il y avait cependant une différence entre les garçons et les filles qui venaient de l'Occident vers Katmandou et leurs pères : les enfants s'étaient rendu compte que la raison et la logique de leurs parents les conduisaient à vivre et à s'entretuer de façon déraisonnable et illogique. Ils refusaient cette absurdité et ses obligations, devinant vaguement qu'il devait exister un autre mode de vie et de mort en accord avec l'ordre de la création. Ils cherchaient éperdument la porte par laquelle ils pourraient s'évader de leurs murailles. Mais les murailles étaient en eux depuis leur naissance. Ils y créaient par la drogue l'illusion d'une ouverture qu'ils franchissaient en rêve, dans le pourrissement de leur esprit et de leur corps, et ne parvenaient qu'à leur ruine.

Comme nous l'avons déjà mentionné, il n'y a pas de réelle discussion de fond du cadre spirituel, qui n'aura trouvé sa place dans un roman chargé qu'au travers de brèves remarques familières dans la bouche de l'écrivain, mais qui ne nous entraînent autrement jamais bien loin. On pourrait s'attendre à un peu plus d'éxégèse sur les thèmes de l'Hindouisme, de la philosophie orientale, et même sur la situation au Tibet... (au contraire, les Tibétains réfugiés sont brièvement présentés comme le refuge de Jane qui va chez eux se cacher et s'approvisionner en drogue).
Barjavel rétablit le lien dans les toutes dernières lignes, en amenant le héros démuni de toute raison d'être, à s'interroger sur le sens de l'existence. C'est loin de toute richesse matérielle maintenant accessible qu'Olivier va aller chercher cette réponse, parmi les déshérités de Palnah, où son ami Patrick creusait, et creuse peut-être encore, des puits. C'est dans l'effort, dans l'action immédiate et concrète, dans l'agissement effectif, qu'il ne remettra pas, cette fois, à plus tard, qu'Olivier va chercher à vérifier si la prise en main réelle et tout de suite de son propre sort, de son destin, si l'accomplissement au jour le jour de ce que l'on cherche à atteindre, peut amener la solution, peut nous amener à destination. Et c'est ainsi la fin du roman. On ne saura pas si Olivier, cette fois dans le cœur de l'action qu'il n'a pas remise au lendemain, aura trouvé sa réponse, et se sera trouvé à l'arrivée. C'est que, peut-être, le lecteur ne peut en savoir plus qu'il n'en aura fait lui même, et qu'il est, maintenant, invité à prendre soin, dans sa propre vie, sur son propre chemin, à chacun de ces instants qu'il croît ne constituer qu'une étape d'une arrivée chaque jour plus lointaine.


Barjavel et le mouvement hippie

Le mouvement hippie fut un phénomène important de la fin des années 60 et de la décennie suivante, et qui ne pouvait pas laisser indifférent Barjavel, aussi bien en tant qu'observateur de la Société que dans la mesure où certaines idées du mouvement hippie pouvaient par certains côtés rejoindre les siennes propres. D'ailleurs, la fin de « La Nuit des Temps » est une préfiguration étonnante de la "révolution " de mai 68, au sujet de laquelle l'auteur lui-même tient à préciser dans une petite note en bas de page qu'il a "devancé l'histoire"...
Venu des États-Unis, le mouvement hippie proprement dit a dès le début pris ses références dans les effets des drogues et narcotiques comme moyens d'élargir "les portes de la perception", pour reprendre le titre de l'essai d'Aldous Huxley qui a préparé le terrain aux "théoriciens" du mouvement que furent en particulier Timoty Leary et Alan Watts.
Le lecteur désireux d'en savoir plus sur les origines et les développement du mouvement lira avec intérêt les deux études qu'y a consacré Michel Lancelot, sociologue et animateur de radio (dont l'émission "Campus" sur Europe n°1 analysait de manière pertinente mais très accessible les phénomènes de sociétés et leurs acteurs) : « Je veux regarer Dieu en face » et « Le jeune lion dort avec ses dents ». On pourra aussi lire les transciptions des émissions "Campus" regroupées dans l'ouvrage du même nom. (Ces livres des éditions "J'ai Lu" sont maintenant épuisés... mais ils se trouvent assez facilement en occasion.)
Comme indiqué plus haut, le "mouvement Planète", dirigé par Louis Pauwels et revendicant essentiellement "un autre regard sur le monde", affichait une sympathie d'idées avec le mouvement hippie, y compris, au début tout du moins, dans ses aspects "psychédéliques" associés à l'usage du L.S.D.
Toutefois, lorsqu'à l'été 1968 le mouvement Planète s'est "modifié", avec le début de la publication du "Nouveau Planète" avec la mise en place d'une équipe "rénovée", quelques notes critiques sont petit à petit venue tempérer cette approbation. On sait ensuite que les idées de Louis Pauwels, sans changer sur le fond, l'on conduit à des activités d'apparence politique "très différente" qui peuvent faire sembler étonnant sa sympathie affichée d'alors pour les Hippies... (pour en savoir plus sur "Planète", et à défaut de se procurer les exemplaires de cette revue, on lira avec intérêt la thèse de Grégory Guteriez "Le discours du réalisme fantastique : la revue Planète" :
voir )
La contribution de Barjavel sur ce sujet s'est traduite par « Les Chemins de Katmandou », mais aussi par quelques chroniques dans « Le Journal du Dimanche », compilées dans le recueil « Les Années de la Lune », et par des chroniques radiophoniques sur R.T.L.
Et surtout, il fut l'invité de la soirée de l'émission d'Armand Jammot « Dossiers de l'Écran » du 29 mai 1973, en première partie de laquelle fut projeté le film « Les Chemins de Katmandou », base du débat de 22h 15 à 23h 25 sur le thème du phénomène hippie. A ce débat participaient aux côtés de René Barjavel :

À cette occasion, la critique cinématographique a renouvelé ses avis peu flatteurs sur le film, ainsi par exemple Jacques Siclier (cité ci-dessus par ailleurs) écrivait-il dans Télérama (n° 1219 du 26 mai 1973) :

Ce que j'en pense : qu'André Cayatte, avec les meilleures intentions du monde fasse de mauvais films, cela tient, je crois, à ce que ce cinéaste, toujours sincère même lorsqu'il traite un sujet, un problème sous l'effet de la mode, se perd toujours plus ou moins dans le schématisme d'une démonstration. Les cinéastes malhonnêtes sont forcément roublards. Cayatte se passionne et accumule des situations vraies, des thèmes contemporains, qu'il rend invraisemblables et mélodramatiques en voulant convaincre. La vie n'a pas le côté simpliste, exemplaire dans le bon ou le mauvais sens qu'il lui donne dans ses films et Cayatte ne sait pas non plus manipuler la fiction. Le mal de la jeunesse de 1968 ; son besoin d'idéal, l'hypocrisie des adultes, la fausse morale bourgeoise, le phénomène hippie, l'attrape-nigauds tragique de la mystique hindoue sombrant dans le fléau de la drogue...cela fait beaucoup trop de sujets qui tournent à la confusion malgré la générosité évidente du propos.

et l'O.C.F.C. y donnait comme avis : « Pour adultes avec réserves. ».

Ce débat des « Dossiers de l'Écran », animé par Alain Jérôme, fut sérieusement agité, voire même houleux, puisque dans sa chronique du Journal du Dimanche qui l'a suivi (le 27 mai 1973), il raconte comment une hippie présente sur le plateau le traita de vieux c... et ce qui s'ensuivit... On lira l'article complet { ici }, contenu dans le recueil de chroniques « Les Années de la Liberté » (Voir cet ouvrage dans la bibliographie)
Cette jeune femme, Groseille, (de son vrai nom Yveline), avait reçu une formation de psychologue avant de devenir hippie, puis, juste après cette émission, elle a vu sa vie transformée par la rencontre d'une communauté chrétienne qui l'a conduite à visiter de nombreux pays. Rentrée en Europe, elle y acheva la rédaction de son autobiographie pour ensuite s'installer en Angleterre où elle exerce le métier de "Life coach" (conseil en développement personnel). Elle m'a très aimablement fourni son témoignage après ces trente-cinq ans de vie richement remplie (

J'ai aussi pu, de manière inespérée, voir un court extrait de ce débat à l'occasion d'une émission de télévision commémorant les 40 ans de la deuxième chaîne (France 2 souffle ses 40 bougies : voir http://www.toutelatele.com/article.php3?id_article=3989 et http://www.toutelatele.com/article.php3?id_article=4002 ] pour laquelle ces Dossiers de l'Écran a été choisie pour représenter le rôle d'observateur de la Société de la télévision.
On peut y voir Barjavel en auditeur attentif qui regarde, qui analyse, l'œil ouvert, qui vit ce moment avec intensité au milieu d'autres participants badins ou gênés...


GénériqueLes participants
(René Barjavel sur la droite)
Groseille
(à sa droite Alain Jérôme (de dos)
à sa gauche Michel Lancelot)
Cliquer pour visionner l'extrait (format mpeg1, chargement 3,9 Mo)

La présentation et les commentaires de Télérama ne sont pas sans une certaine ironie envers les hippies (dont le mouvement subsistait encore en 1973), à preuve l'article de Jean-Luc DOUIN (p 24 du même numéro) venant en complément du commentaire de la soirée : "Être hippie...en été, c'est beau, mais l'hiver !" qui ne se prive pas de souligner les côtés "doux rêveur mais peu réaliste" du mouvement, tout en en soulignant les aspects généreux et la possible, quoique hypothétique, perspective de devenir un modèle de société future. { voir l'article }.
On peut toutefois, on peut trouver cet article "partiel" car l'aspect de la drogue n'y apparait que comme marginal.


Barjavel et son roman : pourquoi «Katmandou»

Et que pensait l'auteur lui-même de son roman ?
Lui-même a donné son avis, dans la préface d'une édition - relativment rare - des Chemins de Katmandou, au Cercle du nouveau livre (Paris, 1969) ( 
voir dans la bibliographie ) Voici cet document, qui éclaire magnifiquement la pensée et la démarche de l'auteur :

Tous les chemins mènent à Katmandou

par RENÉ BARJAVEL

Ce livre offre un exemple de la transposition du réel à laquelle se trouve parfois obligé un écrivain, un peintre, un tout autre créateur, s'il désire donner de ce réel une idée exacte.
L'univers de Katmandou est indescriptible en langage réaliste. Ici la fidélité au vrai ne peut aboutir qu'à l'erreur.

UN ENFANT NU EN TRAIN DE MOURIR

Lorsque je me suis trouvé en face de la ville, puis lorsque j'ai pénétré en elle, après avoir franchi le rempart de l'odeur, j'ai compris que je n'avais aucune chance de faire comprendre à mes lecteurs ce qu'est ce monde incroyable, si, justement, je le montrais tel qu'il est.
J'avais quitté Delhi en emportant l'image atroce d'un enfant nu tenant dans ses bras un autre enfant nu en train de mourir. Je fus accueilli à Katmandou par le rire glorieux d'un enfant dont le visage s'encadrait dans une vitre cassée de l'aérogare. Après les angoisses de l'Europe et les horreurs de l'Inde, je rencontrais le bonheur. Je rencontrais le bonheur, la saleté, la gentillesse, la pauvreté absolue, la foi totale et multiple, la non-anxiété, la non-violence, l'amour nu, l'innocence, la présence, à chaque pas, des bêtes, de Dieu et de la merde, et de bouquets d'enfants rieurs.
Je ne pouvais pas espérer donner une idée de l'unité, de l'équilibre parfait de ce mélange, en décrivant un paysan après une vache, une vache après un dieu, un dieu après un vieillard en train de se reculotter. D'ailleurs ce bonheur, j'étais resté trop peu de temps à Katmandou pour en comprendre l'ordonnance et les raisons, Mais assez longtemps pour le sentir si puissamment que, depuis mon retour, j'en éprouve la nostalgie comme celle de l'enfance à jamais perdue.

LES OCCIDENTAUX, LEUR ARGENT, LEUR HYGIÈNE

Ce peuple, en effet, a traversé les siècles sans perdre son enfance. Mais il ne la gardera plus longtemps. Les frontières du Népal se sont ouvertes aux premiers Occidentaux vers 1954. Maintenant, ils affluent, par avion, par la route, apportant leur curiosité indiscrète, leur argent, leur hygiène, leur conception de ce qu'ils nomment civilisation. Les hommes de Katmandou commencent à savoir qu'ils sont sales et qu'ils sont pauvres. Ils vont devenir adultes, propres et malheureux.
Comment pouvais-je faire pour fixer la dernière lumière de cette joie? pour qu'elle ne se transforme pas, dans mon livre, en chandelle? Au lieu de m'attarder à ses scintillements particuliers, je devais la rassembler en un brasier, en une flamme unique et exaltée, négliger les multiples petits aspects du réel pour construire une seule grande vérité. Ainsi le sculpteur, pour traduire la grâce légère d'une adolescente, dresse, au milieu de la place, une statue de six mètres de haut ...

DANS LA FRATERNITÉ DES HOMMES, DES BÊTES ET DES DIEUX

Au moment où ce livre va paraître, relisant les dernières épreuves, avant que s'ébranlent les machines à imprimer, je suis satisfait. Mon livre est-il bon ou mauvais? Je ne le sais pas, je le saurai peut-être dans dix ans. Mais je sais qu'il est vrai.
Quand vous l'aurez lu, quand vous aurez traversé dans ses pages le Katmandou un peu fantastique qui s'y trouve enfermé, les images, les couleurs, les bruits, les odeurs qui vous resteront dans la mémoire seront comme les vrais souvenirs du vrai Katmandou, décantés et grandis par la distance et le regret. Comme ceux qui tournent dans ma propre tête et cherchent à me convaincre, sans arrêt, de retourner vers la vallée verte au pied de la Montagne, vers la ville où les hommes, les bêtes et les dieux sont frères, avant que cette fraternité ne soit détruite, et le bonheur perdu.

René BARJAVEL


CRITIQUES DES VISITEURS

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    «la fillette était debout devant lui et le regardait en levant la tête, souriante, heureuse, avec des yeux grands comme la nuit qui tombait, et comme elle pleins d'étoiles»

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    • Le texte Les Chemins de Katmandou est © Éd Denoël, 1969.
    • Les photos en couleur sont tirées du film «Les Chemins de Katmandou», © Franco London Films - Films des Deux Mondes 1969
    • L'illustration du frontispice est une création graphique de G.M. Loup.
    • Les interviews citées sont © des ouvrages dont elles sont extraites.
    • La photographie de Gerge Bainsbourg et J.Birkin à la sortie de la première est tirée de l'ouvrage de Gilles Verlant "Gainsbourg" (Albin Michel, collection Rock&Folk)
    • Tout ce qui n'est pas mentionné ci-avant est © G.M. Loup.