Le numéro 98 de la revue "Fiction"
contenant le début du roman de José Moselli : « La Fin d'Illa »
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Présentation :
Le Rayon des Classiques
La fin d'Illa
par José Moselli

José Moselli fut l'un des plus féconds romanciers d'aventures pour la jeunesse, durant l'entre-deux guerres. Sous ce nom et sous d'autres pneudonymes (Jacques Mahan, André Fauconnier), il publia dans les journaux « L'Intrépide », « L'Epatant », « Le Petit Illustré », « Le Cri-Cri », d'innombrables et flamboyantes épopées, dont, à défaut d'un recensement complet, nous avons tenté de dresser une liste fragmentaire, que l'on trouvera en page 53.
Outre ces publications enfantines, il collabora également à des revues « sérieuses », «  Science et Vie », « Sciences et Voyages », « L'Almanach Scientifique ». Un certain nombre de ses romans furent repris en fascicules, mais ils ne connurent pas en général les honneurs de l'édition en librairie - ce qui les rend aujourd'hui si difficiles à répertorier. José Moselli est avant tout un conteur d'aventures, de la lignée de Louis Boussenard, moins les préoccupations didactiques. Son oeuvre est presque essentiellement marine avec de vieux cargos rouillés, des yachts, des goélettes perlières du Pacifique.

Son intérêt est souvent faible et réside avant tout dans la peinture des gens de mer, des petits ports ignorés des grandes lignes. C'est que, marin, il avait navigué à bord de ces voiliers et de ces tramps aux pittoresques équipages dont il remplit ses romans, et que, de son aveu, il connut ou rencontra nombre de ses personnages.
Dans « Science et Vie » ou « Sciences et Voyages », il donna des romans et des nouvelles. Ces dernières sont de loin supérieures. Les romans, en effet, sont interminables comme le veut la tradition du feuilleton et, après de foudroyants démarrages, s enlisent dans des péripéties sans nombre. A la base de ces romans et nouvelles « pour adultes », se trouve toujours un thème très plausible : la découverte d'un catalyseur de l'eau, apporté sans doute par un aérolithe, dans « La Montagne des Dieux ». L'idée de l'électricité cérébrale, bien avant son étude par les savants, dans « La volonté d'Alexandre Bullen ». La conservation d'humains en vie ralentie grâce à des chambres frigorifiques. Le détournement du Gulf-Stream dans « Les Conquérants de l'abîme ». Ce court roman est caractéristique de la manière de Moselli. La digue construite le sera au moyen des coraux, acclimatés en eau froide ; la croissance de ces coraux sera accrue à l'aide de projecteurs à infra-rouges, l'énergie nécessaire étant puisée dans l'électricité atmosphérique.
Mais il y a généralement une volonté de ne pas dépasser les limites connues, de ne pas « anticiper », disons, qui confère à ces romans une sorte de grisaille. Même « La guerre des Océans », avec ses êtres humains transformés en amphibies, ne pourrait suffire à les tirer de la masse des romans d'aventures.
Cependant, il existe « La fin d'Illa », qui fait regretter que l'auteur n'est pas eu pius souvent l'audace de s'abandonner à ses dons et à son imagination. Ce roman, publié en 1925 dans « Sciences et Voyages », décrit une civilisation situé dans un incroyable passé. Deux villes s'y disputent l'hégémonie : Nour, immense, et Illa, bien plus petite, mais riche de science. Pour l'instant Illa est en possession d'une arme étonnante : la pierre-zéro. Ce sont des noyaux atomiques qui dans certaines conditions libèrent l'énergie qu'ils renferment. Grâce à elle. Illa peut détruire Nour à son gré. Mais un savant d'Illa s'enfuit à Nour, emportant une partie du secret. Dès lors, c'est la guerre. Les flottes d'Illa sont composées d'obus-volants : disques lenticulaires capables de vitesses étonnantes...
Dès ce moment le lecteur d'aujourd'hui sourit, il a reconnu les soucoupes volantes, la bombe atomique, le thème de la guerre préventive, les savants fugitifs. Et à mesure que le roman se développe, il reconnaît davantage de personnages connus. Ce Rair,le dictateur d'Illa, massacrant les habitants qui fuient leurs abris souterrains envahis par les gaz, accélérant de ses mains la destruction de la cité pour ne pas accepter l'écroulement de son rêve, n' est-il pas une préfiguration d'Adolf Hitler ? Et son maître de la police secrète, avec son goût d'avilir les opposants, de les réduire à la condition d'hommes-singes, avec ses tortures policières, avec les supplices interrompus devant lesquels on fait défiler les foules, n'est-il pas bien mal déguisé sous le nom de Limh, qui pourrait être découpé dans Himmler ?
Que finalement, après la capitulation épouvantée de Nour, le vainqueur soit aussi mal en point que le vaincu, que la civilisation ait sombré et que l'explosion finale des stocks de pierre-zéro efface toute trace humaine, nous avons lu de telles prophéties bien des fois ces dernières années.
Seulement « La fin d'llla » fut publiée vingt ans avant Hiroshima. Et José Moselli eut ce bonheur rare pour un romancier d'anticipation : prévoir non seulement les conquêtes matérielles mais également l'évolution morale et jusqu'aux événements politiques.

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Fac-similé d'une illustration originale de « La fin d'Illa »
parue dans le numéro du 30 avril 1925 de « Sciences et Voyages ».