« Tarendol, c'est moi. »
A soixante-neuf ans, René Barjavel se reconnaît encore dans le jeune héros du film, adapté de son roman, publié en 1946. Un livre qui eut du etre le premier d'une oeuvre qui en comporte 23, si la guerre...
« Je l'avais commencé en 1939. Mais de retour à Paris, je l'ai trouvé tellement mauvais qu'il a rejoint la poubelle. J'ai écrit "Ravages" (sic), "Le Voyageur imprudent" et "Cinéma total", avant de reprendre Tarendol. »
Nous sommes alors au lendemain de la Libération. Impossible, pour René Barjavel, de ne pas intégrer le conflit qui vient de s'achever dans son récit :
« J'ai fait intervenir la guerre, dit-il, non seulement come élément de la vie quotidienne mais aussi comme agent de la fatalité qui va séparer les deux héros. J'ai repris le mécanisme de "Roméo et Juliette" : le messager, dont tout dépend, n'arrivera pas à temps. Dans la pièce de Shakespeare, c'est la peste qui l'empêche : moi, j'ai utilisé la guerre. »
Si l'on fait abstraction de cet élément dramatique - l'auteur n'a pas vécu semblable situation - Tarendol et Barjavel ne font qu'un.
« À son âge, j'étais comme lui. Certes, l'histoire d'amour est inventée mais l'Amour ne l'est pas. Tout écrivain éprouve un jour le besoin de s'exprimer totalement, de se confondre avec un personnage... »
Dans un cimetière
Jean, le héros du roman, a donc pris le nom du petit village provençal, berceau de Barjavel, situé à soixante kilomètres de Pierrelatte. Et la scène qui ouvre la dramatique a été tournée dans le cimetière de Tarendol, où la pierre étouffe le terre.
« Un pays rude, note René Barjavel, qui, de son dernier voyage là-bas, a rapporté un soc de charrue enfoui sous les ruines de la maison familiale. Une région de marnes bleues, recouvertes de vingt centimètres de cailloux. Mes ancêtres en ont tiré, pendant des siècles, de quoi survivre : du sarrazin, quelques pdt, un peu de blé. » Voyage à travers le temps. René Barjavel évoque son adolescence : « J'étais plus romantique que le héros du film, au sens littéraire. Il faut dire qu'une génération était déjà passée entre les paysans et moi. Mes parents étaient commerçants. Je suis né en ville, à Nyons. »
C'est non loin de là que la majeure partie du film a été tournée. En l'absence de l'écrivain, qui estime ne pas devoir intervenir dans le travail du réalisateur. Une attitude dont René Barjavel ne s'est jamais départi, en vingt années de travail cinématographique. Du "Petit monde de Don Camillo" aux "Chemins de Katmandou", il a, en effet, signé nombre de dialogues ou d'adaptations. Mais jamais, avant "Tarendol", il n'avait obtenu que l'un de ses ouvrages soit porté à la télévision. Une première donc que cette dramatique, découpée en quatre émissions et tirée du seul roman "d'amour" de Barjavel, plus enclin à écrire des ouvrages de science-fiction. L'écrivain a loué un magnétoscope pour enregistrer l'événement et en garder témoignage.
Aider à vivre et à rêver
Pourtant, il a déjà les yeux - et le stylo - tournées vers d'autres tâches. Il prépare l'adaptation pour TF1, des "Dames à la Licorne", en collaboration avec Olenka de Veer. Et il s'apprête à publier "La Charrette bleue", un recueil de souvenirs d'enfance, que suivra un ouvrage de science-fiction.
« Je n'ai plus envie d'écrire sur les catastrophes, précise René Barjavel. Je veux aider mes lecteurs à vivre, à rêver. »
Heureuse évolution de celui qui, dans "Le diable l'emporte", évoquait la troisème guerre mondiale - déclenchée quelques semaines après sa déclaration tant l'écheveau de pactes et d'alliances avait été long à démêler - et la quatrième, ou chacun combattait pour lui-même et contre tous les autres.
Confiant en l'Avenir ou désespéré ? « Logique et raisonnement me font incliner vers le pessimisme mais, par tempérament, je ne peux croire au malheur total. Je rejoins ainsi la logique, car l'évolution de l'humanité, avec des aléas, suit une voie montante. Même s'il possède de quoi faire sauter la planète, aucun chef d'état ne veut l'apocalypse et je pense qu'au dernier moment le bon sens triomphera. On évitera le désastre, mais pas la crise de l'énergie... »
Un moindre mal pour Jacques et Florence, les jeunes comédiens de "Tarendol". « Jean et Marie, corrige René Barjavel. Je ne leur connais pas d'autre nom. »
Et de raconter la scène étrange dont il a été témoin, alors que l'équipe fêtait le dernier tour de manivelle : « J'allais pénétrer dans le café quand j'ai aperçu un garçon, tout seul, sur le trottoir. Il pleurait. Il s'était telement confondu avec le personnage que la fin du tournage lui apparaissait come une espèce de mort. »
Michel RADENAC
photos de Michel Croizard : Florence Pernel et René Barjavel (sur le fauteuil à motifs)
Jean et Marie à l'écran, ils se prénomment Jacques et Florence à la ville. Jacques Penot travaille avec Robert Hossein. Florence Pernel (notre photo) songe, après cette première, à faire carrière dans le spectacle. « J'ai toujours rêvé de cela, dit-elle. Je ne me suis jamais privé de mimer mes camarades... » Pour l'heure, elle suit les cours d'une terminale littéraire dans un lycée parisien. Son engagement dans "Tarendol" ? Elle le doit à Louis Grospierre, qui l'a choisie parmi des dizaines de postulantes. Et, comme ses parents, bien que n'appartenant pas au milieu artistique, sont tout à fait d'accord pour qu'elle suive cette voie, elle va maintenant se perfectionner en suivant des cours de chant et de danse. Adolescente d'apparence imide, elle ne cache pas son désir de camper un personnage violent : « Je voudrais être une ingrate, celle que l'on n'aime pas. » Tout le contraire de la petite Marie aux chaussettes blanches de "Tarendol". |
Marie : Florence Pernel L'auteur : Michel Duchaussoy Bazalo : Daniel Gélin Françoise : Nathalie Keryan M.Margherite : Pierre Doris Mme Margherite : Françoise Brion M. Chateau : Michel Vitold Léocadie : Béatrice Audry Jacqueline : Catherine Erhardy Fiston : Martin Provost Tudort : Michel Laroussi André : Claude Verbiese La voisine : Marie-Louise Ebeli |
M. Chalant : Christian Capezzone Mme Chalant : Catherine Cauwet Hito : Eric Randrianatoavina Barbe : Serge Pauthé M.Vibert : Maurice Deschamps Mme Vibert. : Mireille Antoine Charasse : Robert Yacar Bernard : J.C. Bacconnier Camille : Yves Neyrolles Sabret : San Fratello Mme Empot : Jacuqline Pierreux M. Gustave : Fernand Berset Mme Gustave : Andrée Delair |
Avec : Pierre, Gallon, Eric Remy, Paulette Frantz, Aline Bertrand, Marie-Louise Bonfanti, Alain Frérot, Pierre Baron, Roland Amstutz, Jacques Lalande, Monique Morisi, Claude Lesko, Judith Becle et Frédéric Bros. |
Au lieu de laisser la bride sur le cou à ses héros, l'auteur les précède, les talonne, commente leurs faits et gestes. Sa présence nous agace d'autant plus que l'émotion ne demande qu'à naître devant ces enfants qui s'aiment, comme dans la { chanson de Prévert }, rôle qu'interprètent en toute candeur Jacques Penot et Florence Pernel. Pourquoi nous rappeler sans cesse qu'il s'agit de « personnages » inventés par un écrivain ? D'un sujet analogue, René Clément tira jadis les admirables « Jeux Interdits », mais il nous accordait, lui, le droit d'y croire.