- Il est certain que Barjavel s'est au moins partiellement inspiré de la politique du gouvernement de Vichy. A l'époque où le progrès n'était considéré que pour un bienfait, personne n'irait à penser à un retour à la terre, si ce n'est la politique pétainiste.
? anonyme - le 18 / 02 / 2019
(?) [ ? anonyme ]
- J'ai lu Ravage très jeune, avant 15 ans il me semble, avec presque l'ensemble de sa série sur les "mondes étranges" que sont pour moi "La nuit des temps" et "Les chemins de Katmandou". De toute évidence, les thématiques maréchalistes ne m'avaient à l'époque pas interpelé. Je n'avais alors retenu de cette oeuvre que l'opposition entre la société du futur, en pleine débandade morale et intellectuelle, et la société utopique, patriarcale et tellement dure de la fin, avec comme enchaînement entre ces 2 moments extrêmes la dévastation apocalyptique du monde. C'était donc pour moi avant tout un roman prospectif, initiatique, d'aventures et une utopie. En aucun cas un texte engagé pour un "parti du moment".
En relisant ce livre plus de 10 ans plus tard, et maintenant fortement sensibilisé par le travail d'écriture des grands écrivains et l'histoire de France, je n'ai pu m'empêcher et d'abord sans préjugé aucun de remarquer les thématiques racistes, machistes, et pour simplifier dans un tout un peu vague, maréchalistes, de Ravage. Arrivé à la moitié du roman, retournant la 4ème de couverture, je me suis alors aperçu que ce roman était paru pendant l'occupation allemande. Sans creuser d'avantage le texte, car je soupçonne son intertextualité d'être bien plus riche que la seule période du gouvernement de Vichy (l'apocalypse déjà, est de toute évidence biblique), je me suis alors hâtivement convaincu que Barjavel, dont je connais finalement si peu la vie, était un pétainiste convaincu.
Pour autant, malgré la séduction évidente des idées réactionnaires que sont le retour à la terre, le machisme, la force de la volonté et l’impératif de nécessité que sont le réalisme de la violence et la soumission à un chef fort, qui semble s'exercer tout le long du livre sur l'écrivain, j'ai le sentiment qu'il est hâtif de condamner Ravage ou même Barjavel pour un soi-disant "accident de parcours".
L'esprit d'une époque n'explique pas tout et n'excuse absolument pas un esprit brillant comme Barjavel. Pour autant, l'écrivain se doit de retranscrire l'esprit de son époque, de décrire le monde tel qu'il est à son moment, et au mieux d'y prendre sa part de réflexion, de participation et de contradiction. Un silence dans son écriture sur ces idées maréchalistes aurait été tout aussi coupable.
L'écrivain n'est pas non plus responsable des idées et actions de ses protagonistes : Ravage ne révèle qu'une vision du monde de Barjavel, ce n'est pas pour moi un acte de foi signé d'adhésion à Pétain. Le reste de son oeuvre le confirme d'ailleurs, n’est-ce pas ?
Enfin, je note les critiques de Barjavel concernant les médias dans la première partie du roman, qui révèlent une conscience probable de la propagande de son époque. On pourrait sans doute trouver d'autres éléments de textes qui démontrent la distanciation de Barjavel avec les idées nauséabondes de la France d'alors, mais je ne suis pas un exégète de son oeuvre…
Je me permets également de relever un très court passage, tout à fait anecdotique, lors de l'incendie de la rive droite de Paris : le jeune maire du XVème se proclame gouverneur de la France et instaure la loi martiale. Les Parisiens expriment alors leur incrédulité quant à la capacité de cet inconnu à restaurer l'ordre. Ce jeune maire qui rencontre si peu d'adhésion populaire, porte le nom de Piévain. Est-ce que cela ne vous rappelle pas quelque chose ?
Pierre Bordone - le 24 / 08 / 2016
(pierre.bordone<at>yahoo.fr) [ Pierre Bordone ]
- J'ai lu "Ravage" il y a maintenant presque 40 ans. Non, il n'y a rien me semble-t-il qui se rapproche de près ou de loin des thèses vichystes. On y retrouve cependant des thèmes plus classiques de 'sanité', d'équilibre, mais ce sont celles de la philosophie classique. Est-ce parce que Vichy en a repris tout ou partie qu'elles sont mauvaises ? Non, bien sûr.
Gh. RUY, Luxembourg - le 25 / 12 / 2014 [ Gh. RUY, Luxembourg ]
- Bonjour,
J'ai lu Ravagae en 2014, à l'âge de 27 ans.
J'ai été frappée par le racisme et le sexisme de cette oeuvre.
Je ne saurais pas par contre dire si on peut mettre ça sur "le compte d'une époque".
Mon a priori n'est pas très flatteur pour M. Barjavel.
Je trouve un peu facile d'expliquer des théories aussi écœurantes et discriminatoires, sous prétexte que "à l'époque tout le monde subissait la propagande".
Tout le monde n'était pas Pétainiste en 1940.
Et Barjavel, qui dénonce dans Ravage l'influence des média sur le peuple, devait avoir conscience de l'influence de la propagande pendant la 2de Guerre.
Ce pendant, j’imagine que les choses ne sont pas aussi simple que cela. C'est pouroi je compte lire la suite de votre analyse, avfin d'éclairer un peu plus mes idées.
Cependant, je reste persuadée (et rien ne me fera changer d'avis) que toutes les analyses de Ravage devrait inviter le lecteur à prendre du recule sur ce qui est décrit au sujet des femmes et des noirs. La façon dont ces deux thèmes sont abordés dans le roman me semble malheureusement beaucoup plus critique que la réflexion (néanmoins intéressante et prémonitoire) du progrès.Elie B - le 10 / 12 / 2014 [ Elie B ]
- Tout simplement, je dirais qu'il faut apprécier les qualités esthétiques de l’œuvre et écarter tout jugement moral, comme on tente de le faire pour Céline, par exemple (l'homme odieux, l’écrivain de génie ) . De ce point de vue-là, je rejoins le commentaire ci-dessus qui suggère de relire le roman à la lumière d'une interprétation autre: et si Barjavel en offrant cette vision réactionnaire et manichéenne était ironique, dans la lignée -permettez un parallèle aussi valorisant -d'un Voltaire ou d'un Montesquieu? Ne peut-on déceler une ambiguïté ou un paradoxe, un message implicite que l'auteur a cherché à délivrer ? Le champ de l'interprétation demeure libre, la question irrésolue certes mais il est bon je crois de rappeler qu'une œuvre doit être lue pour ses qualités intrinsèques et non à travers le prisme de jugements de valeur (écartons le politique et retenons le sens philosophique : par exemple, rien ne prouve que l'auteur approuve le régime de la polygamie, son personnage en est peut-être au contraire la grotesque incarnation). En un mot, relisons l’œuvre sans nous focaliser sur le seul aspect de l'influence de Vichy dans Ravage, aspect bien réducteur à mon sens.
Rina D, Dakar, SénégalRina Derwiche - le 20 / 06 / 2013
(Rinad099<at>gmail.com) [ Rina Derwiche ]
Ma réponse : Il fallait que ce soit dit ; merci.
- Je me suis laissée prendre par l'oeuvre et je l'ai lue rapidement, même si certaines réactions des personnages m'ont chatouillée : la loi du plus fort,dans le Paris en proie à la panique, la mise à mort du garde qui s'endort pendant son tour de garde... Mais le dernier chapitre m'a franchement laissée perplexe et c'est lui qui m'a amenée à consulter votre site car, au vu de la date d'écriture, je me suis posée la question des liens de l'auteur avec Vichy. La conduite du peuple sous les ordres du grand chef qui est également un chef religieux, dont on ne peut remettre l'autorité en cause me choque lorsqu'il est présenté comme un monde parfait. Sans m'appesantir sur les nombreuses remarques sur les "nègres"...que j'ai au début attribué à une époque colonialiste.
C. Carriere - le 09 / 04 / 2013
(ceccarriere<at>orange.fr) [ C. Carriere ]
- Selon moi Ravage comporte les principaux thèmes de l'idéologie de la Révolution Nationale voulue par Vichy :
- la méfiance, voire la défiance envers la modernité
- la critique des institutions républicaines et des bureaucrates (le passage en revue des différents ministères) et le culte de l'autorité
- le régionalisme : c'est de Paris que se propage la destruction par l'incendie, et de la Provence que vient le renouveau de l'humanité
- la natalisme : la polygamie est imposée par François dans le but de féconder le maximum de femmes
- la promotion du monde rural et paysan.
morgan06 - le 26 / 11 / 2009 [ morgan06 ]
- La propagande pétainiste m'a beaucoup gêné dans ce livre. Je n'ai vu dans la dernière partie aucune trace de ce style si particulier et indéfinissable que prend Barjavel quand il se moque de quelque chose. Cette société est réellement considérée comme parfaite, alors que la société moderne est totalement dénigrée (mais avec le délicieux style de Barjavel). Pour moi, l'aspect maréchaliste est indéniable et certainement voulu par l'auteur.
Augustin V. - le 15 / 02 / 2009 [ Augustin V. ]
- A mon avis la seconde partie peut difficilement ne pas être influencée par le régime de vichy. Les valeurs prônées par le régime y sont poussées à l'extrême. Retour à la terre, à la famille.
C'est justement le fait qu'elles soient poussées à l'extrême qui peut interpeller, puisque cela peut finir par faire penser à de l'ironie. En effet, Barjavel, écrivain, prônant la disparition de l'écriture pour le bien de la communauté, ou la polygamie... cela interpelle. En faisant preuve de sens critique, ni la cité technologique de Paris dans le futur, ni l'utopie rurale ne sont réellement des utopies, mais mettent simplement à la portée du lecteur les conséquences des excès des civilisations humaines.
Même s'il peut paraitre réactionnaire, je pense Barjavel un peu plus perspicace que ça. Ne serait-ce que dans certaine phrases, comme celle qui dit que la femme moustachue se rase lorsque vient son jour de la semaine.
Le sourire est un bon indice du sérieux ou non du contenu. Mon avis est donc que l'influence du régime de Vichy est présente, mais que les valeurs du régime sont plus critiquées que mises en valeur. Ou du moins, dans certains cas, gentiment moquées.
Ceux qui n'y voient qu'un roman sous influence traduisant d'un écrivain réactionnaire, devraient le relire et faire plus attention aux indices de l'ironie de "l'utopie rurale" finale.A.A. - le 18 / 07 / 2008 [ A.A. ]
Ma réponse : Je suis bien d'accord, et ces remarques sont finement analysées.
- Il est indéniable que le livre est baigné par les évènements de l'époque. Ceci étant dit, est ce à dire qu'il reprenait à son compte les théories pétainiste, je ne pense pas. Ce qui importe pour l'auteur c'est la vision de l'homme et la remise en cause du progrès. Un passage de Ravage montre justement la bêtise des politiques : qu'ils soient de gauche de droite ou pro militaires, tous sont ridicules car dépassés par les évènements. L'analyse faite de l'œuvre est intéressante, mais je ne suis pas certain que Barjavel en ait eu pleinement conscience. Je le mettrai plus sur le compte de l'inconscient collectif qui était mis sous forte influence à l'époque.
Dom - le 15 / 01 / 2008
(mor<at>caramail.com) [ Dom ]
- Je persiste à ne pas comprendre, malgré la lecture de l'analyse sur ce site, l'encensement dont ce livre semble faire l'objet : Ravage est à mon avis un mauvais roman de mauvaise science-fiction, dont la langue et le style ne m'ont pas particulièrement touché. Barjavel n'est ici ni Asimov, ni Zola, ni Eluard.
Mais surtout, oui, ce roman me paraît nauséabond, dans sa représentation de la femme, de la violence, du rôle du chef, etc...
C'est d'ailleurs là le seul intérêt que je lui trouve. Cela suffit-il à le proposer en lecture aux adolescents ? Je ne le pense pas.
Raoul De Kezel - le 29 / 12 / 2007
(hasta_l3<at>hotmail.com) [ Raoul De Kezel ]
- Il est vrai que Ravage a une fin très ambigue, mais je pense qu'elle vient de la jeunnesse de l'auteur et qu'il a foncé dans les influences de l'époque sans l'esprit d'analyse qui le caractérise par la suite. La preuve est qu'aucun de ses romans par la suite n'est aussi extremiste. Mais cette fin n'enlève rien a la force du principal message du roman : les conséquences du progrès, et que la "Science" n'est qu'une science incertaine et superficielle. Dans Ravage on sent la rage et la jeunesse de l'auteur, et la fin en rajoute dans cette rage et va dans la logique du roman où tout est porté a l'extrême.
Ravage reste un roman magnifique. L'histoire est superbe : brute, crue, rageuse, extrême. L'auteur commence sa carrière avec force et crée la polémique due a cette fin.Hugo (85) - le 19 / 02 / 2007 [ Hugo (85) ]
- Non car je pense que l'auteur a eu sa propre opinion et il nous la fait justement ressentir.
boubou - le 12 / 10 / 2006 [ boubou ]
- J'irai plus loin en disant que le livre est pétri d'influences nazies. Par exemple, la description de l'Empereur Noir : "C'était un Noir de race pure, aux lèvres énormes, au nez plat. Mais ses yeux brillaient d'une intelligence exceptionnelle." Le "MAIS" est vraiment déplacé !
La dureté implacable et assassine du héros qui tue un des gardes pour ne pas avoir signalé l'avancée du feu, sans autre forme de procès, qui pend tout un chacun pour des raisons obscures...etc.
Fat Raf - le 20 / 05 / 2005
(poulton.raphael<at>hp.com) [ Fat Raf ]
- Ravage est un roman qui fait clairement partie de la mouvance de ces écrivains qui critiquaient la marche du siècle et qui craignaient l'arrivée en Europe de l'"American Way Of Life". Que ce soit Barjavel, G. Duhamel ou L.-F. Céline, ils sont pacifistes, prône le retour à la terre et à un mode de vie plus sain. Ravage est roman bien rédigé et non dénué d'intérêt, mais il est incontestablement sous l'influence de Vichy et est profondément réactionnaire.
franck - le 11 / 04 / 2005
(le.chat.vert<at>caramail.com) [ franck ]
- Des passages m'ont paru dérangeants et troublants bien que cette lecture fut passionnante. Outre les trois positions politiques que vous mentionnez, c'est le thème du patriarche, père d'un peuple égaré et remettant ses brebis dans le droit chemin, qui m'a fait le plus pensé au maréchal. Néanmoins,il ne faudrait pas idéaliser les intellectuels de l'époque en s'imaginant qu'ils aient tous eu des conceptions claires et lucides sur la situation de l'époque. Il me semble en effet qu'il peut s'agir de courants de pensée qui nous paraissent aujourd'hui datés. On peut trouver par exemple chez un écrivain communiste comme Vailland des considérations sur l'hérédité et la race assez surprenantes, remontant à Gobineau.
Marc - le 09 / 09 / 2004 [ Marc ]
- J'ai trouvé ce romant fade violent et dépourvu d'interret . Il ne reprent que des idées d'autres auteurs et n'a pas de style personnel
guillaume thenaisie evry (91) - le 08 / 01 / 2004 [ guillaume thenaisie evry (91) ]
- oui c'est clair
joe - le 08 / 11 / 2003 [ joe ]
- On oublie aujourd'hui ce qu'il y avait de nefaste dans de telles visions anti-scientifiques et pronatalistes. L'ideologie naziste, c'est ca - planter vos choux et faire des enfants au nom du patriarche. La fin du livre est horrifiant, au point ou je me suis demande, a premiere lecture, si Barjavel ne voulait pas montrer l'element totalitaire d'une politique du retour a la terre - mais l'ayand relu, et ayant fait quelques recherches sur sa personne, je crois qu'il etait sincere ... ca donne la trouille.
Louisa - le 07 / 10 / 2003 [ Louisa ]
- La bêtise humaine, grand sujet qu'aborde Barjavel dans plusieurs de ses ouvrages tels "La nuit des temps", ou encore "Le grand secret", est aussi un des thèmes moteurs de ce récit. Après avoir dénoncé les erreurs que firent les hommes (héritiers de notre civilistaion actuelle), expliqué leur déchéance, mené l'exode des survivants vers la Provence véritable terre promise du héros, l'auteur bâtit une nouvelle société construite sur des valeurs absurdes, voire totalitaires. Plutôt que d'apporter une réponse aux questions que soulève ce récit, la dernière partie produit l'effet d'un grand coup de blizzard en plein été. La réflexion est stoppée net devant ces valeurs qui me semblent totalement absurdes voire illogiques. Comment expliquer ce brusque changement (que j'ai pris au début comme un passage humoristique) ? Tout porte à croire que l'auteur à été influencé par les idées de Vichy. On retrouve des allusions à cette vieille devise : Travail Famille Patrie.
Le travail de la terre est valorisé, la polygamie est instaurée afin de "fertiliser plus de femmes" dixit l'auteur, et la reconnaissance totale du patriarche est quasi imposée.
Je pense donc qu'une partie de l'idéologie de Ravage (retour aux Sources, prôner le travail physique) est inspirée de l'idéologie Pétainiste. De nombreuses allusions sont faites à la seconde guerre mondiale comme la fuite de Paris et la présence du dictateur noir (représentant Hitler).
C'est effectivement dommage qu'un idéal politique qui semble obsolète vis à vis du contexte de Ravage soit tant mis en valeur.
C'est là le premier roman de Barjavel.
Celui-ci reste néanmoins un excellent auteur (bien qu'un peu utopiste parfois). Son chef-d'oeuvre étant selon moi "La Nuit des Temps".Nans (15 ans) - le 19 / 05 / 2003
(Urban_knight7<at>hotmail.com) [ Nans (15 ans) ]
- En effet,je pense que cela a beaucoup influencé barjavel ainsi quand il parle des noirs dit "negre" ce qui n'apporte rien à ce récit très intéressant.
Ainsi que l'election du futur patriarche "blond beau fort....".
C'est pour cela que ce livre me semble être sous l'influence de Vichy.adrien - le 13 / 04 / 2003
(tyty987<at>aol.com) [ adrien ]