ESPLUMÉOR
Commentaires d'Emma Jung dans "La Légende du Graal"

La retraite de Merlin, à la fin du récit [...] traduit peut-être le problème non résolu de l'opposition entre esprit et matière.
Dans [...] les légendes bretonnes, il se laisse ensorceler par la fée Viviane qui le tient prisonnier par sa magie d'amour, de sorte qu'il n'est plus en mesure de réintégrer le monde des hommes. Cet enchantement prend la forme d'un enserrement ou entombement dans une tour ou une tombe creusé dans un rocher. [...] Plus tard, le mot espluméor, qui désignait sa demeure ou son tombeau, disparut, et l'on ne parla plus que de la pierre de Merlin.
Il se bâtit une demeure cachée dans la forêt non loin de la maison de Perceval : « Là je vivrai et je prophétiserai ce que le Seigneur m'inspirera et tout ceux qui verront mon habitation la nommeront "l'espluméor de Merlin" »
Le sens du mot espluméor, un hapax legomenon, est incertain. Peut-être se rapporte-t-il à la demeure du magicien ou bien au lieu où il abandonna son apparence antérieure. Selon un autre point de vue, il désignerait celui qui se sert d'une plume.Jessie Weston pense qu'il s'agit d'une sorte de cage à oiseaux dans laquelle les faucons passaient la saisons des mues ; si elle n'est attestée nulle part, cette hypothèse n'est cependant pas à écarter car l'espluméor désignerait alors le lieu où Merlin est en mue, c'est à dire où il subit une transformation. Helen Adolf a découvert d'autres parallèles - peut-être l'origine même de l'espluméor - dans la littérature cabalistique, à savoir le motif du nid d'oiseau construit dans le jardin d'Eden, dans lequel le Messie doit faire retraite pendant le Jugement Dernier. L'âme du Messie est ainsi comparée à une hirondelle dans son nid.