Les feuilles du marronnier et les fleurs du géranium échangent leur dialogue final.
Au cœur de l'arbre, le nid des pigeons est vide.
Le moment est arrivé où il va falloir rentrer les plantes et clore la fenêtre.
L'arbre va se refermer sur lui-même et dormir, rêver peut-être...
 

Mes chers Amis,

Cette année, l'été a tout juste eu le temps de s'achever avant l'entrée dans un automne qui fait deviner l'hiver... Celui-ci ne va pas tarder à pointer le bout de son nez, traînant avec lui, par wagons entiers, des jours de pluie et de froid.
Ces moments-là incitent, irrésistiblement, à la nostalgie, celle du printemps, des après-midis d'été au soleil, et font naître en nous le besoin de lumière, d'un sourire qui illuminerait notre journée, ou d'une fleur, réelle ou illustrée, ou photographiée, qui nous fasse espérer bien vite le prochain printemps !
C'est ma manière de vous présenter, ou re-présenter, car on ne se lasse jamais des bons moments, l'album « Les Fleurs, l'Amour, la Vie » où se mêlent des photographies et des textes d'une grande poésie de René Barjavel. Je ne peux que vous conseiller de partir à la recherche de cet ouvrage, hélas non ré-édité, en suivant mes conseils aux bibliophiles barjavéliens , car il n'est pas encore introuvable...

“FAV”, comme le nomment les passionnés de l'auteur, vous fera découvrir un Barjavel poète au service de ses propres photographies - l'une de ses passions. Le barjaweb le présente depuis plusieurs années sur la page et vous pourrez aussi y lire le prière d'insérer que j'ai eu l'occasion de découvrir dans un exemplaire du service de presse.

Parce que l'hiver va arriver et que l'on a besoin plus que tout de chaleur et de réconfort, j'ai choisi une photographie accompagnée de son texte qui, je l'espère, ne manquera pas de faire de votre journée, une journée de printemps en novembre !

Le marronnier est mon ami. Il appartient à un jardin qui ne m'appartient pas. Je ne descends pas m'asseoir à son pied, m'adosser à son écorce. Mais, à ma fenêtre, j'ai son visage en face du mien. Je suis certain qu'il me regarde comme je le regarde. Ses feuilles sont des mains ouvertes, pleines de paix.
Quand la fatigue, les soucis répétés, tentent Je me décourager, je viens vers lui et, debout, face à lui, dans l'espace de la fenêtre, je rejoins son calme et son silence vert. Il m'enseigne qu'il faut continuer, sans arrêt, de faire effort pour se hisser vers un peu plus de lumière, chaque jour et à chaque heure, même si on a l'impression qu'on ne parviendra jamais à grandir.
Je le vois vert l'été, roux en automne, gris l'hiver. Comment me voit-il ? Bleu dans les moments de tranquillité ? rouge au travail ? noir d'angoisse ? jaune d'espoir ? transparent comme une crevette ?
Le printemps dernier a été froid. Le marronnier a retenu longtemps ses feuilles qui, au lieu de s'épanouir et d'étirer leur surface, restaient serrées autour de leur pétiole comme des mains jointes. Le cœur de l'arbre est resté, ainsi, visible pendant des semaines, ce qui m'a permis d'assister à l'emménagement d'un couple de pigeons qui avait décidé d'installer là son domicile.
Un pigeon mâle fait obstinément la cour à toutes les femelles qu'il rencontre. Et toutes les femelles le fuient. Elles le trouvent ridicule avec ses ronds de jambe, ses gonflements de cou et ses plongeons de tête. Et son discours de cinq syllabes, sempiternellement répété, leur casse les pieds. Dès qu'il s'approche d'une, elle s'en va à petits pas pressés. Il en cherche une autre, elle s'envole. Il la rejoint, ou en cherche une troisième. Finalement, il rencontre celle qui trouve un charme fou à tout ce qui faisait hausser les épaules des autres. Alors le couple se forme, et ils construisent leur maison.
À la fourche de trois branches, sur un espace exigu, ils ont apporté des brindilles de vingt centimètres avec lesquelles ils ont édifîé une plate-forme biscornue. La pigeonne s'y est accroupie aussitôt pour pondre. Le vaillant pigeon a continué d'apporter des brindilles. Ne sachant qu'en faire, il marchait sur la pigeonne, sur son dos, sur sa tête, pointant à gauche, à droite, son bec qui tenait par le milieu la poutre inutile pour la maison déjà achevée.
Un peu de tiédeur est arrivée, les feuilles du marronnier se sont ouvertes et ont grandi très vite, dissimulant la suite de l'histoire. Les pigeons étaient chez eux, rideaux tirés. J'ai accroché à notre fenêtre commune des pétunias et des géraniums.

J'évoquais plus haut la nostalgie des bons moments, et je vais exceptionnellement faire appel à celle du "bon vieux temps" qui renait parfois, heureusement rajeuni, sous l'impulsions d'initiatives sympathiques.
Ceux qui ont connu un cerain "âge d'or" de la science-fiction française des années 1950-70 se souviennent sans doute d'une quasi-institution de l'époque, la revue « Fiction » créée en 1953 par les éditions Opta. Barjavel y a collaboré un certain temps et quatre de ses textes y ont été publiés. On y trouva aussi les signatures d'auteurs et critiques dont certains allaient devenir des grands noms de la S.-F. francophone, tels Jean-Pierre Andrevon, Jacques Goimard... En 1990 la revue s'est éteinte à son 412ème numéro, après quelques transformations qui n'avaient pas réussi à lui redonner assez de souffle. Elle nourrit à présent les rayonnages de certains bouquinistes et "librairies d'anciens", et s'est aussi "institutionnalisée" avec des études les plus sérieuses (voir en particulier un "catalogue" complet sur le site http://markus.leicht.free.fr/sf/fiction1a.htm) car certains de ses rédacteurs sont devenus célèbres, et leurs écrits d'alors constituent des références parfois introuvables ailleurs.

Il y a quelques mois, j'ai eu la surprise de voir renaître la revue Fiction sous une nouvelle forme, reprise par les éditions Les moutons électriques qui sont restée fidèles au design original, typographies, formules et structure. J'y ai aussi retrouvé quelques signatures s'y retrouvent, avec des textes bien actuels, ce qui montre bien que la S.-F. est une des littératures des plus vivantes, puisque

... elle est, je ne dirais pas un nouveau genre littéraire, mais une nouvelle littérature. Je n'appelle pas la science-fiction un genre littéraire parce qu'elle comprend tous les genres. Elle a commencé par l'épopée, comme toutes les littératures : les grands chefs-d'œuvre américains, ceux de la science-fiction, sont des épopées, formidables, et ensuite, après l'épopée vient le temps du lyrisme, puis le temps du roman, alors il y a la science-fiction lyrique, la science-fiction satirique, la science-fiction politique, et cœtera, tous les genres sont représentés dans la science-fiction. Et également le bon et le mauvais, comme dans toutes les littératures.

comme le disait Barjavel, ici dans sa Radioscopie chez Jacques Chancel en 1981, ainsi que dans nombreux articles et interviews(*), dès le début des années soixante.
Beaucoup plus récemment, le colloque international de S.-F. de Nice de 2005, qui rapprochait enfin les mondes de la science-fiction et de l'Université, n'a-t-il pas vu l'auteur Valerio Evangelisti(**) diagnostiquer :

La SF remplit une fonction critique essentielle et sa "mort" éditoriale serait une "catastrophe", réduisant la capacité des sociétés à s'analyser lucidement sur le plan politique. La SF est la seule littérature qui prenne pour sujet, et non pour simple décor, l'évolution des sociétés et les grandes crises qu'elles doivent traverser. Intelligente, provocatrice, critique, analytique, la SF est la littérature qui transforme en rêves et en cauchemars, le progrès technologique et les mutations sociales.

Je vous invite, si ce n'est pas déjà fait, à découvrir la nouvelle revue Fiction, qui a aussi repris de son aïeule la formule de numéros spéciaux, comme celui qui avait vu en 1960 pa parution de la toute première version de ce qui allait devenir Colomb de la lune. Cet automne a vu paraître une anthologie (dirigée par André-François Ruaud) regroupant des textes sur le thème “Les Anges”, dans laquelle j'ai eu le plaisir de trouver la présence de quelques amis, dont Jean-Pierre Andrevon, Jean-Jacques Girardot et un joli texte imprégné de sciences cognitives de Fabrice Méreste(***), Des Ailes dans la tête.
Plus qu'un simple microcosme qu'elle donne parfois, il est vrai, l'impression de constituer, la S.-F. contemporaine et rajeunie n'aurait pas manqué de réjouir Barjavel qui, vers la fin de sa vie en particulier, évoquait ses espoirs en la jeunesse.

Juste hommage en retour, la convention internationale de science-fiction de 2008 est dès à présent prévue fin août, à Nyons. Ce n'est pas une coïncidence, et nous reparlerons bientôt de cette initiative que l'on doit à l'un des jeunes auteurs de S.-F., Ugo Bellagamba, dont l'amitié avec le barjaweb a déjà eu l'occasion de nous offrir de sympathiques contributions(****).
Alors, en cette fin d'année qui approche, portons nos encouragements aux organisateurs qui ont presque deux ans pour parvenir à associer cette manifestation de grande ampleur avec le charme jusqu'à présent presque intime des nyonsaises Journées Barjavel.

Je vous souhaite une très bonne fin d'année, et je vous retrouverai en janvier 2007 pour démarrer la nouvelle année avec quelques nouveautés du site que je suis en train de concocter...

Pary sur Arche, le 26 novembre 2006

G.M. Loup.

Notes :
*Voir la section du barjaweb consacrée aux Articles et interviews : .
**Voir [http://www.unice.fr/SF/ ].
***Fabrice Méreste - sous un autre nom, à moins que ce ne soit aussi un pseudonyme - enseigne cette discpline quasi science-fictionnesque dans les brumes de l'Université de Saint Étienne [ http://www.mereste.net/ ]
****Ugo Bellagamba avait, sous le pseudonyme de Michael Rheyss, écrit la nouvelle Le Tigre de la Lune, hommage au Barjavel du Journal d'un homme simple. G.M.Loup l'avait interviewé à cette occasion (voir la page http://barjaweb.free.fr/SITE/ecrits/JDHS/index.html). Sous son "vrai" nom, on se souvient aussi de sa présence à la Journée Barjavel 2002 aux côtés de mon collaborateur P. Creveuil et de Jean Barjavel (voir http://journees.barjavel.free.fr/2002/jean). Voir aussi son site d'auteur : [ http://www.ugobellagamba.com ]