René Barjavel

Bibliographie des œuvres non publiées


Il peut sembler paradoxal de prétendre établir une telle bibliographie dont le titre même relève plutôt de l'alliance de mots (aujourd'hui on dit plutôt oxymoron), mais le propos est plus prosaïquement de se pencher sur les titres qui apparaissent dans les toutes premières pages des éditions datant de l'époque des débuts de l'auteur, et qui annoncent comme "À paraître" ou "En préparation" des titres... qui n'existent pas.
À ceux-ci s'ajoutent ceux de projets plus avancés que l'auteur évoque lui-même au détour d'un article, d'une interview ou de la parution d'un extrait. Pour finir, et afin de clarifier le propos, j'ai aussi estimé intéressant de mentionner quelques titres parfois attribués à l'auteur, ou bien libellés incorrectement.
Dans une telle entreprise, il est bien évident que ce qui fait foi sont les sources d'information. Elles sont donc présentées en facsimile des pages des éditions sur lesquelles apparaissent ces titres, et c'est par ordre chronologique de ces mentions que leur présentation est structurée.


Œuvres évoquées

1939 : L'apprenti

Projet de roman dont un extrait fut publié dans le numéro 6 de la revue littéraire trimestrielle "La Nouvelle Saison" en avril 1939. Cette revue fut fondée en janvier 1938 par un groupe d'écrivains qui en ont constitué le Conseil de Rédaction : René Barjavel, Jean-Louis Barrault, Jean de Beer (Secrétaire de Rédaction), Rainer Biemel, André Franck (Secrétaire Général), Henry Houssaye (administrateur de la revue), Sylvain Itkine, Claude Schnerb et Claude Vermorel. Ses bureaux étaient domiciliés 4 square Gabriel Fauré, Paris 16ème. Elle cessa de paraître à la déclaration de la guerre et n'eut donc que dix numéros.
Le passage cité, intitulé « De l'autre côté du toit », est ce qui deviendrait la scène d'escalade du toit du collège dans Tarendol. Il est donc hautement probable que L'Apprenti se soit transformé après la guerre en Tarendol, avec on s'en doute les adaptations et complications de l'intrigue apportées par les événements de la guerre. Nul doute aussi sur le caractère autobiographique de l'aventure relatée, que l'auteur laisse d'ailleurs entendre dans quelques interviews.
On reconnait dans l'extrait "Milon, petite ville de Provence", ainsi que des personnages bien identifiables : Jean Tarendol et son ami Fiston, les jumeaux Besson-rouge et Besson-bleu, Hito, et le principal du collège, qui s'appelle alors Mr Péniche, "un vieillard à barbe pointue" (aurait-il des grands pieds ?), mais semblant bien antipathique aux jeunes élèves.
lire l'extrait }.

 

1939 (?) : François le Fayot

Mentionné comme "en préparation" au début du tout premier livre de Barjavel "Colette à la recherche de l'amour", ce premier roman fut écrit dans les années 30 au retour du service militaire, comme l'auteur lui-même le confie dans une interview à Jérôme Le Thor rapportée dans l'édition Le Tallandier de La Charrette Bleue  (1982) :

Ce livre était inspiré par les souvenirs de mon service militaire. J'étais violemment anti-militariste. Aujourd'hui, le garçon que j'étais collaborerait à Libération. J'avais été dans l'infanterie à Chaumont. La discipline imbécile de l'époque, la sottise idiote des sous-officiers, tous vérolés, idiots... (Ici, pour la seule fois au cours de notre entretien, René Barjavel s'anime, il rugit presque.) Sentir que ces gens-là avaient sur moi un droit de vie et de mort... Pour la moindre bêtise, c'était le tribunal militaire, les bat'-d'af... J'en avais ressenti une telle rancune que j'avais écrit François le fayot. Le "fayot", vous le savez, était celui qui avait rempilé : un épouvantable personnage, une brute, un bon à rien...

Et, au retour de la guerre :

Quand je suis revenu, j'ai retrouvé un manuscrit dans un tiroir, je l'ai relu. C'était abominablement mauvais. Je l'ai jeté, mais une graine en est restée, celle de l'histoire d'amour qu'il contenait. C'est devenu plus tard Tarendol.

Il y a dont tout lieu de croire que François le Fayot et L'Apprenti ont une source d'inspiration commune dans la jeunesse de l'auteur lui-même.



Œuvres annoncées

Dans la première édition
de Ravage (1943)
Dans la première édition de
Le Voyageur Imprudent (1944)
Dans Cinéma Total (1944)
L'Arche enterrée

Dès 1943, ce titre est indiqué comme celui d'un "Roman extraordinaire en préparation" en avant-titre de la première édition de Ravage. Le thème des villes souterraines abris de survie (au sens biblique du mot "Arche") a inspiré l'auteur, et le concept lui-même est mentionné dans Cinéma Total. Le sujet sera récurrent tout au long de ses créations dans le domaine de la science-fiction, mais on peut sans hésiter considérer que cette œuvre s'est concrétisée en tant que Le Diable l'emporte, où il est explicitement question d'une Arche, et qu'elle s'y trouve bien enterrée...
Bien sûr, on retrouvera le même concept par la suite dans La Nuit des temps, Madame Jonas dans la baleine et Une Rose au paradis, et, sous une forme un peu différente, dans Le Grand Secret.

Fortissimus

Roman extraordinaire (ou nouvelle) mentionné comme "à paraître" dans la première édition de Ravage (1943). Selon toute vraisemblance (Fortissimus="très fort" en latin), ce texte est devenu la nouvelle L'Homme Fort parue dans le recueil Les Enfants de l'ombre en 1946.

Bonnot bandit

Ce titre est annoncé dans la première édition des Enfants de l'ombre (Le Portulan), à côté de Le Diable l'emporte qui a bien été publié peu après. Titre mystérieux, qui fait penser à une intention qu'aurait eu l'auteur de raconter de façon romancée les hauts faits de La bande à Bonnot [ voir une présentation : http://grands.criminels.free.fr/bonnot.html ] ? Un genre de récit curieusement assez éloigné de ceux de Barjavel, qui n'abordera le roman policier qu'à la fin de sa vie avec La Peau de César.

Annonce de la parution de Bonnot bandit dans Les Enfants de l'ombre


Œuvres énigmatiques

Depuis l'existence du barjaweb, j'ai reçu quelques messages de visiteurs faisant allusion à des titres d'œuvres qui, malgré des recherches approfondies, me sont restés complètement inconnus. Si quelque visiteur se trouve mieux documenté, ou dispose de quelques renseignements supplémentaires, même embryonnaires, qu'il n'hésite pas à me contacter !

Chat Bleu

Titre qui me fut soumis par Alixe 0., Québécoise, par le message suivant le 3 mars 2000 :

Bonjour,
Je suis à la recherche d'un texte de Barjavel dans lequel il parle d'un chat bleu.
Cela vous dit-il quelque chose ? Si oui, ça me ferait vraiment grand plaisir que vous me fassiez un petit mot rapide là-dessus.

Après communication de l'insuccès de mes recherches, et suggestion, certes un peu simpliste, qu'il pourrait s'agir de La Charrette Bleue, elle m'apporta les précisions suivantes :

A propos de ce chat bleu, décidemment le mystère reste pour l'instant entier. Je vais tout de même vous expliquer la raison de ma recherche.
J'ai un ami à Vichy qui a acheté une sculpture qui s'appelle "le chat bleu" et qui a été réalisée par un sculpteur qui dit avoir été un ami de Barjavel.
Il aurait réalisé cette sculpture d'après un texte de Barjavel portant ce titre de "chat bleu" ou comprenant un "chat bleu" dans son histoire. Depuis, on cherche...
J'essayerai d'obtenir plus de renseignements à ce sujet et si j'y parviens je vous en ferai part.

Si l'existence d'un sculpteur vichyssois ayant été ami de Barjavel est parfaitement plausible, le manque d'éléments complémentaires (Alixe O. ne m'ayant pas recontacté par la suite) laisse le mystère entier...
 

Les Nuages du dimanche

Ce titre m'a été indiqué par un visiteur du barjaweb, Marc Madouraud, par ailleurs érudit en matière de science-fiction puisqu'il collabore à plusieurs publications. Il s'agit d'un titre annoncé dans les premiers volumes de la « Collection Edgar Poe », publiée dans les années 1945-46 par l'éditeur liégois André Maréchal (le célèbre "Le Pays sans étoiles" de Pierre Véry en fit notamment partie). La courte durée de vie de cette collection laissa en suspens plusieurs titres annoncés, parmi lesquels quatre traductions dont curieusement les titres originaux ne semblent pas avoir existé. Y-aurait-il lieu de croire à un "canular" de l'éditeur ? Un cinquième titre était prévu : "Les Nuages du dimanche" de René Barjavel.

M.Madouraud, de qui je tiens ces informations, m'a indiqué en avoir débattu avec le critique de romans policiers et de science-fiction réputé Jacques Baudou (auteur entre autres du "Que-Sais-Je" sur la S.-F.), sans parvenir à quitter le champ des conjectures...
Là encore, toute information complémentaire sur ce sujet serait la bienvenue
 

Les Sept morts de Robert Denoël

Ce livre a vraiment été écrit par Barjavel quelques temps après l'assassinat de l'éditeur qui était son ami. Sous forme romancée, il passait en revue les différentes versions de ce crime non élucidé, alors que la police avait conclus au crime crapuleux, ce qui n'était pas complètement convaincant. Le texte ne fut jamais publié, et nul ne sait ce qu'il est advenu du manuscrit... (Barjavel évoque ce titre dans des entretiens particuliers, dont celui rapporté par Jacques Assouline dans son étude "Gaston Gallimard. Un demi-siècle d'édition française" (1984)).


 


Œuvre abandonnée

C'est ici la place d'évoquer un roman que Barjavel avait commencé d'écrire, et qu'il ne put faire autrement que de l'abandonner avant même de lui trouver un titre car le poursuivre l'aurait mis dans une situation "épouvantable"... Il raconte les tenants et aboutissants de cette aventure dans une interview accordée initialement au fanzine Antarès, puis publiée en 1986 par Avallon (lire cette interview).
 


Erreurs, confusions et fausses attributions


 
Ravages

On trouve parfois certaines bibliographies ou articles au sujet de l'auteur mettant le mot au pluriel. Toutes les éditions du roman portent le titre au singulier. Il s'agit donc d'une erreur, ou d'une confusion avec un roman (publié en 1955) intitulé en effet Ravages, de Violette Leduc.


 
Journal d'un homme pressé

J'ai trouvé, dans le catalogue d'un libraire d'éditions anciennes, une mention de ce titre attribué à Barjavel. Il s'agit d'une erreur de copie sans doute effectuée à la hâte, car les caractéristiques de l'édition qui y était présentée étant correctes (Ed. Frédéric Chambriand, 1951), aucune ambiguïté n'est possible.
Néanmoins, errare humanum est, sed perseverare diabolicum est... J'ai toutefois constaté que ce titre présent dans ce catalogue depuis plus d'un an ne s'est jamais vendu...

À noter que "Journal d'un homme occupé" est le titre d'un livre, paru en 1955, de Robert Brasillach, écrivain collaborationniste qui fut aussi le rédacteur en chef de Je Suis Partout, fusillé après la Libération. "Occupé" est à comprendre dans le sens historique d'alors, car l'auteur y raconte sa vision des années d'occupation de la France, et de lui-même, par l'armée allemande.