Les CHANSONS de René BARJAVEL

Cette activité de Barjavel est peu connue, et G.M.Loup est fier d'être en mesure d'apporter des indications concrètes et précises sur ce sujet : René Barjavel a écrit des chansons.

Après une recherche passionnante, sur la base de premières informations dont l'origine est d'ailleurs maintenant un peu floue (je citerai simplement une petite biographie sur le revers de jaquette d'une édition du recueil Le Prince blessé), j'ai pu retouver les détails des chansons dont les paroles furent écrites par Barjavel.
Cependant les « conditions » dans lesquelles ces chansons ont été écrites sont encore relativement mal connues. Certaines sont de vraies chansons, et ont été effectivement interprétées par des artistes de variétés alors "à la mode" ; d'autres apparaissent dans des films, mais de façon incomplète. Enfin, il en est qui ont bien été déposées à la SACEM, mais jamais interprétées...

Si la SACEM garde tous ces documents dans ses archives, leur accès n'est pas immédiatement possible pour des raisons fort naturelles de droits d'auteur.

Ce furent la sagacité, la perpicacité et la passion de mes collaborateurs qui permirent d'en découvrir quelques-unes, puis l'un d'entre eux eut la chance d'avoir accès à leur liste complète dans le cadre d'un travail universitaire, ce qui me permet d'en présenter ici le détail. Néanmoins, tout complément d'information, voire des exemplaires de partitions pouvant être découverts au hasard d'une brocante, seront les bienvenus...


Barjavel commença à écrire des paroles de chansons dans les années 1950. À l'origine de cette activité, il semble que ce soit son métier de scénariste qui l'ait amené à compléter les dialogues de certains films par des séquences chantées. Il utilisa pour cette activité le pseudonyme de Jean Gardegrosse, en souvenir de la montagne qui domine la vieille ville de Nyons.
Nous trouvons ainsi :

  • Le Ciel de chez moi, du film de Robert Darène Les Chiffoniers d'Emmaüs (1955), adaptation du livre éponyme de Boris Simon, mis en musique par Joseph Kosma (éditions Énoch & Cie et Fortin) { voir les paroles }
     
  • Compagnon va ton chemin, musique de Joseph Kosma, du même film (chanson du générique final), inédite en partition. { voir les paroles }
  • Beau dimanche du film « Saturnin le poète » (éditions Choudens, 1955) : film et chanson maintenant oubliés ; musique de Joë Hajos, interprétée par Jean-Eddie Cremier et enregistrée sur disque R.C.A F.75098) : { voir les paroles } .
 Couverture de la partition - cliquer pour un agrandissement
La partition
  • Le Chant des gueux du film « Les aventures de Till l'espiègle » (1956) (éditions Ariane, dépôt à la SACEM le 20 février 1957)
     
  • Écoute s'il pleut, inédit
     
  • Les chansons du film de Julien Duvivier L'Homme à l'imperméable (éditions Fortin, 1957), ou plutôt les "morceaux" de chansons. En effet, l'action du film concerne une chanteuse d'opérette et des musiciens du théatre du Châtelet, et les chansons font partie du scénario. Mais ce ne sont en fait que des passages joués lors de répétitions ou d'extraits du spectacle.
    • Avec musique de Georges Van Parys  { voir l'écran du générique } :
      • Venise, Venise.
      • Dans ma barque d'or.
      • Quand je t'ai rencontrée.
      • Dans ce vieux palais des Doges.
      • Murmures d'amour dans la nuit.
      • Triste noyée.
    • Sur l'air de la Valse n°15 op 39 de Brahms { écouter l'air } :
      • Viens l'hiver est là.

Avec plus de détails, j'ai aussi retrouvé :
  • Deux enfants dans un jardin qui fut écrite en 1957. Mise en musique par Pierre Kasty (valse lente), elle fut interprétée et enregistrée par :
    • André Claveau, et l'orchestre WAL-BERG  sur disque 78 tours Pathé, réf. PG1006
    • Janine Micheau, soprano, avec l'orchestre et les choeurs Raymond Saint Paul dirigés par Paul Bonneau (disque Pathé 33 FCX 727) .
    Ce second enregistrement a fait l'objet d'une ré-édition en disque compact dans la collection EMI classics, intitulé « Moulin Rouge - Valses et Romances de Paris ».

    voir les paroles de "Deux enfants dans un jardin" }.
 
La partition - cliquer pour un agrandisement
La partition

puis, plus contemporaine :

  • Chanson pour une princesse, qui fut mise en musique et interprétée en 1970 par Herbert Léonard sur un des ses tout premiers 45 tours : « Laisse », sur la seconde face (la première comportant la chanson éponyme écrite par Gérard Manset).
    H. Léonard lui-même en est le compositeur, et en tant que tel il se trouve d'ailleurs identifié « H. Loenhard(t) », ce qui est en fait son véritable patronyme (son vrai prénom étant d'ailleurs « Hubert »)

« Chanson pour une princesse » semble annoncer le style romantique et sensuel, voire "érotique", des chansons ultérieures d'H. Léonard (« Quand tu m'aimes », « Sur des musiques érotiques »...) mais le précède de plusieurs années. Il faut surtout y voir la fraîcheur barjavélienne - dans un texte en vers libres d'ailleurs très court (arrangement de G. Guermeur). Le lecteur averti reconnaitra que le texte de cette chanson est bien antérieur à l'interprétation d'Herbert Léonard. Il figure en effet dans Colomb de la Lune, paru en 1962 :

Il (Le père de la Princesse) lui (la Princesse) chanta un poème de la IIIe dynastie intitulé : A la bien-aimée

Suit le poème qui n'est autre que celui chanté par Herbert Léonard. { voir le texte de Chanson pour une princesse }

 Il s'agit donc d'un poème mis en musique a posteriori, mais il n'est pas évident de savoir "qui a fait le premier pas". Est-ce Barjavel qui a cherché à faire mettre en musique ce texte pour peut-être ancrer son roman un peu plus dans la réalité ? N'oublions pas qu'à cette époque (1970), le roman a été dépassé par la réalité : l'Homme s'est posé sur la Lune ! (1969).
Ou est-ce Herbert Léonard - ou un producteur - qui, ayant lu Colomb de la Lune, a trouvé de la beauté au texte et a désiré le transformer en chanson ? L'édition de 1970 du roman porte d'ailleurs en note de bas de page la référence à la chanson d'H. Léonard :

(1) Cette chanson a été mise en musique et enregistrée par Herbert Léonard sous le titre « Chanson pour une Princesse ». C'est une très belle chanson. Vous la trouverez chez tous les disquaires...

En juillet 2002, Herbert Léonard lui-même après avoir lu la présente page m'a fort gentiment fourni les explications sur la « genèse » de cette chanson :

J'ai connu René Barjavel en 1969 à l'occasion d'une émission radiophonique sur Europe n°1. Cette émission permettait à une personnalité du Show Business ou des Arts d'inviter quelqu'un pendant une heure et de le questionner à l'antenne.
Personnellement, j'avais très envie de faire connaissance physiquement avec René Barjavel car j'avais beaucoup apprécié son livre "La nuit des temps". Je voulais connaître son cheminement de pensée lorsqu'il écrivait des romans de "science-fiction" aussi contemporains et, peut-êter, faire plus ample connaissance.
Grâce à Europe n°1 ce fut le cas. Il a semblé ému par ma passion pour ce qu'il écrivait, mais aussi par la justesse de mes questions.
Nous nous sommes liés d'amitié, hélas trop brièvement. Mais pendant les moments passionnants que j'ai pu passer avec lui, je lui ai demandé un jour s'il accepterait d'écrire des textes sur des chansons que je composerai moi-même. Il m'a répondu qu'il ne se considérait pas comme un auteur de chansons, mais plutôt comme un "bricoleur" dans ce domaine.
Quelques jours plus tard, il me proposa un poême extrait de son livre "Colomb de la Lune" et me dit qui si j'avais envie de le mettre en chanson, il en serait heureux. C'est ce que j'ai fait, sans qu'aucun directeur artistique quel qu'il soit ne me l'ai demandé. Lorsque la maquette de cette chanson fut prête, je la lui ai soumise et il en a été ravi. J'ai fait la version définitive ensuite, qui figure sur le disque.


La pochette : photo : Tony Franck, maquette Yves Desjard
Le verso de la pochette

Cliquer pour voir la face 2 du disque
l'étiquette du disque (cliquer pour agrandir) }

D'après une "confidence" que m'a faite Philippe Richeux, Barjavel était en 1970 "assez fier" de cette collaboration avec H.Léonard et il la lui avait mentionnée lors d'une rencontre, en lui montrant les chansons qu'il préparait pour lui. P.Richeux m'a laissé entendre qu'il y en avait deux, mais ne peut se souvenir avec précision de quoi il s'agit, à part que le texte "ne lui avait pas paru excellent pour une chanson".
Les bonnes relations entre Barjavel et H.Léonard sont par ailleurs indéniables, ce dernier ayant prénommé sa fille Éléa en hommage à l'héroïne de La Nuit des temps (voir la section "Éléa" de la page La Nuit des temps les a inspirés").
 

--> Voir le site des fans d'Herbert Léonard : [ http://www.herbert-leonard.net ] qui présente aussi cette particularité sur sa page de témoignages

On trouve d'autres poèmes présentés comme des chansons dans Colomb de la lune, telle celle mise sous la plume d'un chansonnier humoriste sur Colomb { voir l'extrait }.


Après d'autres recherches relevant plutôt du travail de détective, j'ai eu le plaisir de retrouver une autre chanson écrite par l'auteur, dans un genre peu courant faisant le lien entre ce domaine de l'Art et son activité littéraire principale, puisqu'il s'agit d'une chanson de science-fiction. Le titre en est « Le Voyageur », elle fut interprétée en 1973 par la chanteuse Julietta, sur une musique de Jacques Yvart. Ces artistes se sont tournés maintenant vers d'autres horizons : J. Yvart s'est consacré avec talent et érudition aux « chansons de marins », faisant vivre en disques et en tournées un répertoire dont certains titres semblent faire partie du patrimoine alors qu'ils sont de lui (tel que "Le fils du capitaine Achab"). Pacifiste et « citoyen du monde », il a aussi récemment produit un CD de 6 chansons de G.Brassens adaptée en Espéranto (voir : [ un site sur J. Yvart et [ sur cet album ]) et [ une discographie ]).
Julietta, qui avait aussi réalisé quelques disques 45 t. au début des années 1970, s'est consacrée à d'autres activités et enseigne la musique.

J'ai eu le plaisir d'avoir de Jacques Yvart lui-même des renseignements précis sur la genèse de cette chanson : Couverture de l'album de Julietta - cliquer pour des détails sur cet album

J'ai eu la chance de rencontrer René Barjavel dans les années 70, et lui ai demandé s'il voulait bien écrire un texte de chanson pour un album 33t de chansons de "Science-Fiction" qui serait interprété par Julietta.
La Chanson l'intéressait (Je savais qu'un chanteur [il s'agit d'H. Léonard] avait enregistré une chanson dont René Barjavel était l'auteur).
Il a bien voulu s'intéresser à notre projet de disque de science-fiction et m'a dit qu'il allait essayer d'écrire quelque-chose (sur le sujet de la chanson, il se sentait très modeste...). Il s'y est donc mis et cela a donné « Le Voyageur » dont il m'envoya le texte quelque temps plus tard.
Après l'avoir mis en musique et travaillé avec Julietta, nous prîmes rendez-vous pour lui faire écouter la chanson.
Ce fut un moment rare. Julietta interpréta magnifiquement "Le Voyageur" et René Barjavel en eut les larmes aux yeux. Nous sommes sortis de chez lui comblés...
La chanson figure sur l'album "Chansons et Légendes pour Demain" avec en outre une chanson écrite en collaboration avec le dessinateur Jean-Claude Forest qui a également réalisé l'illustration de l'intérieur de la pochette

Cette illustration semble faite tout exprès pour la chanson Le Voyageur... On poourra aussi noter que J.-C. Forest a aussi collaboré aussi aux illustrations de la revue « Fiction ». { voir des détails sur cet album } et { le texte de la chanson }.

Jacques Yvart, en hommage à Barjavel en quelque sorte, écrivit aussi (paroles et musique) une chanson intitulée « Ravage » dont il nous dit :

Quant à la chanson "Ravage", je l'ai écrite et enregistrée avec l'autorisation de René Barjavel, pour le titre. Elle n'a qu'un lointain rapport avec son oeuvre, mais c'est cependant une chanson de Science-Fiction... Elle figure sur un CD, compilation UNIVERSAL (527-592-2)

en savoir plus }


Les dossiers de la SACEM font aussi état de sketches écrits par Barjavel, mais ceux-ci sont en fait des parties de dialogues de films ( voir la liste complète ).


L'intérêt de Barjavel pour le domaine de la chanson - j'ajouterais "de qualité" - se trouve dans ses chroniques au Journal du Dimanche, dans lesquelles on trouve des articles enthousiastes sur G. Brassens (interview rapportée le 15 octobre 1972 dans Les Années de la liberté), M. Chevalier (le 9 janvier 1972, ibid.), et un article assez général le 26 octobre 1975 (dans Les Années de l'homme)
Un autre élément intéressant et amusant est sa "préface" d'un disque de Serge LAMA, « Une Île », (1970) qui porte au dos l'image d'un lama, et la citation de son article du 11 janvier 1970 (recueilli dans Les Années de la lune) sur l'œil du lama et quelques caractéristiques de cet animal...
 

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UNE ÎLE - dos de la pochette du 33 t de S.Lama (Philips 9101.01)
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Notes éditoriales

  • La présente page, publiée en octobre 2001, fut présentée par la Lettre de G.M.Loup de cette date, qui rendait aussi un hommage à Georges Brassens cité par l'auteur.
  • Certaines chansons de René Barjavel ont été interprétées à l'occasion de la (Journée Barjavel 2002) à Nyons par les chanteurs « Les Amants de la Saint-Jean », et peuvent être écoutées à partir de la page "album" de cette journée (http://journees.barjavel.free.fr/2002/album/index.html).