Mes très chers amis,

« Qui se nourrira du vent de l'histoire ? Que ceux qui ont faim le happent, et s'il leur échappe il y a de quoi courir... »

              ... écrivait Barjavel dans son roman qui lui était le plus cher, celui qu'il écrivit peut-être pour lui-même, Colomb de la lune. Le vent de l'histoire, de ses histoires, a fait courir, depuis le cataclysmique Ravage et jusqu'au tendre Demain le paradis.

Il fit courir du temps de l'auteur. Il fait encore courir aujourd'hui. Non pas les doctes littérateurs, académiciens, critiques érudits, mais les artistes, les rêveurs, les inventeurs, les cinéastes ou écrivains, comme lui.

Ceux-là ont trouvé dans la lecture de Barjavel une flamme dont ils ont voulu faire un feu. Dans cette seconde lettre que je destine aux Amis du barjaweb, c'est de ceux que Barjavel a inspirés que je veux vous parler.

On y trouvera les projets les plus fous, les plus passionnés, parfois aussi - hélas - les plus vains. Nombre d'entre eux ont déjà été abandonnés. D'autres le seront certainement. On y trouvera aussi des réalisations concrètes, omniprésentes, dans le monde entier, à la base desquelles se trouve Barjavel.

Toutes ne sont pas directement issues de l'imagination de l'écrivain : Barjavel est alors, plutôt qu'inspirateur, visionnaire. De celles-ci nous ne parlerons pas ici.

Il en est une cependant dont les crédits ont été - trop discrètement - rendus. Elle se cache dans votre portefeuille, chacun ou presque en possède une, presque personne ne sait que notre auteur en est le père spirituel. Saviez-vous que Barjavel a imaginé la carte bancaire ?

Roland Moreno, son inventeur patenté, reconnaît (du bout des lèvres) en avoir eu l'idée en lisant la Nuit des temps : chaque citoyen désigné de Gondawa porte une clé, avec laquelle il peut s'identifier pour toutes sortes d'activités, et se procurer des services et des biens consommables(*). Le jeune inventeur traduisit en électronique l'idée de l'écrivain, et présenta son projet, une véritable bague, à des représentants des banques françaises alors préoccupés des risques de fraudes inhérents à la carte bancaire d'alors (rappelez-vous... les fers à repasser... les facturettes au papier carbone...).

Pour des raisons pratiques et de moeurs, la forme définitive sera en continuation de la carte plastique rectangulaire - aux dimensions normalisées - sur laquelle un module sera incorporé et contiendra le micro-circuit électronique (mémoire, puis micro-processeur, dont les capacités sont maintenant impressionnantes) assurant les fonctions de sécurité et de comptabilité.

De cela maintenant de rares spécialistes se souviennent, le plus souvent avec un sourire. Mais à l'époque ce fut pratiquement une polémique, qui causa quelques difficultés à Roland Moreno dans sa course au brevet. Certains détracteurs (et concurrents) lui déniaient le droit de breveter un concept, qui plus est évoqué "par ailleurs" (c'est à dire par notre auteur...).

Il lui fallu un conseiller juridique efficace, et une conjoncture favorable à sa technologie, pour obtenir le succès que l'on sait et le droit aux redevances pour sa société Innovatron créée pour l'occasion.

D'autres ingénieurs de l'époque ont rendu hommage à Barjavel, même dans des articles techniques. Ainsi Mr Michel Ugon, alors directeur technique et industriel chez Bull-CP8, dans un article du numéro 176 de "La Recherche" (avril 1986). cite bien « La Nuit des temps » pour la paternité de l'idée ; non sans en avoir demandé la permission à Barjavel, qui s'y proposa de fort bonne grâce, comme le révèle sa lettre de réponse à M Ugon du 13 octobre 1985. { voir le texte de cette lettre } et { le numéro 176 de « La Recherche » }.

Sur le barjaweb, la page "écrit" de « la Nuit des temps » donne les informations principales sur ce sujet, on peut de là accéder à des compléments, voir le prototype de R. Moreno, et aussi cet objet bien plus récent et de technologie plus avancée qu'est le "Java Ring" - en forme de bague dont le chaton donne accès au micro-circuit programmé en langage informatique Java.

D'autres idées exprimées par notre auteur ont donné le jour à des projets de réalisation. La page "La Nuit des temps les a inspirés" présente ceux issues de ce roman, en particulier celle dont la récente remise au jour a soulevé le grand intérêt de mes collaborateurs : je veux parler de la comédie musicale à laquelle travailla au début des années 1970 Mme Annie Nobel en collaboration avec Cayatte et Barjavel eux-mêmes. Elle m'a contacté après avoir visité le barjaweb, et la qualité de son projet, ainsi que le niveau d'avancement quasi définitif jusqu'auquel il fut mené, laisse espérer enfin une réalisation avec succès.

Pour en savoir plus, je suis allé ce mois-ci m'entretenir avec son ami Philippe Richeux, qui contribua aussi activement à ce projet. Fort sympathique, il m'a aimablement fourni des informations passionnantes, non seulement sur le projet, mais aussi sur le roman, et même sur certains aspects de la pensée de Barjavel elle-même. On trouvera le compte-rendu de cet entretien !

D'autres réalisations ont vu le jour : bandes dessinées, jeux vidéos inspirés par l'univers de Gondawa (voir http://www.gondawa.com/), ou par des aventures à base d'Énergie Universelle et d'Équation de Zoran...(voir http://wwwetu.utc.fr/~lelongro/zoran1.html)

Mais « La Nuit des temps » n'est pas le seul ouvrage à avoir incité d'autres créations. Ainsi les artistes et artisans inspirés par « La Charrette bleue » voient leurs oeuvres collectées sur la page d'album du site qui leur est consacrée...

Parmi les oeuvres plus "abstraites" de Barjavel, « Si j'étais Dieu » a fait l'objet d'une adaptation théatrale présentée au Festival d'Avignon, « Diké ou le rêve du fou », dans laquelle se combinent des extraits de Barjavel, et aussi de « Jonathan Livinstone le goéland » de Bach, et des extraits de Claude Nougaro le site présentant "Diké ou le rêve du fou" ].

J'ai trouvé d'autres créations artistiques explicitement redevables à l'auteur de leur source d'inspiration - même si le lien me reste parfois encore un peu flou : ainsi cette Chimère d'A.M. PRADEL - JORRO, présenté sur son site : http://www.artisans-de-france.com/pradel-jorro/default.html, et le mystérieux Chat Bleu dont nous a parlé un visiteur canadien, mais qui reste encore bien mystérieux...

Les visiteurs du barjaweb ne sont pas non plus en reste d'idées, élaborant tout particulièrement sur la Nuit des temps, qui semble décidément être le phare des inspirations dans un monde pourtant fourmillant d'autres merveilles à explorer plus avant. L'on me rapporte fréquemment des projets pour le cinéma ou de pièces de théatre... À tous ces passionés, je souhaite bonne chance et bon courage, tout en me mettant à leur disposition s'ils voulaient faire connaissance pour débattre de leurs grandes ambitions communes, communes à leur coeur, et au notre : celui de l'univers de Barjavel.

Pour finir, ce que nous attendons tous est pour bientôt : la page "écrit" sur « Ravage » se prépare ! Et là encore, on ne pourra que souligner les autres oeuvres, tant littéraires que relevant d'autres modes d'expression, dont le roman fut une source d'inspiration !
 
À très bientôt, et n'hésitez pas à me faire part de toutes vos remarques.

Pary sur Arche, le 28 février 2001

   G.M. Loup.


 

Note : Monsieur Roland Moreno m'a fait savoir (sur le barjaweb`blog que, comme indiqué d'ailleurs dans la page écrit sur La Nuit des temps, ceci n'est pas exact :
« Or je n'ai pas lu "La Nuit des Temps" (jamais). Je raconte même dans le mensuel "TRANSFERT" (avril 2002, pages 72-73) comment « le livre me tombait des mains » quand j'ai tenté en mai 1995 de lire ce sacré bouquin dont Bull me rebattait les oreilles depuis VINGT ANS. Et surtout, je raconte dans cet article comment j'ai (peut-être) été influencé par un livre beaucoup plus important ("Croisière sans escale" du britannique Brian Aldiss) que j'ai lu AVANT, bien avant que ne soit publié le Barjavel. Pour ceux que cette (intéressante) controverse intéresse, ils peuvent m'écrire et je leur enverrai la photocopie de "Transfert" (ils ne perdront pas leur temps, c'est un texte très rigolo sous le titre "Moreno s'énerve"), et surtout ils auront la version intégrale de la polémique Moreno/Ugon/Bull/Barjavel : — tout ceci étant PUBLIÉ (Issn 1290-893), la vérité deviendra ce qu'elle ne doit jamais cesser d'être : une CERTITUDE. Aux dépens de Barjavel (un peu) et de Bull/Ugon (surtout). »
Dont acte.