Mais où est le mort qui l'a tué ?
Lui non plus n'est plus coupable...
Le véritable assassin, ce n'est pas celui qui a bu...

Mes chers Amis,

Ma lettre de mars, qui concluait sur une invitation à continuer à me faire parvenir vos avis et témoignages, s'est trouvée suivie, presque immédiatement après son expédition, par une réponse fort sympathique et grandement constructive pour l'avancée du barjaweb. En effet, j'ai eu le plaisir de recevoir un message de Madame Catherine Renon de Mareuil, me faisant part qu'en raison de la très grande amitié ayant lié ses parents et René Barjavel, elle se proposait de « discuter de tout cela de vive voix avec moi ».
De telles contributions me sont très précieuses, et il n'y a rien de tel que des témoignages directs pour donner un nouveau souffle - printanier en l'occurence - à nos activités.

Jean Renon n'était pas un inconnu dans le monde des Lettres. François Chalais le mentionne dans son livre de souvenirs La Peau de l'Arlequin (ed. Stock, 1975) :

Quel personnage hors série que Jean Renon, l'âme de ce corps insolite ! Et quelle carrière eût été la sienne si sa vocation n'eut pas été, comme le Pierre Seghers des Poésie 40, comme le René Tavernier de Confluences, de se consacrer à la carrière des autres... Je ne pense pas qu'il existe maintenant de tels dévouements, et aussi désintéressés, à la cause de la jeunesse et de la littérature.

Le cercle d'amis (le "corps insolite") qui les a regroupés a pris naissance dans l'Allier, autour de Cusset et de son collège, vers les années 1930, et s'est étoffé par la suite. On se rappelle que, pendant la dernière guerre, après sa démobilisation, René Barjavel avait fondé le journal L'Écho des Étudiants qui, s'il était bien imprimé à Montpellier, était rédigé à Cusset où il résidait alors ainsi que ses amis dont François Chalais, Jacques Laurent, Henri-François Rey, André Salvet et Philippe du Puy de Clinchamps. Ceux-ci firent ensuite également des carrières dans le monde des Lettres et des Arts.
Lors de son retour à Paris, Barjavel a confié sa succession à la direction du journal à Jean Renon, qui s'était marié avec Edmée Flavie Pérard (que ses amis ont toujours surnommée Polaire) dont la famille était déjà très amie de Barjavel. Ce dernier lui a témoigné toute sa vie une grande reconnaissance pour l'aide apportée à des moments difficiles de ses débuts dans le Bourbonnais.
Après la guerre, Jean Renon s'est installé à Paris où il a créé avec d'autres amis Les Éditions du Portulan qui ont lancé en particulier Thomas Narcejac, et où René Barjavel publiera son premier recueil de nouvelles, Les enfants de l'ombre. Malgré l'enthousiasme qui accompagnait cette entreprise, le succès commercial eut du mal à être au rendez-vous, et les Editions du Portulan furent rachetées par Flammarion au tout début des années 1950.

René Barjavel et Jean Renon s'étaient choisis comme témoins de mariage réciproques, consolidant ainsi leur amitié qui dura jusqu'à la disparition tragique de Jean Renon en octobre 1977, dans un accident de voiture causé par un chauffard ivre. Barjavel en témoigne avec une grande émotion dans son article au Journal du Dimanche du 4 décembre 1977 « Boire ou conduire ». À l'approche de la période de départs en week-ends, vacances et autres évasions souvent routières, on pourra le redécouvrir avec intérêt car il n'a rien perdu de son actualité. Madame Catherine Renon de Mareuil me l'a fourni (il n'avait pas été recueilli dans "Les Années de ..."qui terminent leur archivage en 1972), et l'on en trouvera la retranscription à la page :

http://barjaweb.free.fr/SITE/ecrits/JDD/JDD_041277.htm

L'intérêt de Barjavel pour les problèmes de sécurité routière n'était d'ailleurs pas nouveau ; il avait lui-même renoncé à la voiture, et en 1972 il s'était impliqué dans une campagne de la Sécurité Routière à la télévision. Et ses avis sur les fléaux causés par l'excès de boisson montrent ses préoccupations sur le sujet : dès octobre 1930 on trouve l'un "Billets du matin" au Progrès de l'Allier déplorant un spectacle désolant dont il a été témoin.

http://barjaweb.free.fr/SITE/ecrits/articles/art_progv.php?jour=121030

À ce texte poignant et personnel se sont ajoutés d'autres contributions de Madame Catherine Renon de Mareuil, articles de journaux de l'Allier qui fournissent de précieuses indications sur les lieux auxquels est resté attaché notre auteur toute sa vie, et un très beau Livre d'Or de la ville de Cusset (coll. Connaissance du Patrimoine, 1990) où l'on trouve sous sa plume :

Je remercie Cusset d'avoir accueilli en 1925 dans son collège le petit potache provençal qui devait devenir bourbonnais de cœur. Si je suis devenu quelque chose, c'est au collège de Cusset que je le dois, et à son cher "patron" Abel Boisselier.

De plus ses souvenirs personnels m'ont fourni des éclairages discrets venant clarifier certains points de la biographie de Barjavel ; certains de ces éléments seront amenés à prendre place sur le site dans le cadre de compléments qui verront le jour prochainement.

Pour rester dans les confidences personnelles et souriantes, indiquons que Madame Catherine Renon de Mareuil était une petite fille lorsque Barjavel écrivit son Journal d'un homme simple. C'est d'elle qu'il fait mention lorsqu'il parle d'une visite au parc zoologique au cours de laquelle le seul animal qui retint son attention a été une minuscule fourmi...
Il semble aussi que ce soit en pensant à elle que la tortue domestique mentionnée dans ce même Journal d'un homme simple se soit vue prénommée Catherine... Enfin elle m'a indiqué (et je dois avouer que mon analyse des textes n'avait pas été assez profonde pour relever ce point) que dans les éditions de Ravage des années 1950, l'auteur y mentionne une rue du Paris futur baptisée rue Catherine Renon en son honneur... elle m'a présenté, parmi sa magnifique collection familiale de livres dédicacés, son exemplaire portant l'envoi plein d'humour

A Catherine Renon, la toute adorable, l'humble hommage de l'auteur très honoré d'avoir donné son nom à une rue du Paris futur... Elle grandira car elle est Bourbonnaise !

Une telle rencontre ne manquera pas, j'en suis sûr, de provoquer des échanges passionnants et mutuellement enrichissants. Peut-être - je l'espère - suscitera-t-elle d'autres témoignages...

Et puisqu'en ce début de printemps on se sent parfois des envies de refaire le monde, considérons que notre auteur n'y a pas manqué - après tout c'était son métier d'écrivain de science-fiction. Et dans son essai Si j'étais Dieu il est allé assez loin dans cet exercice... Si vous le pouvez, redécouvrez-le, et nous en reparlerons le mois prochain !

À bientôt, et si vous prévoyez un week-end prolongé en mai, sachez que se déroulera à Nyons le salon littéraire « Lire en mai » du 20 au 22 mai (semaine de l'Ascension), et que j'y serai présent sur le stand de l'Association des Amis de René Barjavel

Pary sur Arche, le 21 avril 2004

G.M. Loup.