Commando Spatial

ou

La Fantastique Aventure du vaisseau Orion


Raumpatrouille - Die phantastischen Abenteuer des Raumschiffs ORION



Sommaire

Genèse

Fin 1966, la télévision française (O.R.T.F.) co-produit avec l'Allemagne la série Raumpatrouille Orion en vue de l'adapter pour la diffuser. L'événement est remarquable pour l'époque, car ce fut la première série de science-fiction proposée aux téléspectateurs français. Il y avait eu quelques temps avant La Quatrième Dimension, relevant plutôt du domaine du fantastique (sorte de précurseur de X-Files)

Réalisée par Michael Braun et Theo Mezger d'après un scénario original de Rolf Honold et W.G. Larsen, l'adaptation en fut confiée à René Barjavel, et la diffusion fut programmée à partir du 13 mars 1967, tous les lundis soirs en seconde partie de soirée, après 22 heures, sur la première chaîne qui ne s'appelait pas encore TF1...
La série avait pour lourde tâche de succéder à une série policière très populaire qu'elle remplaçait, Les Incorruptibles, et le pari semblait alors risqué car le public n'ayant aucune expérience de la S.-F. l'accueil à en attendre était imprévisible...

 



Présentations et critiques

La revue Fiction (mai 1967) présenta dans son numéro numéro 162 un compte-rendu détaillé de l'aventure avec un résumé des épisodes diffusés et une bonne critique. (lire l'article complet).

Si le poste de commande de l'Orion avec ses 28 mètres réels de diamètre est impressionnant, il semble que la maquette grandeur nature du vaisseau (150 mètres de diamètre et 32 mètres de hauteur) ait donné quelque mal aux techniciens de la Bavaria: plusieurs mois d'efforts, 50.000 heures de travail, 10.000 câbles et relais électriques, des milliers d'ampoules... Tout cela nous vaut les meilleurs moments du feuilleton, vingt minutes environ par épisode, le reste étant rempli par d'abondants dialogues. L'ensemble, décors et effets spéciaux, mérite l'attention : il est suffisamment spectaculaire pour faire la majeure part du succès public de Commando spatial.
Indéniablement, Commando spatial représente un effort : puisqu'il fallait commencer par de simples aventures, admettons le côté primaire, enfantin, des péripéties, l'apport de chances inouïes chaque fois (on n'ose plus écrire invraisemblances), le manque absolu de réel humain de tous les personnages et l'absence d'un grain de fantastique.
Car tout ce merveilleux décor n'est que très rarement fantastique : il est de demain, un demain proche, alors qu'il eût fallu qu'il fût d'après-demain. Et les deux réalisateurs n'ont jamais cherché à manifester une quelconque ambition : ils enregistrent des dialogues dans un studio futuriste et intercalent les séquences d'effets spéciaux. Le doublage n'arange rien, pas plus que la musique...
Et pourtant, Commando spatial existe et le public l'a bien reçu. Cela permettra peut-être à la S.F. adulte d'arriver un jour sur notre écran. Qui sait...

Le numéro 162 de la revue Fiction - Cliquer pour voir un agrandissement

Peu après, dans le numéro 166 de septembre 1967, l'article de Gérard Klein « Pourquoi y a-t-il une crise de la science-fiction française » saluait à nouveau l'initiative de l'O.R.T.F. avec l'espoir de voir la S.-F. française sortir de son ghetto.
 


Programmations à la télévision

J'ai pu retrouver des magazines de programmes de élévision de l'époque, qui permettent de retrouver la prsentation de la série dans l'ambiance de ces années-là. La nouveauté du genre n'a pas échappé aux commentateurs, qui ont accopagné la simple grille de programmes d'articles décrivant la série, les anecdotes de sa réalisation - prouesse technique pur les décors comme Fiction le soulignait aussi. Une interview de Barjavel pour le deuxième épisode enrichit considérablement le programme, puisqu'il y fournit aussi ce lexique de language galactique maintenant certes un peu désuet, mais intéressant dans le contexte de l'époque, où l'on voit des mots qui sont devenus du langage courant, ou bien qui n'ont pas "survécu" mais ont été remplacé par d'autres pour le même sens...

  • Télé 7 Jours est particulièrement prolixe... dès le numéro 364 (semaine du 11 au 17 mars 1967), une présentation de Stéphane Epin annonçait la venue de M. Beaumonsieur, jouant sur le patronyme de l'acteur principal, Dietmar Schönherr) qui allait avoir l'importante mission de succéder à Eliot Ness et ses incorruptibles. (voir la transcription de l'article).
    Le premier épisode, L'attaque de l'espace, était présenté avec une photo futuriste des astronautes en scaphandre, et aussi un échange de regards entre le commandant et la charmante lieutenant Tamara Jageliocsk (Eva Pflug) qui laisse deviner qu'une intrigue sentimentale sous-tend la série...
    Cliff (à g.) et Atan (Dietmar Schonherr et Friedrich G. Beckhaus). Tamara (Eva Pflug), inquiète du sort des navigateurs de l'epace.

    La semaine suivante, le lecteur était invité à « apprendre avec René Barjavel le vocabulaire de l'espace », et aussi à en savoir plus sur les talents musicaux de Herr Schönherr (voir la transcription de l'article).

    Les épisodes suivants furent simplement annoncés dans la grille de programmes, et l'on put trouver quelques critiques pour se chagriner de ce que les héros étaient

    des gens trop bavards et peu enclins à l'action...

    (Guillaume Hanoteau dans le n°268 (10 avril) pour le quatrième épisode, Les Déserteurs), critique reprise dans Télé 7 Jours n°367 du 1er avril 1967 :

    An 3000

    Avouons d'emblée une faiblesse. Nous ne mordons pas i la science-fiction.
    De ravissantes filles en scaphandre, le visage emprisonné dans une cloche à melon, peuvent nous annoncer que notre planète est sur le point d'être désintégrée par de mystérieux ennemis venus d'une lointaine galaxie, nous ne frissonnons pas, alors que le moindre gangster du Chicago de la « bonne époque » nous tient en haleine.
    Ce préambule était nécessaire avant de rendre compte de « Commando spatial », la nouvelle série du lundi soir. Ce sera au lecteur ainsi averti de rectifier le tir de notre critique peut-être injuste.
    Tout d'abord, un compliment au décorateur. Les laboratoires et les machines qu'il a construits, sans doute en contceplaqué, font riche et vrai. Nous serons plus sévères pour le responsable des maquettes chargées de représenter les cataclysmes célestes. Les mondes en ébullition nous ont semblé être à la merci du premier extincteur venu. Les budgets de Télévision, même allemands, il est vrai, ne sont pas ceux d'Hollywood.
    Par ailleurs, les gens de l'an 3000 nous ont paru terriblement bavards et peu enclins à l'action.
    Au milieu de ce flot de paroles et de ces dissertations sur l'antimatière, nous en sommes venus à regretter les tonneaux percés à coups de balles des « Incorruptibles ». Mais, répétons-le en conclusion, ces déceptions ne sont peut-être dues qu'à notre propre manque d'imagination spatiale.

    et ce reproche plus sonore que visuel est aussi signalé par les téléspectateurs, et comme à l'époque les télécommandes n'existaient pas... :

    Le feuilleton « Commando Spatial » est très beau, mais il ne sera certainement apprécié que par une élite. Il a toutefois un grand inconvénient : les enchaînements musicaux sont très bruyants et c'est insupportable. J'ai dû faire un va-et-vient continuel de mon poste à mon fauteuil pour régler le son ; finalement, j'y ai renoncé et, avec regret, j'ai tourné le bouton.
    De Mme J. MARIE, Montpellier.
    Le problème des fonds sonores trop bruyants, qui revient souvent dans notre courrier, n'a, hélas, pas encore trouvé de solution.

    D'autres télespectateurs ont quant à eux semblé apprécier, puisque l'on trouve dans le courrier des lecteurs du numéro 372 (6 mai), alors que les 6 premiers épisodes étaient passés :

    Il fallait que nous soyons pivés de Commando Spatial pendant quinze jours pour que je réalise combien ce fantastique feuilleton me manquait. C'est vraiment une idée géniale de l'O.R.T.F. - et elles sont rares - d'avoir choisi cette série opour remplacer les « Incorruptibles » ! Chaque lundi, nous nagons pendant une heure dans la science-fiction, nous voyageons à bord de l'Orion, nous frémissons avec l'équipage.
    En un mot, nous sommes unis à l'heure interplanétaire. Les décors sont formidables, quant aux acteurs, ils méritent un grand coup de chapeau, principalement Dietmar Schönherr qui campe un excellent et très séduisant Cliff MacLane.

    Mlle D.Lorentz - Sens

    Un dernier épisode, « L'Invasion », fut comme on l'a vu diffusé le 8 mai.

     

  • Télérama, au début de la diffusion, saluait aussi l'initiative dans un article de présentation moins complet cependant. Le "vocabulaire galactique" y était incorporé, mais quelque peu abrégé.

 

Le livre

Cliquer pour voir la jaquette agrandie

Si le travail de Barjavel dans l'adaptation de cette série fut important, l'auteur n'en tira aucune œuvre écrite. La série fut adaptée par Pierre Lamblain en un livre édité aux éditions Raoul Solar où le nom de Barjavel n'apparait que sur la jaquette. Aux sept épisodes diffusés en France s'ajoutent sept autres aventures originales, mettant de plus en scène un écrivain de science-fiction, Paul Ibsen, qui, de par ses relations haut-placées à l'État Major, s'est pratiquement imposé à l'équipage comme passager touristique...
Cet ouvrage relativement rare et recherché des collectionneurs, est la seule trace restant disponible en France de cette série { voir }.


Le livre comporte de nombreuses photographies tirées de la série, montrant en particulier les visages énergiques et décidés des héros, mais aussi le mobilier du vaisseau spacial correspondant à ce que les années 1960 considéraient comme "futuriste"...
 
L'équipe de cosmonautes Le commandant Mac Lane Salon futuriste à l'intérieur du vaisseau
 

Retrouver la série ?

Depuis 1967, tant les chaînes de télévision que le cinéma ont eu l'occasion de multiplier les diffusions de films ou séries de Science-Fiction, à commencer par le légendaire space-opera StarTrek qui a suivi Orion de quelques années. Mais la télévision française n'a pas vraiment renouvelé la (co-)production de telles émissions, préférant acheter les droits de diffusion de spectacles étrangers.
Dans n° 370 de Télé 7 Jours du 24 avril 1967, un lecteur d'outre-Rhin fit remarquer : que la chaîne allemande A.R.D avait en réserve de nombreux autres épisodes dont la diffusion était planifiée en septembre 1967, et cette fois-ci, en couleurs Raumpatrouille Orion eut en Allemagne une longue carrière à succès, à preuve les groupes de fans qui perpétuent la nostalgie du Commandant MacLane.
Pour en savoir plus :

Atterrissage sur une planète de la navette de liaison

...sans oublier la musique du générique de la série, par Paul Thomas  , bien dans le goût de l'époque...