Lecteur de cassettes des années 1980... 
 

René BARJAVEL
répond aux élèves
du COLLÈGE de CHALAIS

(1983)

 Logo de la ville de Chalais


René Barjavel, qui prenait plaisir à s'entretenir avec les jeunes générations et rendait souvent visite à des lycées et collèges, avait établi une relation privilégiée avec le collège de Chalais, petite ville de Charente, au sud d'Angoulême. [ voir le site de la ville : http://www.chalais.net ]
Le collège de Chalais, qui dispose maintenant d'un site Internet [ http://hebergement.ac-poitiers.fr/c-chalais ] avait organisé en 1987 une exposition commémorative en l'honneur de l'auteur mais depuis, n'a pas gardé de souvenirs marquants de ces relations.
À ces visites s'ajoutaient des relations épistolaires et, lorsqu'il fut invité à rendre visite au collège en 1983, René Barjavel regretta de ne pas pouvoir se déplacer. En remplacement il réalisa un enregistrement sur cassette répondant aux questions qui lui avaient été adressées par les élèves. C'est la retranscription de cet enregistrement, qui m'a été très aimablement communiqué par la filleule de Barjavel amicalement rencontrée à Nyons, que l'on trouvera ci-après dans son intégralité.


 Le collège de Chalais de nos jours
La cour intérieure du Collège de Chalais
(vue actuelle)

Pour en faciliter la lecture, j'ai organisé le texte en sections correspondant aux questions posées, bien que celles-ci ne soient pas toujours explicitement énoncées. La ponctuation et la typographie sont reconstituées afin de rendre compte des intonations de la voix de l'auteur et de ses hésitations occasionnelles, parfois au détriment des conventions officielles...



Introduction

Vos lettres, et le printemps qui arrive, m'ont donné grande envie de venir vous voir, parce que vous êtes plus près du soleil que nous à Paris... Mais je ne peux pas, ce n'est pas possible. Je regrette, je suis dans ma soixante-treizième année, j'ai encore quelques livres à écrire, enfin, peut-être deux, peut-être trois, peut-être quatre, si je suis optimiste... Mais vous voyez que le temps m'est mesuré... Et comme ma petite cervelle fonctionne moins bien que... enfin moins vite qu'il y a une quarantaine d'années, je n'ai pas trop de tout mon temps pour faire face à ce qui me reste à faire. Alors, vous m'excusez, et je vais essayer de répondre à vos questions. J'aurais, évidemment, si j'avais été là, pu répondre à beaucoup d'autres, mais après tout, l'année scolaire n'est pas finie, on ne sait jamais, si une "opportunité", comme disent les Anglais, se présente, je vous envoie un message et j'arrive. En attendant, prenons vos questions, les unes après les autres...

Comment j'ai écrit Ravage

Je vais d'abord vous dire, en gros, pourquoi et comment j'ai écrit Ravage. C'était, vous savez, le temps de l'Occupation, vous ne pouvez pas imaginer ce que c'était, dans une grande ville, à Paris. D'abord, évidemment, on était privé de tout, c'était le temps de la grande misère au point de vue nourriture, vêtements, on se faisait tailler... moi je me suis fait tailler un pardessus dans les doubles-rideaux de le fenêtre, puisqu'il n'y avait plus de tissus... les chaussures avec des semelles en bois, les ménagères parisiennes, les mères de famille, se levaient à cinq heures du matin pour aller faire la queue où il y aurait peut-être quelque chose à vendre, ce n'était pas sûr, pour la nourriture. Le grand souci quotidien, c'était la pomme de terre : est-ce qu'on aurait quelque chose à manger ? Et quand arrivait le soir, surtout l'hiver, c'était terrible, les villes devenaient des grands déserts de ténèbres, c'était une espèce de no man's land, tout le monde restait enfermé chez soi, parce que en plus de l'interdiction de la lumière il y avait le couvre-feu qui arrivait très vite, et les rues, quand on pouvait s'y risquer, étaient des espèces de couloirs noirs et déserts, de temps en temps passait une voiture noire, c'est à dire une voiture allemande, et dont les phares eux-mêmes étaient camouflés, ils éclairaient juste un mètre devant la voiture, qui était obligée de rouler lentement. C'était un... quelque chose d'absolument terrifiant, affreux, irréel. J'ai donc eu l'idée, par contraste, sans doute, d'une civilisation très avancée, [où] la technique serait libérée, et où toutes les forces de la science seraient au service de l'Homme, au lieu d'être au service de la destruction. Mais je me suis rendu compte très vite que cette société que j'allais dépeindre serait extrêmement vulnérable. Vous avez, évidemment, entendu parler jusqu'au rabachage de la Société de Consommation ; oui, évidemment notre société est une société de consommation, mais, pour consommer, pour que nous puissions consommer, il faut bien que les choses soient d'abord fabriquées, donc notre société de consommation est avant tout une société où tout est en mouvement, l'Énergie, les matières premières, la main d'œuvre, les objets manufacturés, les déchets, tout remue sans cesse et c'est surtout vrai autour des grandes villes, dans les grandes villes et autour des grandes villes, il n'est pas rare que des travailleurs fassent soixante kilomètres le matin pour aller à leur travail, à Paris, ou de Paris en banlieue, et en fassent autant, fassent la même chose le soir à l'envers. Si un de ces courants vitaux s'arrête, et en particulier le courant de l'énergie, tout s'arrête, c'est comme un corps vivant qui est frappé d'infarctus, tout s'arrête et c'est la gangrène et la mort du grand corps vivant qu'est la Société. Donc je me suis dit : « que se passerait-il si l'énergie venait à disparaître, que feraient les Hommes, que serait leur comportement, que deviendrait la Ville ? », et là j'ai laissé, il m'a suffi de laisser parler la logique. Et Ravage est un roman dicté par la logique. Ce que j'ai décrit arriverait fatalement si tout à coup l'énergie commençait à manquer. Par exemple le... la panne de courant qu'il y a eu à New York, je crois il y a deux ou trois ans, et qui n'a duré que vingt-quatre heures, a déjà provoqué un commencement de destruction de New York, New York commençait à flamber, à pourrir. Et pourtant ce n'était qu'une panne, on savait que cela ne durerait pas. Voila donc quel a été le... l'inspiration, si vous voulez, de Ravage. Je n'ai pas écrit un livre contre le Progrès, j'ai écrit un livre, si vous voulez, mettant en garde ceux qui le lisent - mais, malheureusement ils n'y peuvent rien - mettant en garde ceux qui, soit-disant, prétendument, dirigent la Société et l'évolution de la Civilisation- mais, eux aussi, contrairement à ce qu'ils pensent, n'y peuvent rien - mettant en garde contre cette évolution qui fait que l'Homme, peu à peu, perd l'usage de ses mains. L'Homme ne sait plus rien faire de ses mains, qu'est-ce que vous savez faire de vos mains, vous, à part tenir votre stylo, et moi je n'en sais pas davantage, éplucher une pomme de terre, déjà, c'est un travail que nous sommes parfois pas capable de faire sans nous couper, et, en tout cas nous ne savons plus fabriquer les choses, ce sont les machines qui font tout, et à partir du moment où les machines s'arrêtent, l'Homme est comme... devient comme un escargot dont on a cassé la coquille, et encore, la coquille de l'escargot se ressoude...

Donc, le héros principal de Ravage, François, qui, lui est resté un paysan, en partie, va avoir l'idée immédiate de reprendre contact et de se recycler dans la civilisation du village qui est, effectivement, celle qui ne dépend pas d'une autre énergie que celle qui est dans les muscles et dans les membres de l'Homme, de l'être humain, dirons-nous, puisque il ne faut pas... être sexiste !...

Bon ! Donc j'ai mis au service de cette idée une histoire un peu simple, avec des personnages qui le sont également, ce sont des personnages qui ressemblent beaucoup plus à des personnages de bande dessinée qu'à des personnages d'un roman traditionnel, et d'ailleurs, un de vous me le fait remarquer, ils ont des noms un peu bizarres, il y en a un, il s'appelle, ah, je ne me rappelle plus comment il s'appelle....François Deschamps, vous voyez, François Deschamps qui vient... de la campagne, il y en un qui s'appelle Lavoine, un abbé qui s'appelle Legrain, son Excellence Meunier, etc., etc. Ce sont des personnages sans épaisseur, ils n'ont que deux dimensions. Mais ils sont là pour faire une démonstration beaucoup plus que pour prêter à des analyses psychologiques. Donc ils sont pris par l'aventure, qui est une aventure collective, et, effectivement, ils vont quitter, ils quittent cet endroit qui est devenu monstrueux, qui est la ville morte, pour retrouver, dans les lointaines campagnes, la possibilité de vivre et de commencer, de recommencer une société basée sur l'effort musculaire et sur les rapports directs de l'Homme avec les choses.

Aujourd'hui - La Nuit des temps

Aujourd'hui... que se passe-t-il ? J'ai décrit dans un autre roman qui s'appelle La Nuit des temps une société, nommée Gondawa, dans laquelle les hommes sont totalement délivrés du travail absurde, du travail pénible, par les machines, disposent de loisirs illimités, travaillent quand ils veulent, comme ils veulent, à ce qu'ils veulent, travaillent donc dans le plaisir et dans la joie, n'ont aucun souci matériel parce que les produits du travail des machines sont répartis chaque année entre tous les citoyens, et il y a suffisamment pour leur donner à chacun non seulement le nécessaire, mais le superflu, et le superflu est souvent bien plus indispensable que le nécessaire ; et aujourd'hui déjà existe, dans notre société d'aujourd'hui, dans notre société de 1983, tout ce qui est nécessaire pour mettre sur pied une société de ce genre. Par exemple il y a dans les usines Renault des ateliers sans... d'où les ouvriers, les hommes, sont totalement absents, où tout est fait par des machines-robots. Malheureusement, malheureusement, au lieu de créer des hommes heureux, cela crée le chômage, parce que l'évolution sociale va beaucoup moins vite que la technique. Et elle traîne également des idéologies, des idées toutes faites, des théories, qui font qu'on ne peut pas modeler la Société comme on voudrait. Je crois que, la Société... il va falloir très certainement refaire un monde en partant de ce principe que l'Homme va être délivré du travail idiot ; ça veut dire du travail sans... du travail automatique, du travail qui fait de lui, qui a fait de lui à partir du dix-neuvième siècle, une partie de la machine, un esclave de la machine. Et c'est la machine elle-même qui va nous délivrer ; mais pour ça, il faut qu'on refasse une Société rationnellement, sans préjugés, sans idées, sans idéaux, dirais-je même, sauf celle de la... presque un idéal mathématique, et cette société c'est peut-être vous qui allez la faire, je le souhaite.

Bon, nous voila pas tellement loin de Ravage...

Les noms des personnages

Vous me demandez s'il est difficile de trouver des noms pour les personnages. C'était mon premier livre, et, oui, là j'ai donné des noms un peu caricaturaux, avec un peu d'humour sous-jacent... vous savez, l'humour dans ce genre de littérature est absolument indispensable, et dans toute littérature d'ailleurs. Je crois que les écrivains sans humour sont des écrivains à qui il manque quelque chose. L'humour est, d'une part c'est ce qui rend... c'est ce qui permet de supporter l'insupportable, et surtout c'est un ... ça vous apprend l'humilité, parce que, avoir de l'esprit, c'est se moquer des autres, mais avoir de l'humour c'est se moquer d'abord de soi-même, ne pas se prendre trop au sérieux, et c'est très important.

Donc de l'humour j'en ai mis partout, dans tous mes livres, et je suis content quand mes lecteurs partagent cet humour.

Pour les noms des personnages il faut faire attention, aussi, à ne pas utiliser un nom qui pourrait exister dans la réalité. Par exemple dans la première édition du Voyageur imprudent, il y avait un personnage un peu ridicule, que j'avais appelé Monsieur Dubois du Tilleul du Jardin de la Gare. Eh bien j'ai reçu une lettre indignée d'un lecteur qui s'appelait effectivement Monsieur Dubois du Tilleul et j'ai du lui faire une lettre d'excuses, en lui disant que, vraiment, c'était absolument involontaire, et je n'ai pas changé le nom d'ailleurs, il n'a pas exigé cela... Mais alors depuis, je prends mes noms dans le Dictionnaire des communes... Là, vous savez, un nom de village, on ne peut rien vous dire si vous prenez un nom de village, c'est un nom qui est dans le domaine public, et c'est un nom... ce sont des bons noms parce qu'ils ont été forgés, mâchés dans la bouche des hommes depuis des générations, et ce ne sont pas des noms théoriques, ce sont des noms vivants.

Quand j'ai écrit Ravage et Le Voyageur imprudent, nous étions, donc pendant l'Occupation, totalement coupés des États-Unis, bien entendu, il n'y avait aucune relation entre l'Europe et les États-Unis, ni journaux, ni courrier, ni radio, rien, c'était un... il y avait le mur du silence et du vacarme de la guerre entre eux et l'Europe ; donc je ne savais pas ce qu'était la science-fiction. Je vous dirais même qu'on ignorait même le mot en France à cette époque-là. Rien n'avait été traduit de la production américaine qui était déjà très importante. Tout ce que je connaissais dans le genre c'était les Anglais, en particulier Wells qui est le grand maître et le grand inventeur de tout, et bien sûr aussi les Français, Jacques Spitz, Maurice Renard et surtout Jules Verne dont j'avais nourri mon enfance ; et j'avais qualifié mes romans de « Romans Extraordinaires » entre guillemets, en hommage à Jules Verne qui qualifiait ses livres de « Voyages Extraordinaires".

Et aujourd'hui, je crois, alors quand la science-fiction est arrivée en France, quand on a traduit tous les grands auteurs américains dans cette magnifique collection qui s'appelait Le Rayon Fantastique, j'ai été immédiatement rangé dans cette catégorie littéraire, et on a fait de moi un auteur de science-fiction, mais je crois que ce n'est pas tout à fait exact. Si vous lisez quelques-uns de mes romans, vous vous rendrez compte qu'on ne rencontre jamais d'extra-terrestres, dans mes bouquins. Que le personnage principal de mes livres, c'est l'être humain, c'est l'être humain qui m'intéresse, c'est son devenir, et la science-fiction permet de lancer des hypothèses jusqu'à l'absurde sur l'avenir de l'Homme et de l"espèce humaine. Donc c'est d'une part assez loin de la science-fiction telle que l'entendent ses "fanatiques", et c'est aussi très loin, naturellement, du roman traditionnel, du roman classique, qui, lui, tourne pratiquement toujours en vase clos, soit dans la chambre à coucher, soit dans la salle à manger, en analysant les petites coliques érotico-sentimentales du couple, du trio, du quatuor - on en arrive même aujourd'hui au groupe ; moi, tout cela ne m'intéresse pas, ni en tant que lecteur, ni en tant qu'écrivain, parce que c'est la vie de tous les jours, et retrouver ses drames ou ses comédies sur le papier, non, merci. Tandis que le sort de l'Homme, aujourd'hui, comment s'en désintéresser ? Nous arrivons à une période, à un carrefour absolument... où un choix sera absolument catégorique, n'est-ce pas, l'Homme du vingtième siècle vient de déboucher sur une plaque tournante où l'ont amené les découvertes de ses ancêtres immédiats, et celles qu'il y a ajoutées lui-même, la technique s'emballe, tout va très vite, on est à la veille de découvertes sensationnelles dans tous les domaines de la science, que ce soit en biologie, en physique, en chimie, en électronique, et nous sommes là au commencement de tout, nous sommes encore des apprentis. D'ici vingt ans ou trente ans il va y avoir des applications des inventions actuelles et d'inventions futures qui vont complètement bouleverser la vie quotidienne des êtres humains. A condition - à condition - que d'ici là ils ne fassent pas sauter la baraque : quand je vous parle du choix, c'est ça : il va falloir choisir le meilleur, sinon on va subir le pire. Et, si on choisit le meilleur, alors je crois que rien, plus rien n'est interdit à l'Homme. Parce que quand on aura résolu le problème de l'énergie, et cela c'est pour demain, on se moquera bien qu'il y ait ou qu'il n'y ait plus de pétrole, ce qu'il en restera servira uniquement à la pétrochimie. L'énergie, on la tirera soit de la géothermie profonde, soit de la fusion atomique et non plus de la fission qui est ridicule et dangereuse, soit on arrivera à plonger directement les capteurs d'énergie dans cette Énergie Universelle qui est le sang et la chair de la Création, puisque, vous savez bien, la Matière n'existe pas, nous ne sommes que des tourbillons d'Énergie, et les formes d'énergie que nous connaissons, l'Électricité, l'Électromagnétisme, la Gravitation, les énergies atomiques, etc., ne sont que des variantes de cette énergie universelle qui est, véritablement, l'Univers. Et c'est le jour où l'on arrivera à... je ne dirais pas à domestiquer, ce qui est ridicule, mais à utiliser cette Énergie universelle, on pourra très... non seulement on pourra, mais on devra, on sera obligé, de l'utiliser pour envoyer l'Homme dans les étoiles. C'est certain, l'Homme n'est pas fait pour rester sur la Terre, il est allé mettre le pied sur la Lune, mais vous savez, la Lune, c'est le paillasson devant la porte : on a fait un petit pas, puis on a pris peur, on est rentré, on a refermé la porte, mais tout ça n'est pas définitif. L'Homme repartira poussé par sa curiosité. La curiosité est la plus grande qualité de l'Homme ; sans elle, il serait encore dans la caverne.

Si je suis croyant

Vous me demandez si je suis croyant. Eh bien, oui et non. Je veux dire que je ne peux pas, je ne peux plus croire à ce que nous proposent les religions, que ce soient les religions occidentales, ou même les religions orientales vers lesquelles se tournent depuis quelques années des gens de plus en plus nombreux. Par contre, je suis un homme émerveillé devant la Création, devant la Vie, les détails, les merveilles que l'on découvre dans l'organisation de l'Univers, que ce soit dans ses détails infimes ou dans ce qu'on peut deviner de son organisation infinie. Et je ne peux pas imaginer que tout cela soit le résultat du hasard et de la nécessité, comme l'a écrit un récent Prix Nobel.

Il y a de l'ordre, et non seulement il y a de l'ordre mais c'est de l'ordre des miracles. Si vous prenez un corps vivant, même pas un corps humain mais simplement un brin d'herbe, ce brin d'herbe est composé de cellules, chacune de ces cellules est un... Jean Rostand disait « Une cellule c'est un Univers », oui, chacune de ces cellules est aussi compliquée et aussi riche que toute l'industrie, toute la zone industrielle de la région parisienne, par exemple. Il y a là, dans cette cellule qui mesure moins de d'un millimètre cube de volume, des quantités d'usines, de messagers, de courants, une organisation fantastique, et chacune de ces cellules sait ce qu'elle a à faire et le fait pendant toute sa vie. Et alors si on prend un être vivant un peu plus compliqué, comme l'être humain, on est encore plus émerveillé parce que... quand la cellule de base, c'est à dire l'ovule, fécondé se divise en deux puis en quatre puis en milliards de cellules, chacune de ces cellules sait ce qu'elle a à faire, elle va s'installer avec d'autres cellules qui lui ressemblent pour fabriquer un organe particulier, cet organe sait où il doit s'installer, et tous ces organes réunis forment un corps qui mûrit et qui est ensuite expulsé pour vivre sa propre vie. Et on trouve tout naturel que jamais, jamais une femme enceinte accouche d'une laitue ou d'un escargot... Et pourtant... et pourtant, pourquoi pas ? Pourquoi pas : parce que les cellules ont reçu l'ordre d'être ce qu'elles sont. Et chacune de ces cellules du corps vivant qui en contient des milliards et des milliards, comporte quelque chose qui ressemble à un ruban télégraphique, ce sont les gènes, et sur ce ruban télégraphique sont inscrits, au moyen de quatre molécules différentes, comme en morse - mais en morse nous ne disposons que de deux signes, là il y en a quatre - sont inscrits tous les ordres, l'ordre de la cellule, l'ordre de l'organe, l'ordre du corps tout entier, l'ordre de l'espèce, l'ordre de l'évolution, tout est là-dedans. Et si l'on pouvait, ce ruban... cette espèce de ruban télégraphique a pour chaque cellule une longueur qui dépasse un mètre, pour une cellule qui a, je vous le disais, moins d'un millimètre ou d'un centième de millimètre cube de volume. Et si l'on pouvait mettre bout à bout tous les rubans télégraphiques contenus dans un seul corps humain, on obtiendrait une longueur qui dépasserait mille fois la distance de la Terre au Soleil. Voilà ce que c'est qu'un être vivant. Voilà pourquoi je suis émerveillé et pourquoi je suis croyant en un certain sens. Mais croyant en quoi, je n'en sais rien ! Je me suis posé des questions pendant toute ma vie, j'ai même écrit un bouquin là-dessus, ça s'appelle La Faim du tigre - "faim" F.A.I.M. - je me suis posé des questions, mais naturellement je n'ai pas trouvé la réponse. Mais depuis que j'ai écrit ce livre, j'en suis arrivé à la quasi-certitude que ces réponses existent. Et si, ma foi, je ne les ai pas trouvées, cela n'a pas beaucoup d'importance. Le fait d'avoir la certitude qu'il y a une explication, que je ne connais pas et que je ne connaîtrai jamais, me tranquillise et me rend la paix.

Voilà, pour votre question sur... si je suis croyant.

À quel héros vous identifiez-vous ?

À quel héros je m'identifie dans mon ouvrage, dans mon livre ? À aucun... À aucun. C'est sans doute celui de mes livres où je suis le moins présent dans mes personnages, parce qu'on est forcément -  un écrivain est forcément, en tout cas c'est mon cas - est présent dans un roman, non seulement dans un mais dans plusieurs personnages, même les personnages féminins, même les animaux, même le décor ; comment voulez-vous qu'on puisse décrire le comportement d'un personnage si on ne pénètre pas à l'intérieur et si on ne se confond pas un peu avec lui. Alors chaque personnage garde un peu de la "texture", de la pensée et des sentiments de l'auteur, plus ou moins, mais dans Ravage pas tellement. En tous cas je ne suis pas du tout un héros dans le genre de François Deschamps... Si je m'étais trouvé dans les mêmes circonstances que lui - ça peut arriver demain - je crois que je serais tranquillement resté sur place et j'aurais attendu... que les toits me tombent dessus, ou que la faim ait raison de moi. Dévoré de toutes façons par la curiosité de voir un peu comment ça va se passer...

Les gouvernements

Oui, vous avez pu vous en rendre compte, je n'ai pas une grande confiance pour le, ou les, gouvernements. Je ne crois pas qu'ils aient une influence quelconque sur les événements. Ils sont dirigés par les événements, ce ne sont pas eux qui les dirigent. Lorsqu'un gouvernement arrive au pouvoir, il est saisi immédiatement par les problèmes d'avant-hier qui n'ont pas été résolus et qu'il doit absolument résoudre, de sorte qu'il n'a pas, absolument pas le temps de s'occuper de l'avenir. Quant au présent, il lui saute à la gorge. C'est vrai pour toutes les formes de gouvernement et pour toutes les idéologies. Et les... le spectacle du monde aujourd'hui est tel qu'on se rend bien compte que tout échappe à la volonté des chefs d'état, parce qu'il est certain que ni Reagan ni Andropov n'ont envie de faire la guerre, parce qu'ils savent très bien que ce serait un holocauste épouvantable et il n'y aurait pas de vainqueur, il n'y aurait que des victimes. Mais il n'empêche, quand on regarde ce qu'ils font, et ce qu'ils disent, qu'ils agissent comme s'ils voulaient la guerre et comme s'ils font tout pour la rendre, je dirais presque inévitable. Ils ont déjà, d'un côté comme de l'autre, suffisamment de bombes pour faire griller la Terre entièrement au moins cinquante fois, et malgré cela ils continuent de fabriquer des bombes, et encore des bombes... C'est de la stupidité monstrueuse. Et d'ailleurs, ce qui est caractéristique de notre temps, c'est qu'il y a de plus en plus de jeunes intelligences qui se développent dans le monde entier, des génies qui s'épanouissent entre vingt et trente ans, qui atteignent dans diverses disciplines de la science des sommets extraordinaires - plus il y a d'intelligences individuelles, plus il semble que se développe l'imbécillité collective, ce qui est très... très affligeant.

Le devenir de l'Humanité

Je crois que si l'homme qui s'est assis, enfin, l'Humanité qui s'est assise sur une bombe avec un briquet à la main pour la faire sauter, tout en faisant sa cuisine, si cette Humanité ne fait pas sauter la bombe, si elle ne fait pas sauter la baraque, la civilisation de l'an 2052 sera aussi éloignée de la nôtre - en avance sur la nôtre - que la nôtre l'est sur celle des cavernes. Ça va être... il va y avoir un bond en avant absolument fabuleux, et qu'on ne peut même pas prédire, parce que c'est toujours l'inattendu qui arrive. Il y a, dans le domaine par exemple de la biologie, des possibilités qui vont permettre de modifier l'espèce humaine... est-ce qu'on osera le faire ? Je ne sais pas... Il y aura des possibilités de fabriquer autour de la Terre des villes satellites, des espèces d'immenses roues tournant sur elles-mêmes pour créer une gravité artificielle ; ces roues auront des kilomètres, naturellement, des centaines de kilomètres de diamètre, et ce sera le pneu, si vous voulez, qui sera habité. Et dans ce pneu il y aura des villes, on créera un monde nouveau, artificiel, avec des villages, des cours d'eau, des lacs, des fontaines, des villes, des... enfin tout un monde nouveau que l'on pourra fabriquer sur mesure. Et... il y aura autant de villes qu'on voudra dans ce domaine, ce sera une façon de se débarrasser du problème de la surpopulation, et ce sera le premier relais pour partir vers la découverte de la Galaxie et peut-être plus loin, des autres galaxies et de l'Univers tout entier.

Il n'est pas impossible que l'Homme ait pour mission d'emporter la Vie dans l'Univers. Il y a une vingtaine d'années, lorsqu'on parlait de ce problème de la vie extraterrestre à un physicien, ou à un cosmologue, ou à un biologiste, il nous disait « c'est absolument impossible, la Vie est née sur la Terre grâce à des conditions de température, de présence d'oxygène, de carbone, d'azote, dans des proportions données, tout ça, et si étroit[e]s comme conditions, qu'il n'est pas pensable que cela ait pu se produire ailleurs ; donc la Vie doit être un phénomène purement terrestre. » : ils ne croyaient pas à la vie extraterrestre. Et puis, on a découvert depuis qu'il y avait sans doute, rien que dans notre galaxie, des milliards de systèmes solaires ayant la possibilité d'avoir au moins une planète pareille à la Terre. Donc, les savants, comme selon leur habitude, ont sauté d'une vérité à l'autre, et aujourd'hui affirment aussi catégoriquement qu'ils affirmaient le contraire il n'y a pas si longtemps, affirment « oui, la Vie existe certainement partout. » Eh bien, ce n'est pas parce que la Vie peut exister partout que la vie existe partout. Ça c'est sauter un peu vite sur la conclusion. Parce que la Vie... au fond, ce n'est pas parce que les conditions de la Vie existent que la Vie peut exister ou que la Vie existera. C'est comme si on disait « il suffit de fabriquer une ampoule » pour avoir de la lumière, ce n'est pas vrai. Il faut également l'électricité. Alors, peut-être la Vie, après tout, est-elle l'apanage de ce petit grain de sable dans la Galaxie, qui se nomme la Terre, et de là, il se peut que l'Homme ait pour mission de partir de là et de répandre la Vie dans l'Univers. Évidemment l'Univers c'est grand, mais il a tout le temps devant lui, il a... L'Éternité...

Dans mon récent roman qui s'appelle La Tempête, j'ai mis en scène un garçon qui - un peu exalté, un peu fou, ayant eu des chagrins d'amour - veut empêcher justement les hommes de partir dans les étoiles, parce qu'il dit que l'espèce humaine est mauvaise, et qu'il faut absolument l'empêcher d'aller contaminer l'Univers, voilà, c'est un point de vue.

Miniaturisation

Dans le domaine de la miniaturisation de l'électronique, vous avez pu voir vous-mêmes les progrès accomplis en quelques années. Dans les romans - si vous avez lu les romans classiques, quelques romans classiques de la science-fiction - on y trouve toujours des ordinateurs grands comme des montagnes, des ordinateurs immenses qui commandent au monde entier... mais ils sont immenses, ils occupent des volumes fantastiques. Or, aujourd'hui, un ordinateur de cette capacité tiendrait dans une boîte d'allumettes. Et demain il sera encore plus petit parce qu'on va arriver à l'électronique moléculaire. C'est celle que j'ai utilisée justement dans ce roman, là, La Tempête, qui commence par un... le récit d'un conseil des ministres aux États-Unis, et au moment où le Président se lève pour dire des choses importantes, son ministre de la Sécurité le fait taire, vient lui parler à l'oreille et tout à coup, le Président se livre à des gestes bizarres, il se déshabille... Pourquoi ? parce que le ministre vient de lui dire que maintenant la miniaturisation est telle que, certainement, il est possible de mettre des émetteurs dans un fil, un fil textile, donc il est possible qu'il ait des émetteurs dans sa chemise, ou dans son veston... Alors comment faire ? Le Président fait monter tout le monde dans un hélicoptère, tout le monde se déshabille, et tout le monde saute à poil dans la baie de San Francisco, sur un endroit où il y a des hauts-fonds où ils n'ont de l'eau que jusqu'à la ceinture, et là, enfin, ils peuvent délibérer sans crainte d'être entendus. Du moins le pensent-ils, mais en réalité, le matin même le coiffeur du Président est venu lui faire un rafraîchissement, lui couper un petit peu les cheveux, lui a fait une friction, et dans cette friction, sans que le coiffeur le sache, des espions avaient réussi à introduire quelques milliers d'émetteurs électroniques, de sorte que les messages s'en vont, à la verticale, vers les satellites espions qui tournent, qui sont là constamment en train de surveiller les États-Unis, comme ils surveillent tous les coins de la Terre. Voilà le point de départ de mon nouveau roman. Naturellement, comme vous le voyez, là aussi j'ai mis de l'humour, parce que... comment pourrait-on faire autrement ?

Radio et communications

Je me souviens des premiers postes de radio, on appelait ça d'ailleurs de la T.S.F., à l'époque, ils étaient au moins... ils étaient aussi grands qu'un poste de télévision d'aujourd'hui, avec des hauts-parleurs... j'en ai eu un qui avait un haut-parleur immense, avec des coupes de bois contreplaqué en forme de... de dessins gothiques, et quand on tournait les boutons de ce poste, ça faisait des crachements, des sifflements, des... c'était extraordinaire ! Et aujourd'hui qu'est-ce qu'on voit ? Vous rencontrez dans la rue un garçon, une fille, qui a l'air de se promener sur un nuage, il a un petit écouteur aux oreilles, et un émetteur, non un récepteur dans la poche. On appelle ça un walkman, je crois, en franglais. Eh bien, c'est encore trop gros ! Dans un avenir très très proche, le récepteur sera dans le casque lui-même. Et puis, effectivement, un jour, on branchera... on introduira le récepteur avec une petite incision, un récepteur gros comme une lentille, sous le cuir chevelu. Et de là, il agira directement sur les centres de l'audition et même de la vision pour donner les images de la télévision.

La télévision en trois dimensions

Et on aura les images en trois dimensions, c'est certain, on les a déjà à l'hologramme. Je l'avais d'ailleurs décrit sans le savoir dans un petit bouquin qui s'appelle Cinéma Total, qui est aujourd'hui... qui est paru en même temps que Ravage mais qui est aujourd'hui introuvable, et je disais que le gros obstacle au progrès du cinéma était l'écran et la pellicule. Et que le jour où on arriverait à supprimer l'écran et la pellicule et à créer des images uniquement par interférences de trains d'ondes, on pourrait donc créer des images en trois dimensions dont on pourrait faire le tour. Effectivement, l'hologramme c'est ça, c'est une image créée par des interférences d'ondes.

Évolution de la télévision

Mais je crois qu'une forme possible de la télévision, ce sera d'abord évidemment l'écran plat, l'écran qu'on pend à un mur comme un tableau, mais ça c'est pour demain, puisqu'il existe déjà en pratique dans les laboratoires. Mais je pense qu'on aura aussi des lunettes de télévision : on chaussera des lunettes, et ces lunettes seront comme des portes ouvertes sur un autre monde, qui, tout à coup, surgira, au lieu de regarde le monde tel qu'il est, on verra le monde de la télévision qui sera projeté devant nous dans toutes ses dimensions et ses couleurs.

L'Homme de demain et les médias

Il est certain que l'homme de demain sera soumis, par le fait de cette implantation plus grande et même cette implantation au sens propre du mot, des médias dans sa vie et même dans son corps, sera soumis à un poids de propagande absolument extraordinaire. Mais d'un autre côté, comme les émetteurs seront innombrables, et qu'ils seront au dessus de la tête des nations, et que personne ne pourra les empêcher d'émettre, il y aura donc des propagandes contradictoires, et c'est peut-être ce qui rendra à l'homme sa liberté parce qu'il se rendra compte que tout ça... que chacun dit le mensonge de l'autre, sa propre vérité est un mensonge pour l'autre et réciproquement.

Progrès de la médecine

Un domaine dans lequel, également, des progrès vont être fait rapidement, c'est la médecine. Tout au moins, si elle veut bien continuer dans la voie qu'elle s'est tracée, qu'elle commence à se tracer, de prévention des maladies. Et, très probablement, vous tous qui êtes là, allez bénéficier de ses travaux, de ses recherches, et il est probable que vous vivrez tous plus de cent ans. Longtemps, jeunes. Ce n'est pas tellement important de vivre longtemps, moi je vois maintenant que je suis à l'autre bout de la course, j'envisage, absolument sans regrets, d'arriver à la dernière porte. Je ne sais pas ce que je vais trouver derrière quand elle va s'ouvrir, peut-être rien, et peut-être ne serais-je plus en état de trouver quoi que ce soit, mais, avoir la certitude que dans quelques années, dans peu d'années, ma vie prendra fin, ne m'effraie pas du tout, et je trouve que la durée de la vie humaine, actuellement, n'est pas mauvaise. Ce n'est pas parce qu'on gagnera vingt ans qu'on sera... qu'on aura vécu davantage. On peut vivre beaucoup, en peu de temps.

Mais surtout, je crois, j'espère, que vous resterez jeunes plus longtemps, c'est cela qui est important. En tous cas, quel que soit votre avenir, quels que soient les événements de votre avenirs, ces événements ne dépendent pratiquement pas de vous, ce qui dépend de vous c'est la façon de les prendre, la façon de les accepter, la façon de les vivre. Ce qui est important, c'est de savoir à chaque instant qu'on est vivant, et que c'est quelque chose de merveilleux, qu'on est soi-même tout un univers, et que... on a des portes ouvertes sur l'autre univers, celui qui est autour de nous. Mais ces portes, généralement, nous ne les ouvrons pas. Nous avons des yeux, des oreilles, des mains pour toucher, un nez pour sentir, une bouche pour goûter, mais généralement, nous mangeons sans goûter, nous ne touchons... nous ne posons nos mains sur rien, nous ne sentons que les mauvaises odeurs qui nous affectent, nous ne voyons pas les choses, nous ne les regardons pas, nous n'écoutons pas, nous entendons ; et c'est très important pourtant, de savoir à chaque instant que... qu'on est vivant... pendant que vous êtes en train de m'écouter, là, votre cœur bat, votre estomac est en train de trier les bonnes choses que vous lui avez fait manger et les petits poisons que vous y avez ajoutés, votre tube digestif va faire le tri, envoyer le bon vers les cellules, rejeter le reste vers les... le circuit excréteur. Vous respirez même sans vous en rendre compte, vous êtes assis, est-ce que vous sentez seulement le... votre banc sous votre derrière ? Vous n'y faites plus attention, ou alors simplement pour penser que c'est dur et que cela vous fait mal. Or, eh bien, sentir qu'on a mal, c'est également sentir, c'est quelque chose, c'est être vivant. Et regarder autour de soi, quand vous allez sortir de cette classe, regardez un peu le monde. Regardez le ciel, regardez les cailloux, regardez vos copains, vos copines et... soyez vivants, ne soyez pas quelqu'un qui subit la vie, mais quelqu'un qui va au devant d'elle, qui lui tend... qui lui ouvre les bras, les oreilles, les yeux. Et respirez, respirez, sachez que vous êtes en train de respirer, c'est merveilleux, non ?

Votre avenir

Quel que soit votre avenir, il y a deux façons donc de l'envisager, de l'accepter. Je voudrais terminer cette petite visite indirecte que je vous fais en vous racontant une historie que Ramakrishna racontait à ses disciples. Ramakrishna était un sage indien du dix-neuvième siècle, un brahmane, et il aimait beaucoup parler en paraboles. Et il racontait un jour à ses disciples l'histoire de deux saint hommes, deux gourous qui avaient passer toute leur vie sous un arbre, dans le nord de l'Inde, au pied de l'Himalaya. Et ils étaient devenus si vieux, ils avaient fait tellement d'ascétisme qu'ils étaient presque pétrifiés dans des attitudes extravagantes. L'arbre au-dessus d'eux avait poussé et était devenu grand comme une colline, l'herbe avait poussé, leur barbe avait poussé, leurs cheveux avait poussé, leurs ongles avait poussé, ils se confondaient avec la végétation, les oiseaux faisaient leurs nids dans leurs oreilles, enfin c'étaient des être extraordinaires. Et un jour, le dieu Shiva leur est apparu et leur a dit « Écoutez, vous être vraiment de très, très saints hommes, alors je veux vous récompenser, vous allez me poser une question, et je vais y répondre sincèrement. »

Il faut que je vous rappelle que l'Hindouisme a comme croyance, à la base de ce qui est sa religion, l'Hindouisme croit que l'âme humaine doit traverser, enfin l'âme doit traverser un certain nombre de vies, avant... un certain nombre de vies au cours desquelles elle s'affine, elle s'épure, elle devient absolument transparente, et quand elle a atteint un degré de pureté absolue, elle peut enfin atteindre le Nirvana qui est la forme indienne du Paradis.

Alors, les deux saints hommes s'écrient d'une même voix sans même s'être concertés :« Ô Dieu, dis nous combien de vies nous devons vivre encore avant de pouvoir entrer au Nirvana. » Alors Shiva sourit, il les regarde, il regarde l'arbre immense au dessous duquel ils sont en demi-extase, il leur dit « voilà, oh, à peu près autant de vies qu'il y a de feuilles à cet arbre. » Alors, un des deux saints hommes s'écrit : « Oh ! tant que cela ! », et il se met à sangloter. Et l'autre dit : « Ah ! plus que ça ! », et il se met à rire.

Alors Shiva lui dit « Toi, tu déjà presque au Nirvana. Viens, donne moi la main, nous allons y entrer ensemble. »

Et voila, je vous souhaite... je vous conseille, et je vous souhaite, d'être de ceux qui disent « Ah... » et non pas de ceux qui disent « Oh... »

Conclusion...

Et voila, c'est terminé, j'en ai terminé, nous pourrions bavarder encore comme ça pendant des heures, mais je suppose qu'il y en a déjà au moins la moitié de vous qui est endormie, alors, je vous souhaite de bien terminer l'année, d'avoir de bonnes vacances, et je vous embrasse tous.
 


Notes

Les index correspondent aux notes de renvoi dans le texte. Elles visent à compléter et clarifier des "allusions" qui pourraient, avec le recul "historique", paraître aujourd'hui obscures.
 



Notes éditoriales

La présente page a été créée en février 2005 et présentée par la Lettre de G.M.Loup de cette date.
La lettre de juin 2008 en annonce la disponibilité de la version sonore.