Lorsque l'on va à Tarendol (j'espère que vous l'avez fait... ce n'est pas bien loin...) on voit, au cimetière (autrefois sous un magnifique cerisier, coupé et arraché en 2007),
une simple pierre marquée :
RENÉ BARJAVEL 1911 - 1985Écrivain
René Barjavel écrivain... pas "homme de Lettres" - ce qui serait assez pompeux, un rien snob et ce n'était pas du
tout son genre. Un écrivain, c'est...
Question : Qu'est-ce qu'un écrivain ?
... quelqu'un qui écrit (!), essentiellement des livres. De quoi va-t-on bien pouvoir
parler concernant « Les cinémas de René Barjavel » ? Barjavel aurait-il fait du cinéma ?
écrit sur le cinéma ? pour le cinéma ?
On connait à présent assez bien les livres de Barjavel (voir la
bibliographie). Si certains des plus anciens sont quelque peu oubliés (et nous les ferons revivre en août prochain à Nyons, où il
est prévu de donner lecture de son tout premier ouvrage, Colette à la recherche de l'amour), la ré-édition de ses plus célèbres romans, le
plus souvent en collection de poche, donne l'occasion de trouver une bibliographie rétrospective, pratiquement toujours
incomplète il est vrai, mais qui propose une vingtaine de titres, pour un total de trente-trois, de ce Colette à la
recherche de l'amour à Demain le Paradis.
Alors, le cinéma... ?
Question : A combien de films réalisés Barjavel a-t-il participé ?
Barjavel et le cinéma ce ne sont pas seulement ces (environ) trente-huit films (de "Paysans noirs" aux "Chemins de
Katmandou")... c'est bien plus que cela, tant quantitativement que qualitativement. Aussi... commençons par le début...
Vers 1920, un peu avant peut-être, le jeune René Barjavel pour qui l'école est une activité particulèrement
douloureuse, a environ neuf ans et l'un de ces objets lui donne une vocation :
Question : lequel de ces objets donna une vocation au jeune René Barjavel ?
Dans La Charrette bleue, il se souvient :
La seule classe qui m'intéressât était celle de dessin. Je fis de rapides progrès. Je dessinais en math, en
sciences, en histoire, chez moi, partout. Un jour j'apportai à mon professeur un travail que
j'avais bien réussi : un paquet de gauloises bleues près d'un cendrier blanc, avec une cigarette posée sur
celui-ci, en train de fumer. C'était mon premier essai d'une boîte de pastels que mon père m'avait achetée à
ma demande. Le professeur de dessin ne voulut pas croire que j'étais l'auteur du croquis, parce que
j'avais mis un reflet vert sur le paquet de gauloises et que, d'après lui, j'étais incapable, à mon âge, d'avoir
vu cette décomposition de la couleur. Je protestai, il s'obstina, se fâcha et me traita de menteur. Cet incident
me dégoûta des beaux-arts... Une porte venait de m'être fermée. Dommage. Si j'avais été encouragé, je serais peut-être aujourd'hui Barjador Dali...
Une vocation contrariée, on pourrait croire tuée dans l'œuf peut-être, mais non... Car si les œuvres de
Barjador Dali n'ont pas pris place dans nos musées et chez les riches collectionneurs, nous avons bien mieux.
Ce que révèle cet "incident scolaire" c'est le talent visuel de Barjavel, sa sensibilité aux couleurs, aux nuances,
à l'ensemble de ce qui fait une scène et aussi à l'importance du - on dirait maintenant - "détail qui tue"...
Et toute la suite de sa vie développera l'épanouissement de ce talent d'observateur, sous des formes variées mais
portant essentiellement sur ce sens de la vision.
Observer, et surtout "montrer". Montrer, sans démontrer, mais laisser voir, à condition bien sûr que le
"regardant" sache voir ; « Que ceux qui ont des yeux pour voir voient », et que sans voir
vraiment on voit de l'intérieur.
Né en 1911, René Barjavel a un contemporain : le cinéma. Disons qu'ils ont grandi ensemble, et que si les
débuts du cinématographe sont plus anciens que la naissance du petit René rue Gambetta, sa vie jusqu'en 1911 a été...
intra-utérine, faite d'expérimentations, et sa petite enfance commence bien en 1910, lorsqu'il cesse d'être une curiosité
de foire pour s'institutionnaliser, et qu'il commence petit à petit à donner de vraies créations - et que commence en
même temps leur exploitation commerciale...
C'est d'ailleurs à cette époque, en 1912 précisément, que l'italien Ricciotto Camido invente le terme
« Septième art », qui marque bien cette naissance institutionnelle du cinéma.
Barjavel, et sa mère Marie, le découvrent, à Nyons, au Casino qui a précédé l'actuel Arlequin.
Le cinématographe l'accompagnera tout au long de sa jeunesse.
En 1936 Barjavel arrive à Paris pour travailler chez Robert Denoël, qui l'a fait venir de Vichy pour devenir
"secrétaire de rédaction" de son magazine Le Document. Un travail technique, où il fera ses preuves même si cette
revue disparaît assez rapidement, puis il s'occupera de l'ensemble de la production éditoriale puisqu'il va devenir "chef de
fabrication" de la maison d'édition.
Mais Denoël, on le sait tant par Barjavel que par d'autres auteurs de son "écurie", Louis F. Céline en particulier,
payait ses collaborateurs et auteurs... parfois. Et il fallait bien vivre, surtout avec une famille d'abord petite et qui
s'agrandit dès 1937 avec la naissance de sa fille Renée, et de son fils Jean l'année suivante. Les débuts parisiens de "René Barjavel, journaliste"
étaient au Merle Blanc, journal quelque peu satirique. Jusqu'en 1938, ce second emploi met-il du beurre dans les épinards (ou
plutôt de l'huile d'olive dans le tian) ? Sans doute, mais surtout il donne à Barjavel un suivi au jour le jour de
l'actualité cinématographique, puisque chaque semaine il publie la critique de quatre ou cinq films qu'il a vus. Dans le
Merle Blanc - au tout début sous le pseudonyme de G.M.Loup -, dans Gringoire aussi, peut-être,
sous la signature de René Bard.
Critiques courtes - quelques phrases, incisives voire mordantes (dans la période "Loup"...) où, comme dans les fables
de La Fontaine, ce sont la concision et la précision qui apportent l'incision... Mais ces avis ne portent pas que sur
les films. Très vite derrière l'œuvre transparaissent ceux, et celles, qui la font : acteurs, actrices, réalisateurs et
surtout metteurs en scène. L'encore jeune journaliste Barjavel mûrit ses idées sur le cinéma, et le contact de
confrères, journalises ou écrivains, dont certains plus expérimentés que lui, rencontrés dans le milieu intellectuel
foisonnant qui entourait Denoël, lui donnent l'occasion de décanter sa vision du cinéma - une sorte de méta-vision
si l'on peut dire.
Les archives du Merle Blanc montrent qu'après la courte période G.M.Loup c'est René Barjavel lui-même qui se
fait un nom, dont il signe ses articles, et à partir de décembre 1937 ce sont des analyses d'acteurs, (accompagnées d'une
caricature de Moisan, Devaux, Jan Mara ou Bim), où il met en avant leurs traits caractéristiques, qualités et défauts,
et aussi ses avis sur ce qu'ils peuvent devenir et les genres de rôles qui leur conviendraient le mieux. A noter le 17
avril 1937 un article plutôt critique sur un film "comique troupier" et son acteur, Fernandel... que nous retrouverons...
Lorsque vient la fin de l'été 1939, il est difficile de disserter dans les journaux sur le cinéma. Et même de "disserter" tout court.
La guerre éclate et occupe toutes les inquiétudes. Après l'armistice, Barjavel qui n'est plus à Paris (car la maison Denoël est fermée
jusqu'à la démobilisation de son patron belge) mais quelque part (au sens de la physique quantique) entre le Roussillon
et l'Allier, prend la direction d'un journal, L'Écho des Étudiants. Il y reprend la plume pour continuer ses avis
sur le cinéma, et laisse aussi de larges places à des séries d'articles techniques de théoriciens de ce septième art que
la guerre n'a pas mis en sommeil mais qui s'interroge lui-même, au-dessus de toute idéologie (alors que ce journal, devenu bien vichyssois, n'en manque pas),
sur ses fondements théoriques et techniques.
Lorsqu'il reviendra à Paris en 1942, confiant à son ami Jean Renon la direction de L'Écho des Étudiants et aussi
les soins de sa femme et ses deux enfants restés dans l'Allier, il continuera d'alimenter le journal en articles sur le cinéma.
C'est déjà l'époque des « Histoires du Cinéma » et de travaux expérimentaux dans
des domaines qui visent à élargir ses possibilités : d'abord sonore (il l'est depuis 1906 avec le brevet du français
Eugène Lauste), puis parlant, puis coloré (depuis les années 20 après les expérimentations de divers procédés
{ voir un historique }) et, on le sent venir, en relief (avec aussi
des projections de cinéma panoramique dès 1896 (Cinématorama d'A. Baron, et Cinécosmorama breveté par
R. Grimoin-Sanson en 1897)).
En 1943 Barjavel publie dans L'Écho des Étudiants "Le cinéma de demain", une série d'articles à la fois analytiques et
prospectifs : « Le Cinéma Sonore », « Le Cinéma en
Couleur », « Le Cinéma en relief »...
On reconnait là les chapitres de son livre - que lui-même qualifira bien des années plus tard de "petit bouquin" - qu'il publiera chez Denoël à son
retour à Paris en 1944 :
CINÉMA TOTAL, ESSAI SUR LES FORMES FUTURES DU CINÉMA.
Dont la première phrase révèle la finesse de compréhension quant à ce qui rend unique le septième art :
Le cinéma est le seul art dont le sort dépende étroitement de la technique. L’architecte, malgré les
bétonneuses, peut encore bâtir en pierres de taille. L’auteur de films ne peut plus, aujourd’hui, faire un
film muet, il ne pourra plus, demain, faire un film gris, après-demain un film plat.
Le cinéma subit depuis sa naissance une évolution constante. Elle s’achèvera lorsqu’il sera en état de
nous présenter des personnages en ronde bosse, colorés et peut-être odorants, lorsque ces
personnages se libéreront de l’écran et de l’obscurité des salles pour aller se promener sur les places
publiques et dans les appartements de chacun. La science continuera de lui apporter de petits
perfectionnements. Mais il aura atteint, en gros, son état parfait. Cinéma total.
Dans ce livre, court et dense, on découvre les talents de poète visionnaire technique de l'auteur
(voir le Café Littéraire de la Journée
Barjavel 2002 et la conférence du 2 décembre 2005) et ses prédictions, qui en font une sorte d'essai de science-fiction.
Moins technique, et tout autant prospectif voire prophétique, et plongeant dans le vif du sujet, est le chapitre
« Pour un enseignement du cinéma » dans lequel il appelle de ses vœux la création d'écoles de
cinéma, vœux qui seront réalisés, pratiquement à la lettre, dès la fin de la guerre.
Une des questions, et elle est de la plus grande importance (car de sa réponse résulte la définition de qui seront les élèves des écoles de cinémas annoncées),
sur laquelle se penchent alors les théoriciens - et praticiens - du cinéma est « Qui est l'auteur d'un film ? » À la même
époque, et déjà avant 1939, un bon nombre d'articles se la posaient (entre autres dans Gringoire et L'Écho des Étudiants lui-même)
et tentaient d'y apporter des réponses plus ou moins précises.
Question : qui est, selon Barjavel, le véritable auteur d'un film ?
Barjavel y consacre le huitième chapitre de son essai, dans lequel il passe en revue les responsabilités créatrices du
réalisateur, du producteur, des acteurs, du scénariste, du monteur, des opérateurs... pour arriver avec certitude à la conclusion que :
« Qui doit être l'auteur du film ? » il ne reste qu'une réponse possible : « L'auteur du
film doit être le metteur en scène ». L'auteur d'une maison n'est ni le maçon, ni le charpentier, ni le
plombier, mais l'architecte. Le metteur en scène, comme lui, dresse le plan d'ensemble de son œuvre
et commande aux différents corps de métier qui collaborent à son édification.
Mais à condition qu'il maîtrise parfaitement son métier, qui regroupe l'ensemble des métiers du cinéma, comme l'auteur le démontre
en imaginant le metteur en scène idéal. grâce auquel
Chaque scène jouée à part, la finale avant la première, aujourd'hui après demain, la noce après le
divorce, le suicide avant l'amour, chaque scène séparée devient une pièce de la mosaïque finale dont
le metteur en scène est le seul bâtisseur, dont il possède seul dans son imagination l'image complète.
Le talent de l'acteur doit donc s'épanouir dans le cadre strict des indications qui lui sont données. Et ce
qu'on lui demande, ce n'est pas de jouer, mais de vivre.
Jusqu'à conclure, à propos de l'avenir du cinéma total, art populaire :
Le metteur en scène, pour un moment caporal de ces génies, mettra à leur service les ressources de
l'industrie et de ses progrès interrompus, et la science de mille techniciens.
Ensuite, Cinéma Total est oublié, ou presque. Pas pour tout le monde. D'abord sa structure en chapitres
continue de bien "coller" à une publication échelonnée en articles (comme la première parution dans L'Écho des
Étudiants), et on le revoit publié en 1954 dans un autre magazine de cinéma. On le retrouvera en 1976, accompagné des commentaires
rétrospectifs de l'auteur lui-même dans Ciné Magazine, revue que Barjavel fonde alors avec Frédéric Maury mais qui ne
dépassera pas six numéros (et demi), le magazine concurrent "Première" qui voit le jour en même temps emportant la
bataille de la pérennité... S'il n'a jamais été réédité chez nous (et apparement les Éditions Denoël en auraient "perdu
la trace"...), les professionnels et experts le connaissent toujours, et j'ai pu rencontrer quelques libraires
spécialisés qui le tiennent en très haute estime.
C'est dans un autre pays du cinéma, celui de Fellini, Commencini, Cinecitta et Don Camillo qu'on le retrouve
enfin en 2001, sous le titre de Cinema Totale, avec une longue et érudite préface d'Alberto Abruzzese.
(Éd. Editori riuniti, traduit par Francesca Ribes Sappa.). Il demeure donc bien une référence - peut-être initiatique...
Après la guerre c'est une vie bien plus directement productive qui va commencer pour Barjavel. Pas tellement en littérature,
dans ce domaine il s'agit d'ailleurs plutôt pour lui d'une période creuse, de "vaches maigres" en fait, car avec
l'assassinat de R. Denoël le 2 décembre 1945 il a perdu un grand ami qui lui avait apporté, entre autres, son
soutien littéraire et ses entrées dans le monde des lettres. Il va devoir voler de ses propres ailes et l'univers des livres est pour lui quelque peu incertain...
et il le lui rend bien, n'hésitant pas à considérer que :
La littérature en général, n'exerce ses bienfaits ou ses ravages que dans un cercle restreint.
Il lui reste - pour plus tard - à "redémarrer" dans le domaine de la science-fiction, et en attendant il va commencer sa "vraie" carrière
pour le cinéma, d'abord comme... écrivain.
Car bien sûr un film s'écrit. S'il a fustigé, dans ses articles et dans Cinema Total, la mauvaise tendance du
cinéma d'avant-guerre à être souvent "du théâtre filmé", surtout lorsqu'il est devenu parlant (Barjavel dit
« bêlant », car on a eu droit surtout au début à de l'"opérette filmée"), c'est que le travail d'adaptation d'une histoire - écrite - en
film - vu - est essentiel et passe le plus souvent par sa re-création.
Il commence en
1947 par « Les Paysans Noirs », un roman, plus exactement "récit soudanais" de
Robert Delavignette paru en 1931 (Ed. Stock), avec une vision très humaniste de l'Afrique coloniale. Tourné en
Afrique Occidentale Française par Georges Régnier, il est aujourd'hui oublié (en existe-t-il seulement une
archive ?) pas complètement mais presque (j'ai été contacté par la fille d'un
personnage jouant dans le film et qui se désespère de voir un jour ces images de son père dans son pays).
Son premier métier parisien de "documentaliste" et sa curiosité le conduiront à travailler à des
réalisations de documentaires, parfois à titre purement personnel. Certains titres furent diffusés avec succès, telle « La Grande Aventure »
film suédois de Arne Sucksdorff (Det Stora äventyret) dont il écrivit le commentaire de la version française
(dit par Michel Droit) et qui obtint, entres autres honneurs, le Prix International au Festival de Cannes en 1954. D'autres
resteront plus "confidentiels", comme « Télévision 1947 œil de demain » (fascinant par la précision des détails prophétisés)
ou « Les Hommes de fer », documentaire sur les armures du Musée de l'Armée aux Invalides où :
Il y a des trésors inestimables, des armures gravées comme des œuvres d'art. On pouvait y voir l'armure de Jeanne d'Arc, qui avait la particularité d'avoir une braguette formidable...
Ces deux films, s'ils relèvent clairement d'un genre non commercial, correspondent au mode d'expression le plus
authentique de sa créativité : montrer, raconter, et laisser le spectateur - le lecteur, l'auditeur -
voir et se faire son idée.
Un autre court métrage narratif; Monsieur Lune habille son fils (1953), curieuse petite histoire comique
d'un petit banlieusard qui veut acheter un costume neuf à son fils dans un grand magasin... cela fait penser à l'humour de Jacques Tati.
À dire vrai, l'expérience de Barjavel réalisateur est limitée. Le grand film dont il a rêvé, inspiré par
le Barrabas du dramatuge belge Michel de Ghelderode transposé aux fêtes du 15 août de Collioure, il l'a bien entrepris à l'été
1950, avec Jean Le Poulain (qui fera une grande carrière à la Comédie Française), Henri-François Rey, et comme
photographes les frères Fellous (dont nul n'a oublié les acrobatiques prises de vues de la scène de la cuisine des
Tontons Flingueurs). Le récit de ce tournage occupe un important chapitre de son Journal d'un Homme simple,
« Dieu est pour Barabbas ». Mais le montage ne sera pas achevé,
pour des raisons financières qu'explique Barjavel, et aussi du fait de la maladie de Barjavel déclarée en octobre 1950.
On sait que le film est devenu le roman Jour de feu, paru chez Denoël en 1957 et réédité en 1974.
Aussi la plus grande partie, et de loin, des films auxquels il a collaboré ne sont pas les siens, puisque devenu
adaptateur - dialoguiste - scénariste son rôle a été de transformer l'œuvre ou l'idée d'un autre pour les mettre
non pas en images (ce qui aurait été le travail du réalisateur ou du metteur en scène) mais en récit filmé (le scenario)
et en paroles (les dialogues). Et si, comme on l'a vu, pour lui c'est "le metteur en scène qui est le vrai auteur d'un film",
peu de "ses" films lui laissent revendiquer ce titre.
Ce sont donc des places plus discrètes aux génériques que lui ont laissées ses contributions, et parfois même pas de place du tout.
Anecdotiquement il faut quand même signaler René Barjavel acteur dans un petit film autobiographique, "Premier roman", où
il joue en quelque sorte son propre rôle :
L'histoire d'un jeune écrivain dont les jurés du prix Goncourt chuchotent qu'ils vont lui donner le prix...
Il y croit, son éditeur aussi qui fait un gros tirage et prépare les manchettes, les cocktails, le champagne pour les
journalistes... Et c'est un autre auteur qui a le prix... C'est une histoire qui m'est arrivée, pas pour le Goncourt,
mais pour le Fémina. Une expérience effrayante !...
Nous n'allons pas passer en revue les quelques 37 films inventoriés, mais voir, par quelques exemples, la diversité de ses créations et de leurs sources.
Question : Parmi ces cinq livres, quels sont les intrus ?
PARTIE FINE (James Hadley Chase)
LES MISÉRABLES (Victor Hugo)
COMME LE TEMPS PASSE (Robert Brasillach)
TIREZ LA CHEVILLETTE (James Hadley Chase)
LE DERNIER RIVAGE (Nevil Shute)
Le plus célèbre des films auxquels est attaché le nom de Barjavel, c'est, bien sûr, « Don
Camillo » (à noter que la prononciation "correcte" est, à l'italienne, "camilo" et non "cami-yo".
Un film, ou plutôt une série de films, on pourrait dire "une saga", qui a marqué une certaine renaissance du
cinéma français tant sur le plan de l'esprit (j'allais dire "du spirituel" mais n'anticipons pas) que du fond :
humour et esprit accessibles à tous, chaleureusement humains et prônant une grande tolérance en plein épanouissement de
la Guerre Froide, tolérance que la France et l'Europe cherchaient depuis la fin de la guerre. A preuve les critiques
enthousiastes tant dans « La Croix » :
Nous n'avons pas affaire à un film ordinaire [...] Fernandel est à ce
point Don Camillo que le nom même du prêtre italien est devenu pour lui une sorte de patronyme. (Pierre-Jean Guyo, à propos du Retour de Don Camillo)
que dans « L'Humanité »
« Don Camillo » [...] doit son succès [...] au fait
qu'il traite d'un problème politique actuel qui préoccupe la masse des petites gens de notre pays : comment s'unir,
et en particulier, comment s'unir avec les communistes.
En 1951, Barjavel se remet d'une grave maladie dont il nous parle dans son Journal d'un homme simple (voir la présentation) et, plus tard, il racontera :
- Grâce à une aide amicale extraordinaire, j'ai pu aller à la campagne, passer un an, me guérir. En 1950. C'est là, à
Sospel, que le miracle est arrivé: un télégramme de Duvivier qui me demandait si je voulais faire l'adaptation et les
dialogues d'un livre italien. C'était Le Petit Monde de Don Camillo. A partir de cet énorme succès, je suis devenu
l'homme qui fait gagner de l'argent au cinéma, j'ai pris une valeur sur le marché.
Pour le cinéma français, et le réalisateur, Julien Duvivier, et pour Fernandel (qui sera reçu pour cela par le Pape),
c'est bien un immense succès, y compris sur le plan financier. Pour Barjavel... hum... car si les autres membres de
l'équipe ont été rémunérés par un pourcentage sur le chiffre du film, lui a, un peu naïvement car alors surtout pressé par des
besoins financiers, accepté un forfait de 300 000 Francs (de l'époque) - alors que Fernandel, par exemple,
allait toucher au total 200 millions de Francs. Pire encore, le Trésor Public, prenant l'hypothèse d'un revenu "au
pourcentage" comme les autres, fit subir au scénariste un redressement fiscal injustifié dont il eut le plus grand mal à
s'extirper...
Le point de départ a été le livre de Giovanni Guareschi - une succession de chapitres indépendants constituant chacun une courte
histoire, car il s'agissait de la compilation de chroniques parues à partir d'une tout première historiette le 23 décembre 1946
dans l'hebdomadaire italien Candido mais dont le succès - et les réclamations des lecteurs - forceront
l'auteur à récidiver avec 36 histoires regroupées dans le premier recueil, Monde Piccolo, Don
Camillo, paru en 1949 et traduit en français en 1951 par Genni Luccioni.
Le réalisateur Duvivier s'y intéresse, mais considère que
... je me suis rendu compte que sa transposition serait plus délicate que je
ne le pensais d'abord. Il manque, en effet, un lien dramatique à cette série de chroniques. Il faudrait établir une
continuité sans enlever à l'ouvrage son caractère de spontanéïté et de charme.
Barjavel, alors encore "débutant" dans cette activité, s'est donc trouvé confronté à un exercice qu'on peut penser amusant, mais délicat.
L'adaptation portait sur au moins deux plans : le moyen d'expression (passage de récits, décousus et parfois contradictoires, à un film)
et aussi la contrainte de l'acteur. Car à la lecture du livre, ce n'est pas l'image de Fernandel qui vient de prime abord à l'esprit
(bien que nous ayions, maintenant, la vision biaisée par le succès du film) : on imagine, comme Duvivier
initialement, un personnage plus "musclé"... Un récent remake a donné le rôle a Gérard Depardieu, plus proche de
cette personnalité, mais avec un succès tellement confidentiel que je me demande s'il est vraiment sorti sur les écrans - apparement, non.
La série des Don Camillo s'est poursuivie, avec Duvivier, puis Gallone et enfin Comencini, et toujours avec
Barjavel jusqu'à Don Camillo en Russie (1965), en mettant à part Don Camillo et les contestataires, dirigé d'abord par Christian-Jacque et
interrompu par la maladie de Fernandel, et l'ultime et plutôt parodique de Terence Hill (de son vrai nom Mario Girotti) en 1983.
Barjavel a donc travaillé à toutes sortes de films, des comiques, ou du moins "amusants", mais qui gardent un fond de
réflexion et des appels à la tolérance (thème que Barjavel mettra à l'honneur le 21 octobre 1973 dans son article au Journal
du Dimanche sur Louis De Funès et Rabbi Jacob), mais aussi des sujets graves, comme dans Les Chiffonniers d'Emmaüs (d'après le livre de
Boris Simon) (voir une présentation)
ou Le Cas du Docteur Laurent (1957, de J.-P. Le Chanois avec J. Gabin).
Des thrillers aussi, même si le terme n'existait pas encore, encore
avec J. Duvivier :L'Homme à l'imperméable dramatico-comique adaptation d'un roman d'un tout autre style
de J. H. Chase, « Partie Fine » (J. Duvivier, 1957, avec Fernandel et B.Blier)
ainsi que Chair de Poule (d'après « Tirez la chevillette » du même J. H. Chase),
avec Robert Hossein et la plantureuse et fatale Catherine Rouvel.
Une épopée, Les Misérables dans la grandiose et longue réalisation de J.P. Le Chanois (en deux parties,
d'une durée totale initiale de près de cinq heures.)
Ce film fut pour Barjavel l'occasion d'une redécouverte de Victor Hugo, et d'un travail très personnel, ne se contentant
pas de transposer en film le roman, mais y a glissé quelques touches bien à lui, mettant dans la bouche des personnages
ses propres pensées, éventuellement bien loin de celles du romancier.
Ainsi, alors que dans le roman Mgr Myriel, gérant de la trésorerie des offrandes pour les pauvres :
...mais rien ne put faire qu'il changeât quelque chose à son genre de vie et qu'il ajoutât le moindre superflu à son nécessaire.
Barjavel reprends l'idée associée à ces mots ("superflu"..."nécessaire" / "beau"..."utile") pour lui faire dire, au moement de constater le vol des chandeliers :
...le beau est aussi utile que l'utile, plus, peut-être.
il faut lui assurer non seulement le nécessaire mais le superflu, qui est encore plus indispensable que le nécessaire.
et il le redira en d'autres occasions.
Mais il nous faudra reparler tout à l'heure des Misérables, car ce film, du moins l'adaptation que fit Barjavel, me laisse par certains aspects quelque peu perplexe.
Dans une autre œuvre magistrale, il met dans la bouche de l'héroïne qui vient d'embrasser (ou de se faire embrasser par)
le héros, la très belle phrase :
Question : Dans quel film entend-on ?
...après avoir été amoureuse de vous, aimer un autre homme c'est comme boire de l'eau après avoir goûté du Marsala...
C'est Le Guépard (Il Gattopardo), de Luciano Visconti (Palme d'Or à Cannes en 1963) d'après le roman de Giuseppe Tomasi Di Lampedusa,
dont Barjavel écrivit l'adaptation en français, et c'est le jeune premier Alain Delon (Tancrède) qui est l'heureux virtuose du baiser dont s'est
extasiée Claudia Cardinale (Angelica Calegoro)...
Fernandel, Delon, Hossein, Gabin, Jean Marais (dans Goubbiah en 1956), Louis de Funès (alors chevelu, dans
Le Mouton à cinq pattes et L'Étrange désir de Monsieur Bard en 1953), Romy Schneider et Jean-Paul Belmondo (dans Mlle Ange
(1959). On voit que ces "stars" qui allaient atteindre le faîte de leur carrière ont mis dans leurs bouches les mots de Barjavel.
On n'oubliera pas non plus son ami personnel Gérard Philipe, qu'il connaissait bien avant de faire avec lui en 1956
Les Aventures de Till l'espiègle (d'après le livre de De Coster).
Till l'espiègle - qui à vrai dire semble quasi oublié maintenant, même des admirateurs de Gérard Philipe -
est l'un de ces films pour lesquels Barjavel a écrit non seulement les dialogues, mais aussi les chansons.
Question : Quels sont les autres films dans lesquels s'entendent des chansons écrites par Barjavel ?
Les Chiffonniers d'Emmaüs : « Le ciel de chez moi », subtilement en mémoire de
Nyons (chantée par le mendiant qui donne le fruit de sa quête à l'Abbé Pierre), et « Compagnon va ton chemin » (musique de J.Kosma).
L'Homme à l'imperméable : plusieurs chansons dont « La triste noyée » (musique de G.van Parys).
Saturnin le poëte : film énigmatique contenant la chanson « Beau Dimanche »
(musique de Joë Hajos)
Il faut ajouter
Monsieur Lune habille son fils, court-métrage de Barjavel lui-même dont le thème musical de Georges Van Parys est l'air de la chanson Deux enfants dans un jardin.
Tous ces acteurs - et actrices, à la diversité de personnalités tant "physiques" que de tempérament, à l'écran
aussi bien qu'"à la ville", ne se font pas parler de la même façon ! Barjavel en avait bien conscience et il
maîtrisait cette contrainte, non parfois sans un certain agacement (je le citerai tout à l'heure).
Et nul doute que l'apprentissage du monde du cinéma que ses chroniques d'avant-guerre lui avait apporté l'a aidé à
cerner les traits essentiels d'un acteur et y adapter son rôle, ses mots et son comportement.
Au début des années 60 Barjavel est donc plus connu (voire reconnu) comme homme de cinéma que comme écrivain. Ses
romans (Ravage, Le Voyageur imprudent et Le Diable l'emporte) l'ont certes affirmé comme
l'"originateur" de la science-fiction française moderne, mais depuis cette activité s'est "mise en veille".
La France a découvert la S.-F. américaine, et Barjavel continue à suivre de près son univers, et il y contribue par des articles, des avis (dans Les
Nouvelles Littéraires) et la préparation de quelques textes (Colomb de la Lune est en gestation dans la revue Fiction).
Et en 1966-67, il écrira l'adaptation française de la première série de science-fiction à la télévision française, Orion, commando spatial, co-production franco-allemande qui a encore ses fans outre-Rhin, et dont
la musique du générique est... toute une époque.
On peut donc penser qu'il est plus "branché" dans le monde du cinéma, même si, comme il le dit dans son Journal
d'un homme simple, il reste "mitigé"... ainsi, à propos de Geza von Radványi, avec qui il fera trois films :
Femmes sans nom (1949), L'Étrange désir de Monsieur Bard (1953) et Mademoiselle Ange (1959) :
J'ai déjeuné avec Radványi, le metteur en scène hongrois dont le dernier film, Quelque part en Europe a fait beaucoup de bruit. Il se pourrait que je
travaille avec lui pour son prochain film. Mais tant que je n'aurai pas signé, je n'y croirai pas. Je commence à connaître les gens de cinéma. C'est un monde bien curieux.
et, à propos de son projet de film Barabbas, qui ne sera jamais fini mais deviendra son roman Jour de feu :
J'ai écrit une bien belle adaptation cinématographique de Barabbas, la pièce de Ghelderode.
Je dis " bien belle ". Je le dis toute la journée, à tout le monde. Je suis décidé à adopter les mœurs du monde du cinématographe. Si je veux réussir dans ce milieu, ce n'est pas en me conduisant eu honnête homme, et modeste, et après vous je vous en prie, que j'y parviendrai. Je dis donc " bien belle ". c'est d'ailleurs vrai.
Il se fait dans ce monde de précieuses relations, techniques, amicales et, il faut bien le dire, même plus.
Deux vont marquer le tournant de sa carrière, et de sa vie.
Il rencontre vers 1962 Christian de Saint Maurice, réalisateur débutant dont l'unique film, Suspense au Deuxième
Bureau a définitivement sombré dans l'oubli, mais qui laissera ensuite son nom attaché à celui de Pierre de Lagarde pour la longue production
télévisuelle « Chefs d'œuvre en péril ». C.de Saint Maurice est marié à une jeune irlando-polonaise
(qui a d'ailleurs mis - à fonds perdus - ses économies personnelles dans le film), Olenka, qui pratique l'astrologie.
On connait (un peu) la suite... et le rôle que celle-ci, son "célibat" retrouvé, allait jouer dans le rebond de l'activité
littéraire de Barjavel au tournant de 1968.
Il devient aussi l'ami de Maître Marcel Truc, ancien avocat qui s'est tourné vers une
forme de cinéma engagé, ou plutôt militant pour la recherche de la vérité sociale derrière les faits, dénonçant
injustices et drames sociaux. Nous sommes tous des assassins (1952) laissera un souvenir très fort jusque dans les années
70 à propos de l'abolition de la peine de mort. De manière assez informelle semble-t-il, Barjavel et André Cayatte (c'est de lui qu'il s'agit)
se penchent sur un projet de film dont l'idée vient de Cayatte, qui envisage de s'attaquer à un genre nouveau, le cinéma de science-fiction.
Barjavel raconte :
Un jour il [Cayatte] me téléphone en me disant : Voilà, j'ai un sujet pour un film de science-fiction et il n'y a que vous qui puissiez m'aider à faire l'adaptation et à débrouiller cette histoire.
[...] "On trouve sous la banquise un homme en hibernation depuis cinq mille ans. Il faudrait voir ce que l'on peut en tirer..."
Cela commence à trotter dans ma tête et finalement je commence à écrire un début de scénario. Avec Cayatte, nous allons
travailler dans le Midi, et tous les jours je lui propose un nouveau développement que Cayatte trouvait à chaque fois
médiocre... Et puis un jour, je lui dis que cette histoire ne tient pas debout : un homme tout seul sous la banquise, on
ne peut rien en tirer. Il faut y mettre un couple, c'est Roméo et Juliette et là on peut faire tout ce qu'on veut...
Je recommence alors une nouvelle histoire et en deux semaines j'écris un scénario d'une soixantaine de pages qui
s'appelait La Nuit des temps... Nous l'apportons au producteur qui nous faisait confiance, il le lit, saute au plafond
en disant que nous tenions un film génial. Puis huit jours plus tard, il téléphone à Cayatte en lui disant que la
réalisation de ce film coûterait trop cher. Impossible même de faire un devis, et il nous rend notre scénario...
D'autres producteurs ayant la même réaction, le scénario finit dans un tiroir, puis disparait...
Peu avant, une "fausse nouvelle" (on dirait maintenant "un bidonnage") avait été publiée dans la presse en mal d'inspiration,
quelque chose comme :
Les journaux annoncèrent en trois lignes qu'un satellite américain passant au-dessus du pôle sud, avait reçu
et enregistré des signaux radio. Je fus naturellement passionné par cette nouvelle. J'attendis la suite les jours
suivants, en cherchai un peu partout confirmation : zéro. C'était une perle de l'été...
On sait ce qu'il en est advenu (voir la page consacrée à La Nuit des temps).
L'ébauche de scénario devient roman, et Barjavel, vivement encouragé par son amie Olenka, redevenue de Veer,
le fait paraître à l'automne 1968. Il obtint le Prix des Libraires, et son succès ne s'est jamais démenti depuis
près de 40 ans.
Cette "renaissance" de Barjavel au monde des Lettres va amener la fin de son activité pour le cinéma, activité dont il
était déjà passablement lassé d'ailleurs. Son succès fait redécouvrir ses romans précédents, et ses avis personnels mûrissent dans
les chroniques qu'il prend au Journal du Dimanche à partir de janvier 1969, initialement avis sur la télévision
et ses films ("Le point de vue du téléspectacteur"), puis chroniques plus générales, sous les titres "Choses vues", puis
"Libres Propos", dans lesquels les avis sur les films et les acteurs ne manquent pas.
Plutôt donc vu au travers de la télévision, mais celle-ci n'est-elle pas, comme il l'a prophétisé dès Cinéma Total et Cinéma 1947, le
cinéma de demain ?
(Il est à noter que dans les regroupements en trois recueils de ces articles, Les Années de la Lune..., les textes ont été allégés des parties
concernant directement les films vus à la télévision.)
Le film La Nuit des temps reste à faire... permettez moi de laisser ce sujet pour la fin...
Cayatte et Barjavel vont continuer leur association, avec d'autres idées de scénarios suggérées par le réalisateur.
L'une, "un savant découvre par hasard le virus de l'immortalité..." ne se concrétisera pas en film, mais deviendra elle aussi un roman de Barjavel
qui obtiendra le Prix des Maisons de la Presse en 1973 (il deviendra quinze ans plus tard en téléfilm de 6 épisodes, réalisé par Jacques Trébouta) : Le Grand Secret
Question : Voici la musique d'un film... lequel ?
C'est un autre sujet, plus dans les cordes de Cayatte, qui va les amener à se pencher sur une question sociale qui bat
son plein à la fin des années 60, le phénomène hippie, la drogue et les voyages vers l'Orient.
Bien que parti de l'intention de traiter d'un tout autre sujet, celui de l'adoption,
Cayatte découvre au Népal les communautés de jeunes hippies, attirés par l'expérience du voyage, psychédélique, phyto-chimique ou autre.
Les milieux de l'intelligentsia, écrivains, personnalités politiques, ressentent le phénomène de manière particulièrement
douloureuse car ils y voient, dans leurs familles mêmes, l'effondrement de leurs valeurs. Des amis de Cayatte, non clairement
identifiés (encore que...) - ont vu leur fille partir on ne sait où, vers l'Orient et ses mirages...
Visant entre autres à montrer les mécanismes, les dangers et les pièges de ces "expériences aventureuses", Cayatte va réaliser un
film, prenant son départ sur l'épilogue des événements, "en queue de poisson" pour certains, de mai 68. Si ceux-ci ont bien
annoncé des mutations profondes mais à plus long terme de la société, un bon nombre de ceux qui les ont vécus y voient la
fin d'une expérience, et cherchent autre chose...
Les Chemins de Katmandou sort sur les écrans le 26 septembre 1969.
Barjavel a étoffé le scénario et construit les dialogues, et l'équipe s'est rendue sur place pour le tournage (ce qui n'était pas prévu
initialement). Avec une autre génération d'acteurs... après Gabin et Fernandel, c'est le (jeune) couple Gainsbourg et
Jane Birkin qui se retrouvent pour la deuxième fois à l'affiche (ils s'étaient rencontré un an avant, pour
Slogan).
Peut-on dire que le film a été un succès ? Quelqu'un ici l'a-t-il vu ?
Pour la critique, pour les acteurs eux-mêmes, un mot l'emporte : « navet »... et même certains ne sauront pas le qualifier, comme dans l'émission "Le masque et la plume" :
Écoutons cet extrait de la célèbre émission « Le Masque et la Plume » du 5 octobre 1969
Certes, la réalisation tombe parfois dans la caricature, et les péripéties du tournage avec les "vedettes" Gainsbourg et
Birkin ne facilitèrent pas forcément les choses...
Aussi, juste après le film, Barjavel reprit sa plume et en fit un roman (voir la présentation).
Qui eut, lui, un bien plus grand succès, et a probablement fait oublier le film...
Et qui a vu la fin de son activité pour le cinéma...
Mais ce n'est pas fini... Avant d'aborder ce qui est selon moi, peut-être paradoxalement, la partie la plus intéressante de l'œuvre
cinématographique de Barjavel, il faut mentionner quelques films "élaborés" mais qui n'ont pas été réalisés...
J'ai parlé de Barabbas, de La Nuit des temps, d'une certaine façon du Grand Secret ; on trouve
aussi les archives de deux scénarios écrits mais non réalisés, Les Femmes de la tempête (alias Le Chant de la barque),
co-écrit avec son ami Morvan Lebesque (il fut publié dans le magazine Ciné-Digest),
ainsi qu'un projet très psychologique avec Duvivier, Les Déserteurs, dont le scénario est conservé à la
Bibliothèque du Film.
La revue Ciné-Digest (n°1) publiant le scénario de
Les Femmes de la tempête
Le début du scénario des Déserteurs conservé à la BiFi
Les choses vont maintenant se corser, car nous allons aborder le sujet plus controversé (ou "controversant") des adaptations en films de
romans de Barjavel...
Il faut dire que c'est très tentant, surtout lorsqu'il s'agit de romans conçus, et écrits, comme des scénarios de film,
et, je l'ai mentionné pour commencer, l'écriture de Barjavel est toujours très "visuelle" et "scénique", et incite
inexorablement à une vision filmique.
Et Barjavel diagnostiquait précisément :
Le cinéma était le grand miracle des temps modernes [...] Il rendait enfin visible le merveilleux qui habitait depuis
toujours dans la tête des hommes, installé dès leur enfance par les recits et les contes, puis les livres [...]
Avant d'être imprimées, les histoires avaient franchi les siècles, intactes, par la tradition orale.
Le conte était tout entier en images dans la tête de l'enfant. Chaque mot engendrait son image. Ma-sœur-Anne, pour
moi, c'était la sœur aînée d'une copine de la maternelle.
Mais avant d'en débattre, un état des lieux s'impose : il y a bien eu des réalisations, curieusement peut-être,
pas du tout dans l'ordre chronologique de publication des romans.
C'est en 1981 que fut adapté en téléfilm (pour TF1) Les Dames à la Licorne, roman écrit à deux mains avec
Olenka de Veer et publié en 1974 ; si l'adaptation est de Lazare Iglésis (avec Madeleine Robinson), le scénario est
bien de René Barjavel et les auteurs ont clairement collaboré au projet.
En 1982 c'est Le Voyageur Imprudent qui fait l'objet d'une adaptation quelque peu humoristique par Pierre
Tchernia, en téléfilm pour Antenne 2. Là, le générique mentionne simplement “d'après le roman de René
Barjavel”, mais le scénariste s'est donné certaines libertés avec le roman original. Mais cela avec affection et
respect car Tchernia, dans une interview, confie que Barjavel est l'un de ses auteurs préférés.
On a ainsi pu voir Pierre Saint-Menoux sous les traits de Thierry Lhermitte, et Jean-Marc Thibault en Essaillon...
Alors que Barjavel avait cédé les droits d'adaptation de Tarendol à Julien Duvivier dès 1946, rien ne s'est fait
pour diverses raisons, et la chose fut reconsidérée après la disparition brutale de Duvivier en 1967.
Un projet est monté et l'adaptation en téléfilm se prépare en 1977, ici même. La diffusion aura
lieu en janvier 1980, en 4 épisodes sur Antenne 2. Si Barjavel a sa part imporante de création dans ce téléfilm
fort émouvant qui fit découvrir la jeune et jolie Florence Pernel, il déplora le personnage fictif du narrateur-romancier, qui s'il est
bien présent "virtuellement" dans le roman (comme dans beaucoup de livres de Barjavel, qui est rappelons le un “conteur” accompagnant son récit de commentaires en voix off),
impose sa présence pesante (interprétée par Michel Duchaussoy) entre les scènes du film, silhouette coiffée d'un chapeau qui
le fait ressembler à une sorte de fantôme de Jean Moulin.
J'ai longtemps regretté qu'il n'ait jamais été rediffusé, en France du moins (il semblerait qu'il ait été diffusé plusieurs
fois en Belgique), jusqu'à l'automne dernier où il a, enfin, fait son apparition dans les archives restaurées mise à la dispoition du public par l'INA.
En 1989, c'est Le Grand Secret qui est enfin proposé au public, dans un téléfilm - une série
plutôt - de six épisodes, dans une coproduction franco-italo-allemande adaptation du "scénario d'André Cayatte
d'après le roman de René Barjavel" par Claude Veillot réalisée par Jacques Trébouta. Si la trame du roman est conservée,
l'histoire est transposée vingt ans plus tard, ce qui rend impossibles certaines allusions à l'actualité (Kennedy, de
Gaulle, Kroutchev...) qui font toute la saveur du roman. De plus les proportions respectives des deux parties du récit
("quête" de Jeanne et vie dans l'Île) sont modifiées, l'importance de la seconde partie étant nettement diminuée.
Il es difficile de dire ce qu'en aurait pensé Barjavel.
Vous le devinez, il reste LA question essentielle, celle que tout lecteur de Barjavel s'est posée, se pose et... me
pose...
Qu'en est-il de La Nuit des temps
Eh bien... il y a eu des projets - dont certains partagés par Barjavel lui-même, telle la production démarrée au
début des années 70 dans le nord de l'URSS avec des décors glacés "grandeur nature" - puis abandonnée. D'autres rumeurs de
projets... des ébauches...
C'est que le montant des droits d'adaptations, co-détenus par les ayants-droits de Barjavel et de Cayatte, et gérés par un avocat d'affaire pointilleux,
est très élevé, et, d'après ce que j'ai appris, ils constituent une option "à durée limitée", c'est à dire que si le film n'est pas fait dans les
deux années, les droits sont perdus.
Parmi les rumeurs, plus ou moins fondées (en fait il est exact qu'il y a eu négociation des droits, mais ils ont expiré),
citons Luc Besson et sa société de production EuropaCorp, un cinéaste espagnol, et des contacts avec des américains, et des projets
enthousiastes et fulgurants, des maquettes, et des rêves, et...
La Nuit des temps serait-elle un "bon" film ? S'il est vrai que le fort impact visuel et scénique du
récit est très motivant, le déroulement de l'histoire telle que l'a écrite Barjavel n'est peut-être pas en adéquation
avec un certain cinéma à grand spectacle auquel les superproductions, à l'américaine en particulier, nous ont habitués.
Pourtant on a bien les ingrédients d'un scénario-catastrophe de la catégorie des “films de
fin”. Mais point de super-héros, ni d'anti-héros à l'héroïsme caché qui
sauverait finalement la civilisation. Pas non plus de sauveteurs musclés, ni de déploiement de forces d'intervention
suréquipées pour une fin qui, dans le roman, n'exalte pas la rédemption par l'amour et ne laisse la place à aucun rebondissement
autre que la réflexion du lecteur : on jugera de la difficulté à transposer un tel scénario en quelque chose comme Le Cinquième
Élément, Armageddon ou une nostalgique prolongation à la Titanic...
Barjavel aurait peut-être fait, pour le film, une fin différente ; j'ai d'ailleurs appris que le roman n'avait pas
été facile à finir, et que trois versions de la fin avaient été écrites avant le choix ultime de celle que l'on connaît.
Et cette fin reste, sous peine de voir irrémédiablement dénaturé le roman, et l'histoire, comme la présentait Jean-Pierre Andrevon
dans la revue Fiction :
Le livre s'achève, ou ne s'achève pas, sur un temps, suspendu, alors que notre planète est dans un équilibre
plus précaire que jamais au bord du gouffre. Le temps d'un éphémère enthousiasme, d'une douteuse solidarité est passé, il ne
reste plus rien qu'un goût de cendre dans la bouche, que la saveur amère d'une larme, bien peu de chose en somme.
Et aujourd'hui, en 2011, qu'en est-il ?
Alors, pour conclure, il faut laisser la parole à l'auteur, à Barjavel écrivain, et écouter son propre avis non pas sur le
cinéma (Cinéma Total et ses nombreux articles sont là pour cela), mais sur son travail d'adaptateur de film.
Aussi je propose de l'examiner à partir de l'une de ses réalisations évoquées précédemment, « Les Misérables », de Le Chanois avec Jean Gabin dans le rôle de Jean Valjean.
Comme beaucoup de Français, Barjavel avait lu Les Misérables dans sa jeunesse ("comme tout le monde" dira-t-il). En mars 1952 il entend à la
radio une adaptation par Carlo Rim, et écrit dans Carrefour une critique virulente, non pas de l'adaptation elle-même
qu'il trouve justement excellente, mais du roman et de la littérature hugolienne même dont voici un aperçu :
Victor Hugo est sans doute un des hommes qui ont fait le plus de mal au peuple français. La littérature en général,
n'exerce ses bienfaits ou ses ravages que dans un cercle restreint. Il y a vraiment très peu de gens qui lisent, en
France. Mais Victor Hugo a pénétré dans tous les foyers, mêmes les plus humbles, et il intervient dans la formation
d'esprit de l'enfant tout de suite après l'a.b.c. C'est « Mon père, ce héros » et Les Braves Gens qui commencent à
diriger les jeunes sensibilités vers les sentiments gonflés, les nobles attitudes et le mélodrame intérieur. Les
Misérables sont sans doute le chef-d'œuvre de ce génie d'imbécillité, et tout le monde en France, depuis un siècle, a lu
Les Misérables. Je retrouvais l'autre soir, en écoutant l'émission de Carlo Rim, des souvenirs qui remontaient à ma
dixième ou ma douzième année, de vieux bouquins illustrés qui avaient déjà été lus par trois générations, et dans
lesquels je me plongeais comme dans une mer de grenadine.
Ce roman a été inspiré par une grande pensée humanitaire, disent aujourd'hui les officiels du cent cinquantenaire.
Si on regarde d'un peu près, on s'aperçoit pourtant que sa véritable mesure est donnée par le geste de Mgr Myriel,
rachetant l'âme de Jean Valjean au prix de deux chandeliers et trois fourchettes. Et ce rien est gonflé de vent comme
les ballons du professeur Piccard.
Les vices et les vertus des personnages de Victor Hugo, qui paraissent à première vue exemplaires parce que
démesurés, sont simplement anormaux, comme ce maçon égyptien qui atteignit la taille de trois mètres parce qu'il s'était
démoli une glande en tombant d'un échafaudage. C'était un monstre. Ainsi en est-il de Valjean et des Thénardier.
Ils ne peuvent pas être exemplaires parce qu'ils n'ont rien de commun avec ce qui est. Le commerçant qui vole cinq
grammes de beurre à chaque pesée et refuse une cerise à un enfant est un bien brave homme après avoir entendu dans son
poste les voix graillonneuses des Thénardier discuter du prix auquel ils vendront Cosette. Et pourtant l'horrible
personnage, c'est lui, avec sa malhonnêteté commune. Tout le monde peut rêver d'imiter Jean Valjean. Mais de pareilles
circonstances ne se présenteront jamais à personne. Bourrant sa conscience de réprobation pour des bandits
invraisemblables et d'admiration pour d'impossibles héros, le petit lecteur moyen des Misérables peut désormais se
sentir à l'aise dans son quotidien et moyen égoïsme, dans sa petite cupidité et ses méchancetées mesurées.
En gonflant les vertus comme des baudruches de carnaval, Victor Hugo les a rendues inconsistantes, inaccessibles,
vagues et molles.
Ainsi a-til contribué à donner aux Français l'habitude de remplacer l'action par des gestes, l'amour par
l'attendrissement, le courage par l'héroïsme au tambour et l'honnêteté par des étiquettes.
Son œuvre convient admirablement à la radio, ce rien qui fait du bruit. Carlo Rim, avec une très grande
adresse, a tiré du roman une sorte de monstrueuse fresque en images d'Épinal. C'est de la quintessence du super-Victor
Hugo. C'est grandiose.
L'action, dépouillée de son verbiage, apparaît toute nue dans son indéniable sottise. C'est tellement gros que cela
a l'air d'une parodie. Pourtant Carlo Rim n'a rien rajouté. Tout est bien pris chez Victor Hugo. À côté de ça, Malheur
aux barbus semble une œuvre académique. Ce serait à pleurer de rire si on ne pensait que des dizaines de millions de
Français ont tété leur première nourriture à ces mamelles de saindoux.
C'est à pleurer, tout court.
Et Gabin ? En janvier 1939, Barjavel écrivait dans Le Merle blanc son avis sur Gabin et son personnage...
C'est pas un gars à fréquenter... S'il a tant de succès, c'est que chaque spectateur se sent, au fond de son coeur,
un peu son cousin germain. La vie paresseuse de souteneur, la facilité de gestes meurtriers, la lâcheté du suicide, tentent sans cesse 1homme,
animal sans volonté et sans courage. Le personnage de Gabin se laisse aller à la tentation. Ce qui le commande, c'est la pire sentimentalité, ce sont
les instincts médiocres. Il ne resiste a rien. Il n'est pas roc dans le courant. Il est margarine. Il est emporté, brisé, détruit.
Et il renaît dans un prochain film pour recommencer une existence encore plus lamentable
Lorsqu'en 1956 il commence l'adaptation avec Le Chanois (alors qu'initialement celui-ci avait fait appel à Audiard, mais
des profondes divergences de vues avaient mis à terme à cette ébauche de collaboration), il redécouvre Hugo, et, raconte Le Chanois,
il [Barjavel] a été emballé. Il a été littéralement conquis à l'âge d'homme par Les Misérables.
Cela m'a confirmé dans lidée que l'on pouvait très bien, à un moment donné, ne pas être sensible à l'œuvre et, au
contraire, à un autre moment, en percevoir toute la grandeur, y trouver une source d'exaltation et d'enrichissement.
Bien, bien...
Mais alors que sa carrière cinématographique s'est terminée, Barjavel, interviewé en 1974 pour Le Dauphiné Libéré
par son collègue journaliste et écrivain Jean Durand pour une série d'articles récapitulant ses activités,
confie, presque rageusement et avec une certaine amertume :
Écrivain de cinéma, de la m..., un métier de p... Il faut penser au type pour lequel on écrit. On ne fait pas
parler Delon comme Gabin...Ainsi vous me voyez, moi, émotionnel, écrivain pour le rationnel Cayatte ? Et pourtant, je
l'ai fait ! Don Camillo ? Ça, c'est une autre histoire, pas très glorieuse. Mais j'avais faim et une famille à nourrir.
[...] Ah ! Don Camillo disait Barjavel amer. Duvivier, Guareschi et Fernandel étaient au pourcentage. Pour sa
part Fernandel a touché 200 millions de l'époque. Et moi qui avait besoin de vivre, j'ai accepté ce que l'on m'a donné
au départ, 300 000 F, très légers. Mais j'étais pris dans l'engrenage du quotidien et de la routine. Alors j'ai continué
ma vie en faisant des navets. J'ai même écrit pour Le Chanois une adaptation des « Misérables » en deux épisodes.
Quelle honte ! Pardon père Hugo !
Et « le cas du docteur Laurent » pour Gabin ! Gabin avait un vocabulaire très réduit. Si vous lui
écriviez des mots qu'il n'employait pas, il ne les disait pas et mettait autre chose à la place. Alors il fallait
écouter Gabin parler pour faire un dialogue à sa mesure. Dialoguiste de film... Oui, un métier de p...
Ailleurs, il expliquait, plus "calmement"
Pour vivre, il faut donc faire "autre chose". Pendant vingt ans j'ai fait le métier d'"auteur de cinéma" :
adaptateur-dialoguiste. En écrivant chaque ligne, il faut penser à donner satisfaction au metteur en scène, car c'est
lui qui est le maître d'œuvre et qui aura le demier mot sur le plateau. A donner satisfaction au producteur en
n'inventant rien qui puisse augmenter son devis. A donner satisfaction à l'acteur principal, car si l'on n'écrit pas le
rôle selon sa nature il le jouera mal.
A donner satisfaction aux goûts momentanés du public, car il faut qu'il vienne emplir les salles pour que l'entreprise ne soit pas déficitaire.
Bref, à donner satisfaction à tout le monde sauf à moi-même. N'est-ce pas la définition même du travail de la prostituée ? Mais au moins est-elle honorablement payée.
Faut-il pour autant "oublier" les films de René Barjavel ? Certainement pas, car ces impressions virulentes sont
celles d'un homme à un tournant de sa vie, et il a bien reconnu :
Mais j'ai eu ma réussite professionnelle au cinéma en tant que scénariste et dialoguiste. Et puis
vraiment, je n'avais pas la mentalité d'adjudant qui est nécessaire à un metteur en scène.
Aussi son vrai point de vue était-il sans doute celui qu'il portait sur l'ensemble de son œuvre :
Ecrivain, je n'aurais pu faire mieux que ce que j'ai fait. J'ai mes moyens et j'ai mes limites. J'ai marché
avec les os et les muscles que mes ancêtres m'avaient légués, et selon l'entraînement que mes maîtres m'ont donné. En
m'efforçant de ne pas nuire et essayant d'être utile. Que chacun, à sa place et avec ses outils, en fasse autant.
Et, en accord avec ceux et celles pour qui la matérialisation à l'écran de La Nuit des temps serait la
fixation rigide de l'imagination sans cesse renouvelée que donne la lecture du livre, ne peut-on pas conclure que
Les
films de Barjavel, ce sont...ceux qu'il n'a pas faits mais que la lectrice, le lecteur se font dans leur
têteen lisant ses livres...
Et n'était-ce pas son ambition lorsqu'il déclarait à Jacques Chancel lors de sa Radioscopie le 11 mars
1980 :
Pour moi, le chef d'œuvre, ce serait le livre dont les mots seraient totalement transparents. Je veux dire, sans aucun... on ne sente plus jamais l'effort, où le lecteur lirait, et l'image, les images, les personnages, l'histoire, passeraient directement dans sa tête, et il oublierait les mots. Voilà, pour moi c'est ça l'idéal de l'écriture.
Et son ami journaliste Michel Jeury écrivait dans Sud-Ouest à propos du roman Une Rose au paradis :
Un Barjavel, c'est un film tout écrit...
Car Barjavel, ne l'oublions pas, c'est aussi et surtout l'écrivain du voyage intérieur...
J'espère que cette conclusion, qui paraîtra peut-être inattendue voire même iconoclaste, sera pour tous bien plutôt une introduction
et une invitation à redécouvrir ses films mais aussi René Barjavel, écrivain, dans toute l'ampleur de ses talents...
Et pour les curieux (qui ont la chance de les trouver...) les romans, en tous genres, dont ses films ont été l'adaptation.
Merci à toutes et à tous, et aussi...
Remerciements
Si les documents, sources et références cités ou non ici et qui sont venus étoffer ces réflexions sont le fruit de
recherches personnelles, un certain nombre n'auraient pas été "découverts" sans l'amabilité et l'obligeance de plusieurs
personnes qui m'en ont signalé l'existence ou me les ont communiqués :
Madame Ylzer, filleule de l'auteur, qui m'a fourni de très précieuses archives,
Madame Catherine Renon de Mareuil, fille de Jean Renon, pour les trésors de l'Echo des Etudiants,
Madame Annie Nobel, chanteuse-compositeur-interprète, qui a monté en collaboration avec Barjavel une adaptation de
La Nuit des temps en comédie musicale, et qui reste vigilante sur ce qui se fait à ce propos [ son
site : http://www.annienobel.com ],
et les visiteurs du site, qui par leurs avis et contributions apportent pour le moins un grand soutien et des éléments constructifs.
Notes
Les index correspondent aux notes de renvoi dans le texte.
Notes éditoriales
La présente page a été créée en février 2011 en reprise de celle des Journées Barjavel 2006 consacrées à “René Barjavel et le cinéma”
(http://journees.barjavel.free.fr/2006).