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Les articles constituent la synthèse, dans un ordre chronologique, des trois années consécutives 1969, 1970 et 1971 qui ont été marquées avant tout par la conquête spatiale et notamment par le premier débarquement sur la Lune. Ces événements plus qu'historiques confèrent tout naturellement son titre au recueil et en constituent le fil conducteur, avec d'autres sujets brûlants de l'époque. Celle-ci souffre de conflits dont les principaux sont la guerre du Viet-Nam et la guerre civile en Irlande. Est également récurrent le conflit Israélo-Palestinien qui est hélas resté d'actualité. Cette époque a aussi fort heureusement connu des événements plus heureux, et dans la vie d'un homme simple, de nombreux autres, anodins en apparence, que Barjavel ne manque pas de mettre au premier plan. C'est ainsi que nous le verrons évoquer la danse aérienne d'un trapéziste, d'un puceron qu'il a trouvé sur son rosier ou ses promenades dans Paris, celles nocturnes dans les cabarets ne manquant pas de piquant.
Avant de replonger en compagnie de l'auteur dans ces années torturées et malgré tout souvent heureuses, il est peut-être utile de se remémorer le contexte sociopolitique et culturel de l'époque et les noms qui ont marqué ces années. Les liens et notes succintes que je présente ici pourront y aider. Ils ne prétendent pas à l'exhaustivité mais plutôt à fournir un échantillon significatif de faits marquants, s'articulant autour des sujets que l'auteur a choisi de mettre en avant. Ils apparaissent aussi dans un ordre chronologique : (cliquer sur les titres pour voir les détails, ou cliquer ici pour les afficher tous)
Fer de lance de la politique internationale des Étatus-Unis dans les années 1960, les missions Apollo avait pour but de
remplir la mission assignée par le Président John F. Kennedy suite au défi de l'URSS qui avait envoyé le premier
satellite artificiel [ Spoutnik ]
le 4 octobre 1957, puis le premier homme dans l'espace [ Youri Gagarine ] le 12 avril 1961 : "Je suis persuadé que cette nation doit se consacrer à l'objectif, avant la fin de cette décennie, d'envoyer un homme sur la Lune et de le faire revenir sain et sauf sur Terre."
Après le projet Mercury (1961-63), les missions Gemini (1965-66), le programme Apollo débuta par la première mission Apollo 1 qui se déroula tragiquement le 27 janvier 1967 (incendie à bord). Les essais reprirent avec Apollo 7 en octobre 1968, et ce fut en décembre 1969 qu'eut lieu le premier vol habité autour de la Lune, commenté par René Barjavel pour la station de radio RTL (voir articles et chroniques) Le 21 juillet 1969, Neil Armstrong posa le pied sur la Lune, réalisant "un petit pas pour l'homme, un grand pas pour l'humanité". La mission Apollo 13 eut un déroulement tragique mais l'équipage revint sain et sauf. La dernière mission fut Apollo 17 en décembre 1972. Les missions suivantes qui avaient été prévues (Apollo 18, 19 et 20) furent annulées pour cause de restrictions budgétaires. Quelques liens :
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Après l'abandon de l'Indochine par la France suite à la défaite de Diên Biên Phu et aux accords
de Genève en juillet 1954, les rivalités entre les deux pays ayant été créés de part et d'autre du 17ème parallèle ont
conduit à une escalade à laquelle la communauté internationale s'est trouvée partie prenante, les États-Unis étant alliés au Sud Viêt-Nam
En février 1959, les anciens membres de la guérilla viêt-minh, demeurés au Sud, décidèrent de reprendre les armes
et de renverser le gouvernement dictatorial du Viêtnam-du-Sud créé en 1955 par Ngo Dunh Diêm. Le conflit se transforma
ensuite en une guerre ouverte entre le Viêtnam-du-Sud et le Viêtnam-du-Nord, puis en un conflit international limité.
Le Viêtnam-du-Sud fut soutenu par les États-Unis et quarante autres pays qui lui fournirent des troupes et des munitions,
tandis que l'URSS et la république populaire de Chine apportaient leur appui au Viêtnam-du-Nord et au Viêt-cong.
La guerre affecta aussi le Laos, où le Pathet Lao communiste combattit le gouvernement de 1965 à 1973 et parvint à abolir
la monarchie en 1975, ainsi que le Cambodge, où le gouvernement du général Lon Nol s'écroula en 1975 face aux Khmers rouges.
C'est le 29 juin 1966 que président américain Lyndon Baines Johnson avait déclenché les premiers raids aériens sur les
villes de Haïphong et Hanoï, au Nord-Viêtnam. En 1968 la guerre atteint son paroxysme et des villages entiers sont massacrés
par les troupes américaines, ce qui soulève l'indignation dans l'opinion mondiale et la contestation sur les campus. En 1970
le président Richard Nixon entame le retrait des troupes puis ouvre les négociations à Paris en 1973. Après l'évacuation
totale des américains au printemps 1975, c'est finalement le 30 avril 1975 que l'entrée dans Saigon des troupes du Nord-Viêtnam
et du Viêt-cong provoque la capitulation du Viêt-nam du Sud dont la capitale est renommée Hô Chi Minh-Ville, du nom de l'ancien
leader communiste viêtnamien.
Cette guerre fit 58000 victimes dans les rangs américains, et beaucoup plus chez les Viêtnamiens des deux camps. De nombreux Viêtnamiens du sud ont quitté leur pays dans des conditions dramatiques, ce furent les boat-people qui dont certains eurent la chance trouvèrent asile en France et aux États-Unis. |
Cette joie affreuse, ce fumet d'horreur, qui montent chaque été de ces milliers de cérémonies de magie noire se rejoignent quelque part dans le ciel de notre monde et forment un nuage d'où retombent au hasard la haine et l'horreur. Le Viêt-nam, le Biafra... Mais pourquoi toujours sur des innocents ?
Les soldats américains du Viêt-nam assistent au culte ou à la messe avant de partir à l'assaut. Il y a toujours un prêtre, protestant ou catholique, qui vient justifier les massacres et bénir les tueurs.
A cause du Viêt-nam, les U.S.A. ont dû réduire les crédits de la N.A.S.A. mais c'est peut-être un peu à cause de la N.A.S.A. qu'ils vont se résigner à réduire les dépenses du Viêt-nam.
Suite au référendum du 27 avril 1969 sur la régionalisation et le Sénat, qui s'est soldé par 54% de "Non", le général de
Gaulle démissionne le 28 avril comme il l'avait annoncé car c'est sur ce programme de réforme qu'il voulait bâtir la reconquête de sa popularité
mise à mal par les événements de mai 68. Alain Poher, président du Sénat assure comme le prévoit la Constitution la fonction de Président
de la République par intérim, et les élections présidentielles ont lieu le 1er juin. Elles mettent en lice sept candidats :
Georges Pompidou (qui avait été Premier Ministre d'avril 1962 à juillet 1968), Alain Poher, Jacques Duclos (PCF), Gaston Deferre (SFIO-PS), Michel Rocard (PSU), Alain Krivine (LCR) et
Louis Ducatel (sans étiquette). Le second tour du 15 juin met face-à-face les candidats de la majorité, et Georges Pompidou,
sous le slogan “Pompidou, avec la France pour les Français”, est élu avec 58,2% des suffrages (mais seulement
37,5% des inscrits). Prenant ses fonctions le 21 juin, il nomme Jacques Chaban-Delmas Premier ministre et Valéry Giscard d'Estaing Ministre des Finances.
Son mandat fut abrégé par son décès le 2 avril 1974 - qui vit renouveller le mandat par intérim de Monsieur Poher.
Quelques liens :
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J'ai vainement cherché, dès le premier jour, dans tous les programmes présentés, quelque chose
de nouveau susceptible, sinon de m'enthousiasmer, du moins d'emporter mon adhésion, mais je
n'ai rien trouvé que d'éternellement ressassé, depuis le conservatisme blindé jusqu'à la
révolution bien sage et la révolte-trépignement-infantile. [...] la politique et l'économique en sont encore au
vélocipède ! [...]
C'est ce que je me disais, jour après jour, en écoutant tous ces hommes d'un autre âge, qui
entraient chez moi, à l'heure la plus intime, pour me proposer, en me les présentant comme des
bolides, leurs vieux tacots usés, trafiqués et repeints. Et j'en venais peu à peu à regretter de ne m'être pas présenté.
Vraiment ! Sans plaisanter !...
Enfin, à peine...
Le jour où un président de la République supprimera les chasses présidentielles et transformera la forêt de Rambouillet en parc national sera une grande date dans l'Histoire de France, plus glorieuse que celle de Fontenoy.
Le président Pompidou l'a visité vendredi avec un sourire de consommateur gourmand. Quand il s'est penché vers la Citroën-Maserati, nous avons cru qu'il allait la goûter. Mais on le tirait déjà par la manche, vers d'autres fruits bien astiqués. Il n'y en a jamais tant eu, alors qu'on ne sait déjà plus où les mettre. Le président a été raisonnable. Il est parti sans rien emporter dans son cabas.
Pour sauver en quelques jours deux millions d'hommes, de femmes et d'enfants, il ne suffit pas
de quelques poignées de bonne volonté : il faut une armée, des armées. Elles sont prêtes. On
les coalise facilement et très vite quand il s'agit de détruire un peuple. Serait-il impossible
qu'elles le soient pour en sauver un ? [...] Ces gens, non seulement nous devons les
sauver, mais nous pouvons, le monde en a les moyens !
M. le président Pompidou, M. Chaban-Delmas,
M. Debré, nous avons nous aussi des navires, des porte-avions qui, par bonheur ne servent à rien. Nous avons des
médecins militaires, des étudiants en médecine qui ne demanderaient qu'à partir [...] Ne pouvons-nous pas donner l'exemple ?
Les barbares, nous a-t-il dit, sont les hommes qui, au sein de notre Société, refusent et
combattent la culture qui leur est offerte et la Société elle-même, en souhaitant sa
destruction.
Je pense, au contraire, que les barbares, les hommes qui sont vraiment en train de détruire
notre civilisation, sont ceux qui prétendent la construire, en utilisant la culture pour leur
seul profit ou pour leur fanatisme.
Un des événements les plus savoureux de l'année qui s'achève aura été la confrontation, entre les murs du Louvre, d'une hyper-sélection de l'œuvre de Picasso, et de M. Pompidou, Président de la République. Appelé, par ses fonctions au sommet, à consacrer le sommet de réussite de la plus grande supercherie du siècle, M. Pompidou a dû déguster, dans sa tête auvergnate bien équilibrée, toute la saveur de l'instant. Il n'est pas de ceux à qui l'on peut faire prendre une vache cuite pour une génisse en fleur, et je parierais volontiers une pièce de cinq francs nouveau modèle qu'il ne possède aucun Picasso accroché à ses murs, même pas dans sa cave. “C'est un volcan !” a-t-il dit avec un sourire. Puis il s'en fut.
Née en le 10 juin 1922 à Grand Rapids, Minnesota (USA), Frances Ethel Gumm fit son apparition au cinéma en 1936 dans un petit film musical, "Every Sunday".
Rapidement connue, elle enchaîna les succès de films à chorégraphie made in Broadway pour atteindre la célebrité
à 17 ans avec le rôle de Dorothy dans Le Magicien d'Oz (de Victor Fleming) dont la chanson ”Over The Rainbow” a
marqué les mémoires - et dont le succès a permis de financer peu après le tournage d'Autant en emporte le vent. D'une vie sous pression et
conditionnée par les amphétamines et somnifères, elle continua sa carrière sur les planches mais, après cinq mariages
(avec David Ross, Vincente Minelli dont elle eut pour fille Liza Minelli, Sidney Luft, Mark Herron, et Mickey Deans)
elle mourut d'une overdose le 22 juin 1969 à Londres.
Quelques liens :
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Le bonheur n'est pas une denrée qui se cherche du bout du groin comme une truffe, et qui se mange. C'est une lumière intérieure qu'il faut savoir allumer et préserver des courants d'air. Mais généralement on ouvre soi-même les fenêtres et les portes.
Sharon Tate,
née le 24 janvier 1943, avait joué dans plusieurs films dont certains appartenant au genre "épouvante" : L'œil du Diable,
Le Bal des vampires (1967), et figurante dans Rosemary's Baby. Épouse du réalisateur de ces films Roman Polanski et enceinte de huit mois,
elle a été retrouvée sauvagement assassinée le 9 août 1969 avec quatre autres personnes dont son ex-fiancé, dans sa villa
californienne de Bel Air (que venait de lui vendre Terry Melcher, producteur des Beach Boys et des Byrds et qui avait un différent sérieux avec un certain Charles Manson).
Le mot "pig" a été écrit avec le sang des victimes sur la porte d'entrée. Profondément affecté, R. Polanski suspendra sa carrière pendant quatre ans.
Après s'être un peu égarée sur la piste d'un crime de drogués en manque, l'enquête révéla rapidement que les assassins étaient des membres de la secte satanique, "La Famille", du criminel Charles Manson qui fut condamné à mort le 29 mars 1971 (peine commuée en une peine de prison à vie en 1972) Quelques liens :
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Dans la tête des nombreux spectateurs de " Rosemary's Baby ", qui était un film d'autant plus efficace qu'il était adorablement fait, un fils du Diable est né. Vous n'y avez pas cru, bien sûr. Personne n'y a cru. Si. Quelqu'un. L'assassin de Sharon Tate... Il ne faut jamais jouer avec le Diable, même s'il n'existe pas.
Le 30 mai 1967, entre le Bénin et le Cameroun, la province orientale du Nigeria fait sécession et se proclame "République du Biafra".
Aussitôt l'armée nigériane envahit ce territoire - riche en minerais et ressources pétrolières - de 14 millions d'habitants,
peuplé par l'ethnie des Ibos, détestés des Nigérians. Pour venir à bout des séparatistes, le gouvernement met en place un blocus
alimentaire soutenu par l'Angleterre et les États-Unis, qui aboutit à l'une des plus dramatiques famines du XXème siècle.
Deux millions de Biafrais meurent de faim dans des camps de réfugiés. Le génocide prend fin en janvier 1970 avec la capitulation
de l'armée biafraise. Drame politique et humanitaire maintenant oublié, la guerre du Biafra fut en fait la disparition pure
et simple d'une population. Des reporters publièrent des photos d'enfants affamés qui boulversèrent l'opinion. La France
a reconnu la jeune et éphémère République du Biafra, et un jeune médecin parisien, Bernard Kouchner, décide d'agir et crée
Médecins sans frontières, en imposant un nouveau concept : l'ingérence humanitaire.
Voir :
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On nous a tout dit sur la guerre du Biafra, sauf sa vérité. Quelles ont été ses causes réelles ? Quelles puissances, quels intérêts, ont poussé les dirigeants biafrais à faire sécession à lancer leur peuple dans une aventure mortelle ? Quel étrange lien commun a pu faire s'associer l'Angleterre et l'URSS dans la fourniture des armes pour la répression et l'extermination ? A l'odeur des charniers se mêle une plus puante encore odeur de pétrole. Que l'Angleterre, sous sa bonne Reine, ait joué le jeu des pétroliers et tenu pour négligeable le massacre d'un million d'enfants, cela peut, à la rigueur, se comprendre, sinon s'excuser. Que les pilotes égyptiens aient voulu prendre sur plus faible qu'eux la revanche de leur défaite devant les Israéliens cela peut se concevoir. Mais l'URSS anticapitaliste et mère-des-peuples ? Pourquoi a-t-elle fourni ces Migs dont les roquettes fauchaient les populations des villages comme du blé qui ne mûrira jamais ? Quelle profonde raison humanitaire a déterminé son action ? Qui peut l'expliquer ? Oui peut admettre n'importe quelle explication ? [...]
Peut-on parler d'une “affaire Desouches” ? En 1969 elle est déjà un peu oubliée. C'est le 1er mai 1963
que le petit Thierry Desouches, âgé de 11 ans, disparaît sur le chemin du domicile familial à Boulogne sur Seine.
Quelques jours après, des appels téléphoniques à ses parents demandent une rançon faramineuse qui sera négociée, réunie
et remise. Mais le garçon n'est pas rendu à ses parents. Près d'un an après, le corps d'un jeune enfant trouvé dans un bois de l'Eure-et-Loir est identifié comme étant le sien.
Ce drame affectera profondément sa famille, et sa mère mourra de chagrin. Après une longue enquête, le ravisseur sera arrêté par la police et condamné.
Le 6 mai 1970, la télévision présente à l'émission de la deuxième chaîne “Les Dossiers de l'écran”, sur le thème "Pour ou contre la peine de mort", le film Nous sommes tous des assassins d'André Cayatte, suivi d'un débat entre partisans (Le père Devoyod, ancien aumonier de la prison de la Santé) et opposants à la peine capitale (Me Albert Naud, avocat auteur du livre Tu ne tueras point, Mme Georgies Viennet, présidente de l'Association Française contre la peine de mort) et d'autres invités (Me Charles Emile Riché, avocat, Jacques Monod, Prix Nobel). Le père de Thierry Desouches est présent sur le plateau et témoigne de son désarroi, aggravé par une polémique douloureuse dont Barjavel se fera le rémoin dans son aricle du 10 mai 1970. Alors que le film de Cayatte le laissait "prêt à signer des deux mains toutes les pétitions qu'on aurait présentées contre la peine de mort", ses réflexions l'amènent à une prise de position : "Non, je ne suis pas d'accord pour sauver la tête des tueurs d'enfants [...] En ce qui concerne les crimes commis sur des adultes, je me sens plus indulgent." qui lui vaudront les reproches acerbes des opposants à la peine de mort, qui sera abolie en 1981. |
Né le 27 juillet 1917 à Prétot-Vicquemare (Seine-Maritime, alors Seine-Inférieure), André Rambourg ne connaitra
jamais son père mort à la guerre, et passe son enfance près de sa mère,
remariée, dans le village de Bourville. Passionné de musique et de chansons, bien que sa mère le destine à devenir
boulanger, il retrouve la musique lors de son service militaire dans la fanfare. Puis il participe à des concours de
chansons, avant de se créer un personnage comique pour lequel il prend le nom d'Andrel (en hommage à Fernandel dont il emprunte le répertoire)
Puis il débute au music-hall et au cinéma, et, en hommage à son village il prend le nom de "Bourvil" sous lequel va devenir un des plus célèbres comiques à partir de 1946.
Restant souvent comique - inoubliable dans La Grande Vadrouille aux côtés de Louis de Funès - il eut cependant
quelques rôles "sérieux", dont celui de Thénardier dans Les Misérables de Paul Le Chanois, dont Barjavel écrivit
le scénario et les dialogues (1957), et du commissaire dans son avant-dernier film, Le Cercle Rouge (1970).
Il sut rester toujours simple et modeste, et typique du "Français moyen".
Il est mort le 23 septembre 1970 à 53 ans.
Quelques liens :
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BOURVIL est mort... Nous l'avons appris mercredi en fin de journée, et cela nous a stupéfiés, nous a paru absolument invraisemblable, impossible, incongru. Cela avait des allures de mauvaise farce, de fausse nouvelle inventée par un goujat. Pourtant, c'était vrai comme la mort de n'importe qui. [...] Bourvil paraissait joyeux de vivre, sans effort, naturellement et bénéfiquement, comme la pervenche est bleue, et le haricot vert, vert. Effectivement il y avait chez lui de la pervenche et du haricot vert, du légume et de la petite fleur bleue. Il était utile et agréable et quelque chose de plus, de beaucoup plus, quelque chose d'impondérable, de très subtil qu'on ne pouvait définir et qui faisait que lorsqu'il apparaissait sur un écran, tout à coup, en sa compagnie, on se sentait devenir à l'aise. [...] C'était un phénomène qu'aucun autre acteur ne provoquait, qui était dû à sa qualité d'être et qui se manifestait quelle que fût l'œuvre dans laquelle on le voyait...
Gamal Abdel Nasser naquit le 15 janvier 1918 dans une famille modeste du Caire.
Il entra à l'Académie militaire dont il sortit diplômé en 1938 et où il fit la connaissance amicales d'officiers
avec lesquels il fonda en 1943 le mouvement révolutionnaire clandestin des Officiers patriotes.
À cette époque, l'Égypte était placée sous la domination d'une petite classe de propriétaires terriens qui se partageaient un tiers des terres nationales et qui étaient majoritaires au Parlement!; l'influence du Royaume-Uni était omniprésente et le roi Farouk Ier (1920-1965) n'avait pas de réel pouvoir politique. La désastreuse campagne égyptienne contre Israël en 1948, où Nasser fut blessé, acheva de le convaincre de la nécessité de renverser le régime en place, de débarrasser l'Égypte de l'hégémonie britannique et de réaliser des réformes sociales radicales. Dans ce but, il forma le mouvement clandestin des Officiers libres. Le 23juillet 1952, par un coup d'état pacifique, ils déposèrent le roi Farouk et proclamèrent la république. Bien qu'il fût le principal organisateur du putsch, Nasser demeura tout d'abord à l'arrière-plan. Le nouveau pouvoir, le Conseil de la révolution, prit immédiatement des mesures radicales: il entama la réforme agraire, interdit les partis d'opposition et les remplaça par un Rassemblement de la libération, qui deviendra l'Union nationale (1958) puis l'Union socialiste arabe (1962). En 1953, la monarchie fut abolie et une république au parti unique proclamée. Le pouvoir fut d'abord entre les mains du général Muhammad Néguib (1901-1984), mais dès 1954, Nasser le remplaça dans toutes ses fonctions. Par la suite, il négocia avec les Britanniques un traité qui mit fin à soixante-douze ans de domination étrangère en Égypte. Nasser fut officiellement élu président en 1956. Le 29 septembre 1970 le président Nasser, âgé de 52 ans, est victime d'une crise cardiaque au Caire juste après avoir obtenu la fin des combats entre les Palestiniens et les troupes du roi Hussein de Jordanie. Anouar El-Sadate, ami de Nasser, est désigné candidat unique à la présidence de la République par l'Union Socialiste Arabe, et devient président le 5 octobre. |
Le général De Gaulle, après sa démission suite au référendum sur la décentralisation du 27 avril 1969, s'était retiré
dans sa résidence solitaire de Colombey les Deux Églises où il poursuit l'écriture de ses mémoires. Sa mort le 9 novembre 1970
laisse seulement achevé le premier tome de ses Mémoires d'espoir, et ayant refusé par testament
toutes funérailles nationales, ses obsèques ont lieu dans l'intimité à la petite église de Colombey. Il est enterré au
cimetière avec une simple inscription sur sa tombe, "Charles de Gaulle 1890-1970".
Une cérémonie officielle est organisée le 12 novembre à Notre-Dame de Paris, et une minute de silence précédée de la lecture du début de ses Mémoires d'espoir a lieu dans toutes les écoles, lycées et collèges. [ voir http://www.charles-de-gaulle.org/ ] |
Pendant la guerre du Viêtnam, aux millions de vietnamiens mort dans les combats s'ajoutent les victimes civiles de
massacres perpetrés par des officiers américain sauvagement zélés. Le lieutement William Caley a été reconnu coupable de
telles exactions au village de My Lai le 16 mars 1968, et en fut jugé coupable lors de son procès terminé le 29 mars 1971, alors qu'il
ne prétendait n'avoir fait que son "devoir de soldat" et obéi aux ordres. Condamné à la prison à perpétuité, sa peine est allégée en
1973 et il est libéré en avril 1974 par le Président Nixon. Il vit depuis dans la plus grande discrétion à Colombus en Géorgie.
[ voir http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/vietnam/dossier.asp?ida=420452 et http://www.monde-diplomatique.fr/2002/09/A/16913c ] |
L'extrait que j'ai choisi est l'un des plus revendicatifs, les plus acides, les plus engagés du recueil. La religion comme prétexte au combat armé avait de quoi irriter particulièrement Barjavel, qui lui reprochait déjà âprement de faillir à sa mission spirituelle. Revendiquant pour l'occasion sa confession protestante pour appuyer l'irresponsabilité de ceux qui se cachent derrière leurs titres pour fuir le problème plutôt que de les mettre en avant pour le résoudre, il généralise rapidement l'attitude hypocrite des religieux aux autres institutions qui revendiquent de la même façon leurs bonnes intentions mais s'empressent de colporter l'oppression, l'intolérance, le conflit. Du haut des idéologies, il nous présente des acteurs qui sont plus les figurants que les héros de ces temps troublés. Ainsi, l'Église, le système politique et le mouvement hippie, chacun s'appuyant fièrement sur des principes et des valeurs, sont mis à l'index dans leur lâcheté et leurs contradictions communes. Ce texte condense bon nombre de thèmes qui reviendront souvent dans d'autres articles, lorsque l'actualité aura l'infortune de lui fournir d'autres exemples.
En introduction à ce premier volume du tryptique «Les Années de ...», Barjavel écrit une très modeste en plus que très jolie introduction. Cette profession de foi est si clairvoyante, si complète et si utile à la compréhension et l'appréciation des articles choisis, que je ne peux que la citer dans son intégralité :
Les articles ont été compilés peu de temps après leur parution dans le journal. Ceux qui allaient constituer les deux
volumes suivants (Les Années de la Liberté et Les Années de l'Homme) n'étaient pas encore écrits.
D'un point de vue administratif, l'édition aux Presses de la Cité de ces textes parus dans Le Journal du Dimanche n'a pas posé
de problème, tous les deux appartenant au groupe Hachette-Fillipacchi. René Maine, à qui est dédié ce recueil, était alors directeur du Journal du Dimanche.
Il est important de noter que les "articles" retranscrits dans le recueil diffèrent parfois de façon plus ou moins importante des originaux.
Dans le cadre de la mission initiale que s'était vue confier Barjavel, ces derniers étaient des commentaires des émissions de télévision
(et les premières chroniques avaient pour titre générique « Moi, téléspectateur »). Les retranscriptions
ont été allégées de tout ce qui concernait trop directement la télévision, et le style en est parfois légèrement remanié.
Les personnages d'un article de journal sont les grandes figures historiques, les hommes politiques, les célébrités intemporelles ou éphémères, mais aussi les héros de faits divers, les amis du journaliste, les anonymes et les sans grade qui n'ont rien fait que retenir son attention. Chez Barjavel, tous ont leur place et tous sont, à leur tour, mis à l'honneur. Les principales figures qui apparaissent dans ce premier recueil sont celles qui ont marqué l'actualité du moment ou croisé la vie de l'auteur. Avant d'en découvrir les détails, je vous invite à parcourir la liste sans vous aider des indications pour mettre votre mémoire, et parfois votre imagination, à l'épreuve (on pourra cependant les afficher tous en cliquant ici).
Née en 1917, elle fit ses débuts au cinéma en 1931 dans un rôle de jeune fille têtue dans Le Bal de Wilhelm Thiele.
Toujours jeune première en 1938, alors que Barjavel en fait le portrait dans Le Merle Blanc,
D. Darrieux fut en 1962 à l'affiche d'un film dont Barjavel écrivit une partie des dialogues, Le Diable et les dix commandements
(sketch 5 : "Tes Père et Mère Adoreras Afin de Vivre Longuement"). Sa longue carrière, qui continue toujours, la vit jouer dans plus de 130 films, et son éternelle jeunesse, même dans des rôles "de son âge", est toujours saluée par la critique [ voir http://www.lefigaro.fr/culture/20061108.FIG000000012_le_charme_eternel_de_danielle_darrieux.html ]
L'article de Barjavel du 26 octobre 1969 commente la diffusion sur la deuxième chaîne de La Robe mauve de Valentine, de Robert Crible d'après Françoise Sagan (avec Guy Préjean). Quelques liens : |
Née le 21 juin 1935 dans le Lot, Françoise Quoirez prit à 19 ans le pseudonyme de Sagan
(inspiré de la princesse de Sagan dans "À la "Recherche du temps perdu" de Proust) pour la publication de son premier
roman, Bonjour, tristesse qui lui donna immédiatement le succès et la célébrité et fut adapté pour le cinéma en 1958 par Otto Preminger.
Auteur de 36 livres et pièces de théâtre (Aimez-vous Brahms ? (1959), Un château en Suède (1960) etc. jusqu'à son dernier Derrière
l'épaule paru en 1998), elle était aussi célèbre pour sa vie un peu folle, son amour des voitures rapides, du jeu...
Décédée à Honfleur le vendredi 24 septembre 2004, elle avait écrit sa propre nécrologie pour le Dictionnaire de Jérôme
Garcin (1988) : « Fit son apparition en 1954, avec un mince roman, Bonjour Tristesse, qui fut un scandale mondial.
Sa disparition, avec une vie et une œuvre agréables et bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même »
Quelques liens :
{ Voir cette séquence } |
Étonnant personnage que Ploom, de nos jours complètement oublié ! (bien qu'il semble qu'elle ait
eu une "seconde vie" sous un autre nom)
Au début de 1969 la direction de l'ORTF décida de remplacer les speakerines qui annonçaient les programmes par une sorte de marionnette-chenille à plumes qui prit ce rôle, évitant la diffusion d'un "interlude" entre la fin du journal et les programms de la soirée (la publicité n'avait pas encore fait son apparition sur le petit écran...). Frétillante, gesticulante et roulant des yeux ronds, elle lançait aussi d'une voix aigue des commentaires parfois inattendus, insolents et persifleurs... Cette idée de Pierre Sabbagh réalisée par André Tahon fit son apparition le 19 janvier sur la première chaîne, provoquant un flot de contestations téléphoniques auprès de la direction de l'ORTF. Les jours suivants se créa une division profonde de l'opinion entre Ploomophobes et Ploomophiles, au point qu'un sondage-référendum fut organisé par certains magazines de programmes... |
Mais pour Barjavel : |
Né en 1898, René Clair (R. Chomette) réalisa son premier film en 1923, Paris qui dor. Après d'autres films, il
sort en 1930 son premier film parlant, Sous les toits de Paris. Il réalisa au total près de trente films dont quatre
lors de son séjour à Hollywood pendant la guerre. Premier cinaste à être élu à l'Académie Française (en 1960), il se
distingua aussi dans l'écriture (romans et études sur le cinéma), et, dans les années 1970, à la réalisation théâtrale.
Il est décédé en 1981. L'article de Barjavel du 9 novembre 1969 porte sur une émission (le xx) consacré au cinéaste qui le vit présenté lors d'interviews.Il y a dans le cinéma d'aujourd'hui - parfois jusqu'au chef-d'oeuvre - tout ce qu'on veut : violence, érotisme, grands espaces, l'Espace, l'amour-toujours, du social et du document, mais il n'y a rien qui ressemble à la joyeuse intelligence de René Clair. C'est bien dommage. Quelques liens : |
Le général de Gaulle (1890-1970), qui avait acquis sa légitimité démocratique lors de la crise d'Algérie en
mai 1958, qui l'avait nommé président du Conseil de la IVe République, avait été élu Président de la République au suffrage universel
en décembre 1958, fondant la Vème République. Son mandat fut renouvellé en 1965. Il fut un pionnier de l'usage
médiatique de la télévision en politique, et il s'y montrait assez fréquemment en uniforme, tant pour ses discours que
lors de ses déplacements officiels, rendant ainsi sa fonction militaire inséparable de ce qu'il considérait comme sa
"mission" nationale.
Sur le Général de Gaulle : |
Barjavel mentionne en de nombreuses pages son goût pour Robert Desnos qui était un de ses amis. Né en 1900, il vient à
l'écriture après des études assez brèves, et rejoindra l'éphémère mouvement Dada. Il se joint ensuite aux Surréalistes
avec André Breton qui le considérera comme le "prophète" du mouvement. Mais il rompra avec le mouvement dont il
considère les tendances politiques militantes comme incompatibles avec l'activité littéraire créatrice. André Breton
le "reniera" donc en 1929 dans le Second Manifeste du Surréalisme.
Magicien des mots et du langage, il donnera à la publicité radiophonique des textes étonnants. Barjavel était un de ses amis, dans le monde des lettres de l'après-guerre avec J. Prévert, Jean Renon, J. Laurent... On ne peut manquer de citer le poème Le Tamanoir que Barjavel évoquait fréquemment : | |
- Avez-vous vu le tamanoir ? Ciel bleu, ciel gris, ciel blanc, ciel noir. - Avez-vous vu le tamanoir ? Œil bleu, œil gris, œil blanc, œil noir. - Avez-vous vu le tamanoir ? Vin bleu, vin gris, vin blanc, vin noir. Je n'ai pas vu le tamanoir ! Il est rentré dans son manoir, Et puis avec son éteignoir Il a coiffé tous les bougeoirs, Il fait tout noir. |
Né en 1920, Robert Lamoureux fut surtout connu comme comique, chansonnier et acteur ("Papa, Maman, la bonne et moi"...), puis, après 1970, réalisateur des films au comique "militaire" de la série de la septième compagnie. Quelques liens : |
Figure controversée de la littérature du XIXème siècle pour ses positions extrémistes,
parfois même fanatiques et cependant non dénuées de contradictions, Léon Bloy semble tenir une place toute
particulière dans l'œuvre de Barjavel, alors que d'un point de vue "idéologique" tout pourrait les différencier
[ voir http://www.sdv.fr/pages/adamantine/bloy.html
]. Ainsi on trouve une citation de L. Bloy en exergue du Journal
d'un homme simple :
“Celui qui écrit pour ne rien dire est pour moi un prostitué et un misérable”, que Barjavel citée également dans sa Radioscopie avec J.Chancel en 1981. Dans son article du 6 septembre 1970 “Le métier d'écrivain, qu'est-ce que c'est ?”, il complète : Léon Bloy ne s'est jamais prostitué. Il n'a jamais accepté de faire de sa pensée une marchandise. |
Né en 1909, Marcel Truc eut une formation d'avocat puis tourna rapidement sa carrière vers le cinéma, réalisant son
premier film, “La Fausse maîtresse”, en 1942. Il se consacra principalement à des films couvrant des problèmes de
société et soulevant des questions brulantes d'actualité. L'article de Barjavel du 17 janvier 1971 concerne la sortie du
film “Mourir d'aimer”, histoire bouleversante d'une jeune enseignante (Annie Girardot) amoureuse de l'un de ses
élèves et rejetée par la société. La musique du film restera célèbre pour une chanson émouvante de Charles Aznavour...
Son film “Nous sommes tous des assassins” (avec Mouloudji) remporta le Prix Spécial du Jury au Festival de
Cannes en 1952. Il fut diffusé aux Dossiers de l'Écran en mai 1970 et Barjavel le commente ans son arcticle du 31
mai. L'amitié qui unissait Barjavel et Cayatte s'est concrétisée comme on le sait avec La Nuit des temps, dont
Cayatte eut l'idée pour un film jamais tourné (voir la page de présentation de
l'œuvre), puis Les Chemins de Katmandou (voir).
|
Quelques liens :
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Signatures conjointes d'A.Cayatte et de R. Barjavel sur un contrat pour une adaptation de “La Nuit des temps” |
Le peintre espagnol Salvador Dali, né en 1904, était à la fin des années 1960 au sommet d'une certaine popularité et
d'une indéniable richesse, puisqu'il repris lui-même le surnon-anagramme que lui avait attribué André Breton :
"Avida Dollar". Une fortune qui augmenta vers 1970 avec l'apparition d'une publicité télévisée pour le chocolat Lanvin,
dans laquelle le peintre, avec son accent précieusement emphatique, proclamait : « Je suis fou du chocolat
Lanvin » { Voir cette séquence }, et se lançait dans l'organisation de “happenings” provocateurs : projections de sacs de
peinture sur les voitures, immersions d'argenterie dans du bitume, fracassement de vitrines.
Quelques liens : |
Catherine Langeais (Marie-Louise Terrasse), née en 1923, fut l'une des première speakerine de la télévision
française, et sans doute la plus populaire. Son rôle était d'annoncer les programmes, et elle participa aussi à
l'animation d'émission divertissantes. Elle épousa en 1949 Pierre Sabbagh, réalisateur de télévision et créateur du
premier journal télévisé quotidien. Son neveau Jean-Marc Terrasse lui a consacré un livre biographique, Catherine
Langeais, la fiancée des Français (Éd. Fayard et Livre de poche, 2003)
Barjavel l'évoque le 5 septembre 1971, dans un article consacré, entres autres, au retour des vacances d'été... On est heureux, certes de retrouver ses habitudes, et Catherine Langeais à 20 h. 30. [...] Catherine Langeais, c'est vrai, on est heureux de la retrouver dans sa petite armoire. Elle a fermé après notre départ le robinet du gaz que nous avions oublié, et pendant notre absence arrosé les plantes vertes et gardé la maison contre les mites et les cambrioleurs. Elle est toujours là, chaque année, pour nous accueillir à notre retour, et c'est vrai, nous sommes heureux de la revoir. Pour en savoir plus : http://fr.wikipedia.org/wiki/Catherine_Langeais |
Premier ministre du Général de Gaulle (de 1962 à 1968), G. Pompidou devint président de la République en 1969. Son mandat fut abrégé
par son décès en avril 1974. Les “Années Pompidou” restent associées à la fin de la période des 30
Glorieuses. Originaire d'Auvergne, fils d'instituteur, il avait d'abord été professeur de Lettres avant d'entreprendre
une carrière politique. Issu de la France provinciale où il retrouvait ses racines (il résidait à Cajarc dans le Lot), sa
simplicité et son bon sens "terre à terre" expliquent l'allusion de Barjavel, à propos de l'inauguration par le Président
d'une exposition Picasso :
Appelé, par ses fonctions au sommet, à consacrer le sommet de réussite de la plus grande supercherie du siècle, M. Pompidou a dû déguster, dans sa tête auvergnate bien équilibrée, toute la saveur de l'instant. Il n'est pas de ceux à qui l'on peut faire prendre une vache cuite pour une génisse en fleur, et je parierais volontiers une pièce de cinq francs nouveau modèle qu'il ne possède aucun Picasso accroché à ses murs, même pas dans sa cave. " C'est un volcan ! Pour en savoir plus : |
L'un d'eux se détache de la liste en cela qu'il n'est pas l'objet d'un hommage comme la majorité des autres, qui lorsqu'ils ne sont pas chaleureusement salués pour leurs exploits ou leurs personnalités, sont plains, compris et excusés pour leurs déboires, opinions ou infortunes, ou pour le moins traités sur un ton assez neutre et sobre. Pour Pablo Picasso, cependant, Barjavel dresse un portrait très négatif en même temps que très virulent de l'artiste, dont on sait à travers ses autres apparitions dans les textes de l'auteur, qu'il ne le porte pas, ou plutôt qu'il ne porte pas son œuvre, dans son cœur (ainsi, dans l'article aux Nouvelles Littéraires qui présentait son "Le musée imaginaire" en août 1964 il plaçait avec humour des toiles de l'artiste dans les cerisiers pour faire fuir les oiseaux.) Dans les Années de la Lune, Barjavel ne se contente pas d'une subtile ironie ou d'une simple pique comme c'est le cas par ailleurs. Ici l'auteur argumente à renfort de cruelles métaphores sur les raisons de son rejet de l'œuvre de Picasso. Jugeons-en sur ces extraits choisis :
Insistant sur la place centrale de la beauté dans l'expression artistique, Barjavel va jusqu'à insinuer que Picasso ne s'est même pas réalisé, allant donc jusqu'à le nier comme artiste :
Élaborant sur une comparaison du peintre avec un volcan :
Son succès n'est pas, pour l'auteur, populaire. Il est hypocrite :
Notons néanmoins la majuscule. Et pour conclure sur le même ton que l'extrait précédent :
Reconnaissons néanmoins le courage certain pour dénoncer ainsi une telle institution. Nous le savons capable de telles diatribes envers de nombreux autres grands noms unanimement reconnus et salués, tels que Zola ou Sartre, en fait le plus souvent sur des points précis et non à l'encontre de leur personne même (voir par exemple son article à propos de Sartre du 20 avril 1980complet.. Cette franchise est très caractéristique de l'auteur qui ne faisait jamais de concessions sur ses idées, ici à l'égard d'autres personalités, mais tel est encore le cas pour ses opinions religieuses, politiques ou de société. Cela renforce sa sincérité et la crédibilité lorsqu'il s'exprime positivement sur d'autres points dont on pourrait autrement croire qu'il s'aligne sur une pensée unique ou officielle. C'est bien là, avec de tels exemples que les sensibilités personnelles pourront regretter, la preuve que c'est une emprise dont Barjavel était tout à fait affranchi. Quant à la façon de l'exprimer, elle le caractérise encore plus, puisque sa force des mots, sa concision de l'expression, la justesse de ses comparaisons si propres à exalter l'amour, la beauté et la joie, sont comme le savent tous ses lecteurs encore plus efficaces pour décrire leurs contraires. Mérités ou non.
On a pu remarquer qu'une grande partie des portraits - écrits rapportés ci-dessus donnent à
voir les portraits - visuels - de leurs personnages.
On sait, et c'est une caractéristique tant de son œuvre que de sa sensibilité, que Barjavel a une perception et un
rendu des choses essentiellement visuels (voir à ce propos la
présentation “Les Cinémas de René Barjavel” donnée lors des Journées de Nyons en août 2006),
et que cela aura été le fil conducteur des réussites de ses activités : cinéma, journalisme, romans (et,
a contrario, des dommaines qui n'étaient pas vraiment les siens, parce que sonores plus que visuels : théâtre, chansons).
Et ce n'est pas un hasard puisque, pour ces chroniques mêmes, on a vu que leur point de départ était la critique
d'émissions de télévision, où il visait à apporter, par la plume, ce qu'il avait vu.
C'est dire toute la valeur des témoignages que constituent ses articles, valeur historique - peut-être pas
d'histoire "Académique", bien que les experts pourront lui savoir gré d'avoir rapporté des faits et situations dont il a
été un des rares à percevoir la portée - mais dune histoire sociale exprimant ce qui a pu être désigné
péjorativement à une époque comme « le point de vue de la majorité silencieuse » , qui n'en est pas moins
la majorité qui constitue qu'on le veuille ou non la légitimité des sociétés démocratiques.
Renvoyant donc à ses semblables une vision du monde appréhendée au travers de ses pensées et de sa sensibilité, il a
pu accompagner les changements qu'ont vécus le tournant des années 1970 et qui ont apporté de grandes mutations.
Rendu visuel des événements, et pourtant quasi-exclusivement textuel : dans le recueil les articles retranscrits ne comportent aucune illustration, et, à l'exception du portrait de l'auteur en vignette, les originaux eux-mêmes n'étaient que très rarement accompagnés de photographies (et dans ces rares cas, il s'agissaient d'images prises par l'auteur ou par un photographe qui l'accompagnait lors de ses interviews). Au lecteur donc de se construire sa vision à partir de ce qu'en offre l'auteur, et, comme l'écrivait Michel Jeury (dans Sud-Ouest à propos de Une Rose au Paradis) :
Un [livre de] Barjavel, c'est un film tout écrit,
on peut compléter en diantqu'« un article de Barjavel, c'était un vidéo-reportage transporté dans l'esprit du
lecteur ».
Talent qui ne peut que conférer à ses écrits une influence psychologique, voire "morale", et c'était
bien son intention lorsqu'il parle du métier d'écrivain dans son article du 6 septembre 1970 :
Notre fonction est alors devenue un métier. Nous ne pouvons plus vous transmettre la Vérité,
car elle a été perdue. Nous pouvons, de temps en temps, vous exhorter de notre mieux à la
chercher. Comme chantent les choristes immobiles : " Marchons ! Marchons ! ". [...]
C'est quand même un beau métier.
Rien n'égale la liberté de l'écrivain qui s'assied devant son papier blanc. Il n'est pas sûr
d'être publié, il n'est pas sûr d'être lu, mais il lui suffit d'un peu d'encre pour créer un
univers. Il n'est esclave d'aucune technique, il est seul avec ce qui va exister grâce à lui.
Il va jouir comme un amant ou souffrir comme une accouchée, mais, à la fin, les pages jadis
blanches porteront sa création. S'il commence alors à se prendre pour un dieu, il est perdu. La
vanité est la plus grande destructrice d'intelligences.
Nous ne connaissons plus le chemin de la vérité, nous ne pouvons plus vous l'indiquer, c'était
notre tâche et nous ne pouvons plus l'accomplir. Nous pouvons encore, pour justifier notre
état, nous battre pour la joie, pour la beauté, pour la justice, pour l'amour. Mais nous ne le
faisons jamais assez, jamais. C'est notre péché mortel.
François Mauriac, qui êtes peut-être aujourd'hui en Sa présence et qui comprenez enfin ce qu'Il
est, si différent de l'objet de votre foi, du roi barbu du catéchisme, de la caricature qu'en
ont faite dix mille Eglises, demandez-Lui Son pardon pour ces bavards qui sont parfois de bonne
volonté quand ils en ont une : nous, vos confrères, qui nous croyons vivants.
mais qui laisse le lecteur en dispose selon sa propre sensibilité et ses opinions, et il n'a pas manqué d'en recevoir des critiques. C'est pour son rôle de journaliste qu'elles ont été le plus nombreuses, et la page consacrée à ses "détracteurs" en présentent les principaux protagonistes...
Dans Les Années de la Lune le fil conducteur est... la Lune. Car le 21 juillet 1969 a été l'aboutissement d'une aventure planétaire qui s'était menée tout au long de la décennie précédente et qui est en fait le rêve ancestral du genre humain : conquérir le ciel, l'Espace et les planètes. Aboutissement technique mais, pour l'époque, point de départ de la lancée extra-terrestre de l'Humanité qui enflammait les esprits, les rêves et les espoirs de beaucoup de monde.
Un petit pas pour l'homme, un pas de géant pour l'Humanité
Depuis ces années l'enthousiasme s'est refroidi, pour de nombreuses raisons, tant techniques que politiques et
économiques...Il y a maintenant plus de trente ans que la dernière mission Apollo a mené des hommes sur la Lune, et ce
qui semblait le futurisme absolu alors est pour les jeunes générations un passé révolu.
Pour Barjavel l'attraction lunaire ne se révèle pas seulement dans ses chroniques, mais la Lune est aussi un fil
conducteur de ses œuvres lmes plus diverses, à l'honneur ou tout simplement présente dans ses romans :
Colomb de la Lune, bien sûr (et son premier texte paru sous ce titre
dans la revue Fiction numéro spécial en 1959), Le Diable l'emporte, La Nuit des temps (où la Lune est pour les
habitants de Gondawa une destination touristique dont Éléa nous montre des images, après avoir été le théâtre d'un
conflit atomique délocalisé.) Sans oublier son récit
radiophonique “Ne demandez pas la Lune”, diffusé en mars 1950, dont certaines péripéties anticipent curieusement La Nuit des temps.
Certains analystes ont pu voir dans l'intérêt du public pour la conquête spatiale une aimable diversion proposée pour
détourner l'attention de l'opinion (essentiellement américaine) de la guerre au Viêt-Nam qui avait bien de quoi
aliementer les préoccupations internationales. Pourtant Barjavel n'occulte nullement celle-ci, au contraire, pas plus
qu'il ne contourne les conflits sociaux et les drames, petits et grands, de la Société. Mais, "optimiste par sentiment,
pessimiste par raison", il met surtout en avant les espoirs et les rayons de soleil, même modestes, que ses yeux
découvrent, telle cette observation lors de son deuxième voyage en Floride pour assister au retour des "naufragés de
l'espace" (Apollo XIII), le 16 avril 1970 :
Il serait un peu présomptueux de se livrer à une analyse stylistique approfondie des articles compilmés dans Les
Années de la Lune, il faudrait y considérer l'évolutions, voire les évolutions, de l'écriture de l'auteur au fil du
temps, et prendre le recul pour intégrer dans une telle étude les deux autres recueils de chroniques.
On a vu plus haut que le texte même des articles regroupé dans le recuil est parfois assez différent de celui des
articles originellement publiés dans Le Journal du Dimanche. Sans que le sens en soit altéré, ces adaptations relèvent
de deux démarches d'ordre littéraires :
Si cette démarche se défend par rapport à ce que l'on comprend du souci de publication d'alors : le recueil est paru
en 1971, aussi donner à relire des commentaires d'émissions d'il y a tout au plus quatre ans, soit oubliées, soit rediffusée,
présentait peu d'intérêt par rapport aux chroniques proprement dites. Le recul de plusieurs décennies peut le faire
regretter, même sans compter avec le charme nostalgique que l'on peut trouver aux souvenirs télévisuels des années 1970...
D'un point de vue documentaire, ces avis seraient de nbos jours les bienvenus, en ayant à l'esprit le fait que les
archives de cette époque sont souvent presque inaccessibles : ce n'est que très récemment que le patrimoine audiovisuel
a commencé à faire l'objet d'une sérieuse remise en valeur, grâce à de délicates restaurations réalisées par l'INA
[ http://www.ina.fr ].
L'adaptation stylistique est plus discète, car le sens principal du texte n'est pas modifié, le remaniement visant
simplement à plus de clarté, voire d'élégance, dans certaines tournires de phrase.
Ce livre constitue une sorte d’histoire des années 60 par petits morceaux, les uns joyeux, d’autres amers, vus par
l’oeil d’un pessimiste gai, qui ne se fait aucune illusion sur notre civilisation mais se réjouit de la vivre, tant il
la trouve passionante, malgré ses erreurs et ses injustices, et ses crises d’épilepsie.
La présente page, élaborée entre la fin de 2004 et le début de 2007, fut présentée par la Lettre G.M.Loup de janvier 2007. Elle est naturellement complétée par la page présentant les Articles de
Barjavel au Journal du Dimanche, et par la transcription du Moulin Littéraire des Journées Barjavel 2004
sur le thème « René Barjavel, journaliste ».
Barjavel se passionnait depuis longtemps pour la conquête spatiale, en fait depuis l'immédiate après-guerre, puisque
déjà en octobre 1949 il écrivait dans Carrefour ses visions futuristes, et publiait dans Les Nouvelles
Littéraires du 11 décembre 1962 un commentaire enthousiaste du premier vol vers Vénus : Vénus et les enfants des hommes.
et, juste avant de commencer ses chroniques dans le Journal du Dimanche, un commentaire le 2 janvier 1969 à propos du le premier vol habité
d'Apollo VIII autour de la Lune (qu'il avait aussi commenté sur R.T.L) : Le
poisson, l'homme et les étoiles.
Espoirs qui peuvent paraître rétrospectivement un peu naïfs, car les retombées immédiates et directes des voyages
dans l'espace ne semblent pas évidentes, et ne se trouvent pas forcément là où on pouvait les attendre, mais plutôt du
côté des avancées scientifiques et techniques qui ont été développées sous la stimulation et les besoins de l'aventure
spatiale.
L'Homme vient seulement de faire un pas hors de sa maison natale et de poser le pied sur le
paillasson - chère Lune, pardonne-moi...
Les techniciens sont sur le pas de la porte. Les poètes ont déjà franchi l'horizon.
Nous éclatons d'orgueil et tremblons d'émoi parce que nous venons de nous poser sur la Lune.
Comme l'enfant pour la première fois, lâchant la main de sa mère, a franchi l'espace entre deux
chaises. C'est merveilleux, mais il n'est qu'au début de son voyage... L'Homme, par ses poètes
et ses écrivains, a envoyé son esprit à la découverte de l'infini. Sa carcasse suivra. Les
techniciens du mois de juillet 1969 viennent de nous démontrer que tout est possible.
Autour des bâtiments de la NASA, dans le vaste espace vert de son enclos, c'est le calme de la
campagne. Six canards sauvages, qui ont oublié qu'ils étaient canards et sauvages, ont préféré
le gazon aux lagunes à crocodiles. Ils ont élu domicile devant la tour de contrôle. Ils dorment
la tête sur le dos. Quand arrive pour la relève une équipe de techniciens qu'ils connaissent,
ils se précipitent vers eux en remuant la queue mais les techniciens ne se laissent même plus
approcher par les canards.
Une cane grise couve, elle a fait son nid près de la maquette grandeur nature du module
lunaire, au milieu d'un massif de verdure, juché en haut d'un cube décoratif en ciment. Le cube
de ciment a plus d'un mètre de haut. Quand les petits canards seront éclos, comment
gagneront-ils le gazon ? Ils n'auront qu'une solution : la chute libre. Ce sont les petits
canards d'Apollo 13.
Esquisse d'une ANALYSE LINGUISTIQUE
Mais deux pistes présentent un intérêt pour une première approche :
Restriction de la thématique à l'intérêt historico-journalistique "intemporel" : dans certains articles,
surtout au début de la période, des passages entiers ont été supprimés. Ce sont ceux portant directement sur la
"critique de télévision" (qui était le rôle initialement confié à Barjavel : ces premières chroniques portaient le titre
« Moi, téléspectateur »), rapportant un compte-rendu ponctuel de telle ou telle émission et qui s'élargissaient
ensuite vers des considérations plus générales qui constituent les parties conservées.
Le tout premier article, par exemple, « Le miracle de vivre », était précédé d'un description du visionnage
d'une émission du Commandant Cousteau sur les requins.
(et aussi Alain Delon)
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