Les anticipations d'un poète visionnaire :
René BARJAVEL


Conférence donnée le 2 décembre 2005
à Paris, Bibliothèque Port-Royal

par Pierre CREVEUIL
Président de l'Association des Amis de René Barjavel

Cette présentation est celle de la conférence organisée le 2 décembre 2005 à la Bibliothèque de la Ville de Paris “Port-Royal”, à l'occasion et en commémoration du vingtième anniversaire de la disparition de René Barjavel (24 novembre 1985), en présence de Madame Renée Barjavel, fille de l'auteur, qui s'était associée à cette commémoration, et de plusieurs de ses amis.


La Bibliothèque Port Royal

Tout d'abord, merci aux Bibliothèques de la Ville de Paris et à Paris-bibliothèques de nous accueillir ce soir, et tout particulièrement à M. Weuilly, de Port-Royal, qui a accepté ma proposition de "conférence" - c'est peut-être un bien grand mot - et qui en a organisé la logistique, essentielle pour ce genre de manifestation. Merci aussi, bien sûr, à vous tous qui êtes présent, certains venus d'assez loin, attiré par l'intérêt envers René Barjavel et aussi, sans doute, la curiosité concernant l'Associaiton de ses Amis...

Nous sommes début décembre 2005, et il y a huit jours, le 24 novembre, nous commémorions, le plus souvent de manière très privée, le vingtième anniversaire de la disparition de René Barjavel. Commémoration discrète, ce qui peut se comprendre car l'attachement que lui portent un grand nombre de ses lecteurs, de tous les âges, reste généralement privé et s'extériorise rarement par des manifestations éclatantes.
C'est que l'œuvre de Barjavel, tant celle écrite - la plus connue - que les autres, est celle du "voyage intérieur", comme le qualifiait un journaliste de la télévision le 24 novembre 1985 lors de l'annonce de son décès. { voir l'extrait d'archive vidéo }

On a pu s'apercevoir que, cette année est mis à l'honneur un autre écrivain qui présente de nombreuses affinités avec Barjavel, depuis le mois de janvier, par une effervescence de manifestations, commémorations, expositions... Je veux parler de Jules Verne auquel les Bibliothèques de Paris, et de nombreuses autres, consacrent expositions, conférences, ateliers.
Il a paru vraiment utile d'honorer aussi le souvenir de René Barjavel, et quoi de mieux pour cela que de parler de son œuvre, comme lui-même avait, en 1966, contribué - déjà - à la remise à l'honneur de Jules Verne, en particulier par un article en forme d'auto-interview aux Nouvelles Littéraires (mars 1966), “Sans lui notre siècle serait stupide”.

Ce n'est pas un hasard si c'est la Bibliothèque de Port-Royal qui nous accueille aujoud'hui : elle a, parmi les quelques 50 bibliothèques de la Ville de Paris, la particularité d'être "dédiée" à la science-fiction, au sens large, tant par son fond spécialisé qui nous entoure, par les revues et magazine auxquels elle est abonnée et qu'elle permet de découvrir, que par l'intérêt bien sûr corrélatif que manifestent ses responsables pour ce domaine. Ceux et celles qui viennent ici pour la première fois pourront donc revenir découvrir ces richesses, mais pour ce qui est des livres de Barjavel, rien ne vaut un exemplaire bien à soi que l'on peut lire, et relire... Je recommande d'ailleurs aux passionnés de La Nuit des temps, dont nous allons bientôt parler, la nouvelle édition parue il y a quelques semaines aux Presses de la Cité.
Géographiquement, il se trouve que nous sommes Boulevard de Port Royal, à quelque mètres de l'Hôpital Cochin, là même où s'éteignit René Barjavel dans la nuit du 23 au 24 novembre 1985, après avoir lui-même "conférencé" auprès des élèves du Collège Stanislas auxquels il avait consacré sa journée.


René Barjavel, écrivain de S.-F. ?

Alors, René Barjavel, écrivain de science-fiction...? Qu'est-ce que cela veut dire ? et est-ce bien vrai ?
C'est un qualificatif considérablement "raccourci" et raccourcissant. Car s'il est vrai que quelles que soient la, ou les définitions que l'on donne de la science-fiction - genre littéraire, état d'esprit, courant artistique et j'en passe, que je laisse aux théoriciens et universitaires qui sont d'ailleurs souvent à la fois juges et parties dans ce débat - on peut bien considérer que l'œuvre de Barjavel rentre dans cette "catégorie". Oui, mais... on peut avoir un doute... D'ailleurs, que nous dit-il lui-même ?

D'abord, je déteste le terme de Science-Fiction et je ne pense pas être un auteur de S.-F.

Cette prise de recul peut paraître, à son propre égard, assez provocatrice, et il faut la pondérer par d'autres de ses avis ou opinions, par lesquels il revendique bien son "affiliation" au "genre science-fiction" - faute de mieux.

Écoutons ce qu'il disait de la science-fiction dans sa Radioscopie chez Jacques Chancel (sur France-Inter) le 11 mars 1980  :

- Elle a toujours existé, mais elle est en train, depuis la guerre, non, même plus tôt, ça a commencé en Amérique dans les années 35, 40, elle est devenue, je ne dirais pas un nouveau genre littéraire, mais une nouvelle littérature. Je crois... je n'appelle pas la science-fiction un genre littéraire parce qu'elle comprend tous les genres. Elle a commencé par l'épopée, comme toutes les littératures : les grands chefs-d'œuvre américains, ceux de la science-fiction, sont des épopées, formidables, et ensuite, après l'épopée vient le temps du lyrisme, puis le temps du roman, alors il y a la science-fiction lyrique, la science-fiction satirique, la science-fiction politique, la science-fiction euh... et cœtera, tous les genres sont représentés dans la science-fiction. Et également le bon et le mauvais, comme dans toutes les littératures.

Dans une "auto-interview", pour Les Nouvelles Littéraires également, il déclarait déjà, le 11 octobre 1962 :

C'est à cause de ce tempérament dynamique, de cette large respiration de tout mon être, que je m'exprime en science-fiction. La science-fiction n'est pas un « genre inférieur », comme vous le prétendez avec votre petit sourire, ce n'est même pas un « genre » littéraire, c'est tous les genres, c'est le lyrisme, la satire, l'analyse, la morale, la métaphysique, l'épopée. Ce sont toutes les activités de l'esprit humain en action dans les horizons sans limites. C'est - évidemment - c'est le meilleur et c'est le pire. Il y a de très mauvais écrivains de science-fiction. Il y en a aussi et de bien plus nombreux, et de bien plus mauvais, dans le roman non science-fiction. Personne, pourtant n'aurait l'idée de prétendre que l'oeuvre de Balzac appartient à un genre inférieur parce qu'Eugène Sue écrivait en même temps que lui, sur les mêmes sujets et avec les mêmes personnages.

La SF n'est pas un genre littéraire. C'est une nouvelle littérature, qui comprend tous les genres : satirique, lyrique, psychologique, poétique, et surtout épique. Asimov et Van Vogt en particulier ont ressuscité l'épopée, morte depuis le Cycle d'Arthur. C'est toujours par l'épopée qu'une littérature commence.

et d'ailleurs, pour lui :

Le roman classique psychologique m'ennuie aussi bien à la lecture qu'à l'écriture. Quant au nouveau roman, mieux vaut n'en pas parler... Je crois sans aucun doute que la SF, c'est la forme littéraire de l'avenir.

Une caractéristique incontournable de la science-fiction est qu'elle se considère elle-même comme telle, je veux dire que ses auteurs sont conscients que leur œuvre relève de ce "genre".
Cependant, lorsque Barjavel est amené à parler de lui-même et de son œuvre écrite, il se démarque - sans aucune animosité - d'une certaine "catégorie" de science-fictionnaires, en particulier ceux des "collections", et reproche à certains auteurs :

La grande erreur des auteurs de SF, c'est de décrire des êtres non-humains parce qu'ils ne peuvent pas les décrire. A moins d'être dans un état second créé par la drogue et d'avoir des visions, et encore, même ces visions là, on les fabrique avec ce que l'on a.

En cela, sa propre position dans le genre est claire, puisque son œuvre, à une exception près - et encore très discrète et qui passe souvent inaperçue - ne fait nulle part mention d'extra-terrestres et encore moins de monstres.
C'est que pour lui, une telle ambition est vouée à l'échec par principe, car :

L'imagination est une forme de la mémoire, qui est sa limite ; donc on ne peut pas inventer quelque chose qui ne soit pas dans le cerveau ; ça n'existe pas. C'est incroyable de voir les tentatives des auteurs de SF, et des plus grands, pour essayer d'imaginer des extra-terrestres.

Et donc pour lui, plus que le choix d'un genre qu'il réfute, c'est celui d'un moyen poétique et de fabulation littéraire, comme il l'indiquait explicitement dans une interview rapportée par Jean-Louis Ezine dans Les Nouvelles Littéraires du 3 juin 1974 “Au commencement était l'épopée”.
C'est une des raisons qui nous ont amenés à donner à cette "causerie" un titre se référant à autre chose que la science-fiction, et visant à mettre en avant d'autres facettes des activités de notre auteur, choix nécessairement restrictif car l'approfondissement de son œuvre en révèle une multitude, certaines bien moins connues, ce qui là aussi ne peut manquer de tendre des liens et ressemblances avec Jules Verne. J'ai appris ici-même il y a quelques semaines que celui-ci avait "commis" quelques écrits "hors catégorie" : poèmes grivois, romans sentimentaux... Pour ce qui est de Barjavel, les poèmes grivois manquent à l'appel, quoique... certaines scènes d'amour de ses romans sont parfois d'un érotisme presque torride, et en tout cas inspirant... Et sait-on encore qu'il a écrit des paroles de chansons, dont l'une des premières d'Herbert Léonard déjà… tendrement coquine.


De quelles œuvres parlons-nous ?

Mais de quels écrits de Barjavel y a-t-il lieu de parler ? DE TOUS ! Dès ses premiers articles - car il a été, bien plus qu'un romancier, et bien avant de l'être, un journaliste - en 1930, au Progrès de l'Allier, on lui trouve ce goût pour l'extrapolation historique  le 13 janvier 1931, il utilise le procédé du voyage dans le futur pour présenter assez satiriquement la bonne ville de Moulins vue rétrospectivement par un historien de l'an 2169), tout autant que la poésie parfois très pure - toujours en prose.

Si l'on peut voir que sa bibliographie, présentée in extenso sur les documents que l'on peut se procurer dans la salle, concerne principalement le genre romanesque, ses essais qui sont une forme "développée" du journalisme, font aussi une large place à la poésie et à la pré-vision. Prévision qui, il faut insister sur ce point, relève de la logique plus que de l'imagination, dont j'ai mentionné plus haut les limitations qu'il lui trouvait. Et l'on rapprochera à ce sujet son "mode de fonctionnement" de celui de quelques-uns de ses "confrères", tel H.G. Wells qui écrivait en 1911 dans sa préface à la seconde édition de son roman Quand le dormeur s'éveillera :

Il s'agit d'une « fantaisie du possible » ; le récit choisit une grande tendance créatrice, ou un groupe de tendances, et développe ses conséquences pour l'avenir. « Supposons que ces forces continuent à s'exercer », voilà l'hypothèse de base.

Barjavel, lui, déclarait :

Je m'excuse, je n'ai aucune imagination. J'ai seulement les yeux ouverts et un esprit simple, et assez logique. Ravage, Le Voyageur imprudent et Le Diable l'emporte ne sont que des catalogues d'éventualités. Je n'imagine pas. Je considère ce qui est possible.

et encore, avec toujours cette ambiguïté à l'égard de la "catégorisation" :

Je ne me pense pas du tout auteur de science-fiction, si, avec ce mot on sous-entend étrange. Mon genre est plutôt celui du fantastique logique. Je pars toujours d'une hypothèse d'où je tire toutes les conséquences logiques qui en découlent. Elles sont toujours vraisemblables. Le Voyageur Imprudent en est l'exemple-type : un homme trouve le moyen - scientifique et non pas magique - de voyager dans le temps. Même à la fin, lorsqu'il découvre qu'au bout de tous ses voyages il existe et, qu'en même temps, il n'existe pas, la conclusion reste logique.

Il préfère donc se situer dans une optique plus littéraire, se définissant lui-même comme fabuliste, voire même conteur - renouant avec l'étymologie qu'il avait trouvée pour son patronyme, mais à laquelle il est possible d'apporter une érudite réfutation, l'une n'excluant peut-être pas l'autre d'ailleurs.

Le rêve, l'évasion, viennent donc après cette logique prospective. Et peut-être pas immédiatement après, mais en troisième position. Car avant cela, Barjavel se définit comme fabuliste, et se revendique une ascendance chez La Fontaine (auquel il rendra hommage dans Une Rose au Paradis, faisant de ses Fables le seul livre emmené dans l'Arche par Mr Gé., comme le Robinson Crusoë dans L'Émile de Jean-Jacques Rousseau), ou même de Turold, qui fut la source d'inspiration de son premier récit publié, Roland, le chevalier plus fier que le lion, ou de Rabelais - dont il a la nostalgie de la truculence et de la langue sonore, sonorité dont il reproche avec humour la disparition à Parmentier qui a introduit la pomme de terre dans le régime alimentaire des Français en remplacement des haricots... (là, on le sent presque admirateur de René Fallet et de sa science-fictionnesque Soupe aux choux...).

Je raconte une histoire pour en tirer une moralité, comme La Fontaine, et non une morale. La Fontaine est l'un des auteurs que je préfère. J'aime par-dessus tout La cigale et la fourmi et Le coche et la mouche. Ces deux fables sont pour moi l'exemple de ce qui est écrit définitivement sans que l'on puisse y changer un mot.

(voir : [ http://www.lafontaine.net/fables/1cigfour.htm ]
et [ http://www.lafontaine.net/fables/7coche.htm ])

en distinguant bien :

Je me verrais plus proche de la tradition française des fabulistes et des conteurs philosophiques : il est certain que je raconte une histoire et que j'en tire une moralité. Pas une morale, n'est-ce pas, je ne suis pas un moraliste. Une moralité, c'est un conseil pratique. Si tu es un corbeau et que tu tiens un fromage, n'ouvre pas le bec...

Ses livres et articles sont pleins de ces conseils pratiques; de bons sens, et son œuvre est en cela fondamentalement différente de celle de la plupart des auteurs de space-opera américains, ou des explorateurs de mondes et de pouvoirs extraordinaires. Il faut lui reconnaître une « humilité technique », ne serait-ce que par rapport à Jules Verne, se traduisant par une certaine modestie, ou du moins l'absence totale de prétention dans les assertions à caractère - ou prétentions - scientifiques : là où Jules Verne et ses héros croient et se font les champions de la science positiviste parfois même dans ses extrapolations aventureuses, Barjavel - mais il n'est pas le seul - reste suffisament "vague" pour ne pas imposer des pseudos-théories ou explications, voire des dénominations de procédés tellement fumeuses qu'ils en sont invraisemblables, et dont d'autres auront tendance à abuser (je pense à hyperespace, moteur transluminique, etc.)
Il est donc bien plus un héritier de Wells, qu'il considèrait comme le maître de la science-fiction, et ne disait-il pas, encore chez Jacques Chancel en mars 1980  :

J.C. - Mais on ne peut pas mêler science-fiction et fantastique. Comment situez-vous Wells, par exemple ?

R.B. - Ah, Wells, pour moi, c'est le génial inventeur de la science-fiction. Pour moi... plus que Jules Verne, n'est-ce pas ; j'ai lu tout Jules Verne quand j'avais douze ans, et ensuite tout ce qui a été traduit de Wells. Et pour moi, Wells... on n'a rien inventé depuis Wells, on a brodé, on a utilisé les données fournies par la technique et par la science moderne, mais Wells avait tout inventé. Et avec un talent... formidable.

Par rapport à ses contemporains, on peut le voir comme un "cousin" de son confrère américain qui était aussi un de ses amis, Ray Bradbury (on constatera aussi l'identité de leurs initiales...) qui déclarait lui aussi (dans une interview à l'Express en 1980 à l'occasion de l'adaptation au théatre de ses "Chroniques martiennes" à Paris :

 - Vous vous considérez donc aussi comme un fabuliste ?
[RB] - Oui, et les autres choses ne marchent pas tellement bien. D'une certaine manière, le terme « science-fiction » n'est pas assez vaste. Car nous écrivons tous de la science-fiction. Si j'avais écrit une nouvelle il y a quarante ans, sur le mal que vous avez eu à vous garer en venant ici aujourd'hui, les gens auraient dit : « Comme c'est ridicule ! Cela n'arrivera jamais. »
[...] (Si) Un romancier est intéressé par ce qui se passe dans le monde, il lui faut écrire de la science-fiction.

Ces deux démarches, « prospective logique » et « fable à moralité », sont chez Barjavel à la fois indépendantes et étroitement imbriquées. Indépendantes a priori, mais les conclusions de l'une vont donner au lecteur, sans qu'il soit nécessaire à l'auteur de l'asséner énergiquement, les éléments de réflexion pour se faire un point de vue selon l'optique de l'autre. Et c'est peut-être là l'écueil et la source du malentendu que risque de faire naître une lecture hâtive, ou se limitant au premier degré, de certains romans : croire que les positions exprimées (ou vécues) par les héros sont au sens strict celles de l'auteur. Barjavel en avait conscience, sans toutefois juger indispensable de proclamer de trop fréquentes mises en garde, mais n'omettant pas non plus de clarifier ce point lors d'interviews, au public plus ou moins restreint (ceci est tout particulièrement important pour Ravage et Le Voyageur imprudent, d'autant plus que l'époque de leur parution a pu laisser reprocher à l'auteur quelques influences malencontreuses).

Pour "enfoncer le clou" et bien montrer que Barjavel est bien un écrivain de science-fiction, je rappellerai, avec un sourire aigre-doux, qu'une raison de ne pas l'aimer de ceux, ou celles, qu'ils ne l'ont pas lu est que, justement...

« Barjavel ? non, je n'aime pas la S.-F. »...


Science, technique et science-fiction

Dans "science-fiction", il y a "science", et les œuvres qui relèvent de ce genre ont nécessairement une certaine approche, ou mise en action, de données scientifiques, ou plutôt techniques. Sinon, on a affaire à un "genre" cousin, la Fantasy, le Merveilleux, etc.
Si l'on fait bien cette distinction, il faut aussi différencier technique de magie, et pourtant, je me suis fréquemment rendu compte de la justesse de la phrase célèbre d'Arthur C. Clarke, qualifiée de Troisième loi de Clarke, et qui justifie ce cousinage des genres [voir http://www.chez.com/datoh/sf/auteur/clarke.html ] :

Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie

On serait donc presque tenté de faire entrer dans ce genre les gadgets des films de James Bond qui relèvent certes, à l'époque du tournage, d'une prospective technico-magique, mais, à peine dix ans, voire cinq, plus tard, d'une ringardise savoureuse...

Alors que l'anachronique robinet de gaz que l'Enchanteur installe - par magie ? - chez Bénigne constitue un véritable pont entre le genre merveilleux et la science-fiction, avec la touche d'humour à laquelle notre auteur reste fidèle.

L'interrogation de la science-fiction (je laisserai le terme techno-fiction à la disposition d'exégètes plus subtils) sur l'adéquation de la Voie de la Technique aux destinées de l'Homme date en fait de la naissance du genre. Dès ses premières œuvres, Wells la place en toile de fond de l'enchaînements des événements qui prennent naissance sous sa plume, et les suivantes, moins connues du grand public, sont celles d'un moraliste humaniste dont les préoccupations semblent avoir été voisines de celles de Barjavel (en nettement moins "enjouées" il faut le dire...).

Chez Barjavel, les éléments anticipatifs se différencient de l'anticipation-type que l'on trouve chez d'autres auteurs de science-fiction par le fait qu'ils sont intégrés au cadre de vie dans lequel ils se trouvent mis en scène - modestement, c'est à dire qu'ils ne constituent pas une fin en soi - et réalistement : ils y ont leur utilité, ils servent à quelque chose.
Car pour Barjavel, la technique et ses progrès ne s'assimilent pas directement à la magie : même si son utilisation comme source de merveilleux est fréquente chez lui, il s'agit plutôt d'une source d'émerveillement, d'un émerveillement lucide, et il considère explicitement que, s'il est impossible de tout expliquer, et si l'on ne peut pas dire non plus que "rien n'est inexplicable", tout peut faire l'objet d'une tentative de compréhension, d'un effort d'explication. Ce sera d'ailleurs une constante dans ses essais, La Faim du tigre (1966) et Si J'étais Dieu (1975).
Et la technique, telle qu'elle est mise en jeu dans son œuvre, est un ART ; et il a analysé, en particulier dans l'édition de 1951 de son Journal d'un homme simple, que l'Art, même religieux, se doit d'être utile, de servir à quelque chose, et surtout à quelqu'un, l'Homme, figure centrale de toute son œuvre.
Aussi la Technique, ses progrès et ceux de la Science, ne sont ni bons ni mauvais en eux-mêmes, mais uniquement par les utilisations qui en sont faites. Et si une telle constatation semble une banalité, il ne faut pas oublier qu'il lui fut maintes fois reproché de professer le contraire : d'être "réactionnaire", "anti-progressiste", voire "obscurantiste" - à propos de Ravage en particulier, et cela quelques décennies après la parution du roman.

Et puisque nous en sommes à évoquer "ceux qui ne l'aiment pas" - il y en a peut-être parmi nous ce soir - à cause de reproches "anti-progressistes" voire "rétrogrades" qui ont pu être exprimés, je ne peux que les inviter à lire, ou relire, son dernier livre Demain le Paradis, dans lequel son optimisme, certes raisonné, envers la science et la technique va bien loin devant les positions actuelles... Moins publiquement, certaines interviews ou conférences dans les dernières années de sa vie, invitent chaleureusement les jeunes générations à mettre beaucoup de leurs espoirs, et de leurs forces, dans l'avancée des sciences et techniques.


Science-fiction et prédiction chez René Barjavel

Peut-on alors invoquer cette tendance à la prédiction comme une composante caractéristique et habituelle de la science-fiction ?
Avec la période d'entre-deux-guerres, et sans nulle doute sous l'influence de Wells, l'interrogation s'est étendue à des sujets débordant le cadre strict de la science, à commencer par le discours sur la science elle-même et l'étendue des bienfaits qu'elle apporterait. Par là, la tentative de description de l'univers où l'homme pourra réaliser toutes ces choses a fait éclater le cadre maintenant un peu désuet du monde des héros de Jules Verne, qui est, à certains objets réalisés par une science alors à venir près, celui de son époque.
La science-fiction est alors devenue "sociale" en abordant l'étude - et la description - des environnements dans lesquels les découvertes scientifiques ou techniques inéluctables allaient pouvoir s'inscrire.

Dans le cas de Barjavel, l'époque même de ses débuts littéraires ne pouvait que le faire développer cette démarche personnelle de réflexion dont font preuve déjà ses premiers articles au Le Progrès de l'Allier mentionné précédement. Et ne considérerait-il pas par la suite l'écriture de romans comme le stade le plus abouti de l'activité journalistique ?


Je commencerai par Ravage, le premier de ses romans extraordinaires, qui nous offre dès les premières pages de belles descriptions visionnaires, et dont l'action se situe, rappelons-le, en 2052.

Dès 1942, Barjavel y met en scène des "objets", des technologies accompagnés de problèmes et parfois de leurs solutions, difficilement concevables dans le contexte de l'époque. Il en est résulté que les lecteurs des générations suivantes ont souvent eu l'impression que le livre venait d'être écrit, et Barjavel a souvent recueilli ce témoignage des étudiants auxquels il aimait rendre visite. Il déclarait en 1977 

Mon premier roman c'était "Ravage". Je l'ai écrit en 42, il est paru en 43. C'était l'histoire d'une civilisation qui s'écroule parce qu'elle manque d'énergie. Les garçons et les filles qui le découvrent aujourd'hui, qui ont seize ans ou dix-huit ans, qui le découvrent aujourd'hui dans les collections de poche s'imaginent que je l'ai écrit avant-hier.

Au tout début du roman, le voyage en train de François Deschamp, qui monte de Marseille à Paris en une heure, décrit un moyen de transport ferroviaire à très grande vitesse que la mise en service ces dernières années du TGV Méditerranée m'a ramené avec force à la mémoire.
Je ne peux pas m'empêcher de voir certains viaducs - en particulier celui de Ventabren à l'arrivée sur la plaine de Marseille vu de l'autoroute, sans penser à

la ligne Nantes-Vladivostock, (dont) les plans de remplacement avaient prévu la construction, partout où ce serait possible, de la voie aérienne sur l'emplacement même de l'ancien chemin de fer, afin d'utiliser ses ouvrages d'art.
 

Certes, l'aspect des rames et surtout leur moyen de motorisation ne sont pas encore tout à fait ceux de cette

automotrice à suspension aérienne (...) rappelant par sa forme élancée les anciens vaisseaux sous-marins.

dont le départ semble plutôt aérien :

Une sirène ulula doucement, les hélices avant et arrière démarrèrent ensemble, l'automotrice décolla du quai, accéléra, fut en trois secondes hors de la gare.
 

Barjavel a en fait anticipé les prototypes de monorail-aérotrain qui fut construit par Jean Bertin dans l'Essonne puis près d'Orléans à la fin des années 60 , ou, pour ce qui est de la propulsion, du Turbotrain en service sur la ligne Paris-Normandie dans les années 70. Certains traits bien caractéristiques des transports de notre époque y sont déjà, alors qu'ils étaient difficilement concevables lorsque le roman fut écrit, ne serait-ce que cette "sirène" annonçant le départ des trains, qui a commencé à sévir en France dans les transports parisiens à la fin des années 1970.

Ce n'est pas seulement l'aspect ou l'utilisation du moyen de transport eux-mêmes que j'y vois annoncés, mais aussi sa "logistique" : ces lignes à grande vitesse, en passe de relier les principales capitales de l'Europe (nous n'en sommes certes pas encore à Nantes-Vladivostock, quoique...), ont eu aussi l'effet de reléguer à l'abandon les voies anciennes, car

si l'on criait qu'on avait envie de remonter "dans le train" comme grand-père, on n'aurait tout de même pas accepté de s'asseoir dans une brouette poussive qui se traînait sur le ventre à trois cents kilomètres à l'heure.

En revanche, là où l'auteur est quelque peu "tombé à côté", emporté par un élan de créativité féconde idéalisant certaines réalités, c'est dans les modalités de construction de la voie en trois jours et trois nuits : tâche planifiée, préparée, approvisionnée et répétée des mois à l'avance, dont le succès est le couronnement d'une organisation rigoureuse, pas tant autoritaire que sachant s'appuyer sur un enthousiasme et une participation populaire sans réserve, peut-être dans le goût de certaines aspirations de l'époque... mais assez peu plausibles au vu de la réalité sociale, et peut-être quand même sous-dimensionné par rapport aux nécessités techniques d'un tel projet

Les moyens de communications, dans Ravage, ne sont pas en reste : radio et télétransmisison d'images flottantes en relief, (comme cette technique de téléprésence qui se retrouvera dans d'autres écrits, en particulier la petite nouvelle Le Travail du chapeau que j'ai redécouverte récemment), ont d'une certaine façon fait une apparition sans grand succès au début des années 90 par le concept de visiophonie (expérience de Biarritz). Les réticences des utilisateurs étaient d'ailleurs bien celles que Barjavel met en avant lorsque Blanche est surprise en tenue légère par un appel impromptu de Jérôme Seita...

Comme elle s'enveloppait dans son peignoir, le téléphone bourdonna.
Elle eut soin de couper l'émission de l'image, et appuya sur le bouton d'admission. La glace s'éclaira. Seita y apparut, assis à son bureau, quelques papiers devant lui.

Il passait un doigt sur sa moustache, se caressait le bout du nez du pouce et de l'index.")

- Allô, Mademoiselle Rouget ?
- Oui, bonjour. Monsieur Seita.
- Bonjour, Mademoiselle. Pourquoi donc vous cachez-vous ?
Blanche le vit sourire, fixer dans le vide un regard d'aveugle.
- Je me cache parce que je ne suis pas en état de me montrer, dit-elle. Ma chambre n'est pas faite et je sors du bain !
- Oh, je vous prie de m'excuser.

Je me permets de vous déranger d'aussi bonne heure pour vous demander de remettre vraiment votre sortie avec votre ami, comment dites-vous. Deschamps? à un autre jour. Je viens d'être appelé à Melbourne. Je dois partir demain et serai absent deux jours. Je veux vous emmener ce soir dîner quelque part au frais. Vous verrez votre ami demain...
- Mais, je lui ai promis...
- Une femme, voyons, n'est pas obligée de tenir une promesse...")

Il sourit, se leva, s'avança de trois pas hors de la glace.
Blanche, instinctivement, recula. Elle marcha sur le bas de son peignoir, qui glissa de ses épaules. Elle se trouva nue. L'image de l'homme, minuscule, venait droit vers elle, glissait dans le vide vers son ventre blanc. Elle poussa un petit cri de frayeur, essaya de se cacher tout entière derrière ses deux mains, se baissa pour ramasser son peignoir.

Elle n'y parvenait pas, elle continuait de le piétiner. Elle courut vers son lit, se glissa sous le drap, haletante.

- Je vous en prie, Monsieur Seita, retirez-vous! Il s'arrêta, surpris, tourna vers la gauche sa tête grosse comme une noix.
- Mon image elle-même est peut-être indiscrète ? Je vous en prie encore une fois, excusez-moi...
Il retourna sur ses pas, traversa le dos d'un fauteuil, rentra dans la glace, s'approcha de son bureau, tendit la main. La glace s'éteignit, redevint un simple miroir au tain brumeux, pendant que la voix de Seita continuait…

Un autre point où l'on surprend Barjavel à se tromper, comme un nombre important d'auteurs de science-fiction, sinon la quasi totalité, est dans l'"annonce" de transports aériens individuels... L'avion (ou hélicoptère, ou aéronef sphérique ou autre) personnel, que plusieurs romans mettent en œuvre pour le plus grand confort apparent des utilisateurs, se fait toujours attendre... on peut d'ailleurs ne pas le regretter en imaginant la pagaille aérienne qui pourrait en résulter. et dont, par exemple, le cinéaste Luc Besson a donné une étourdissante illustration dans Le 5ème Élément...

Sortant du cadre de la technique, on trouve aussi dans Ravage cette curieuse prédiction géographique par laquelle l'auteur place, près de l'emplacement de l'ancienne gare Montparnasse... une tour, celle de la Ville Radieuse... Et, à propos de gare parisienne, ne place-t-il pas

La Gare Centrale [qui], creusée au-dessous du Jardin des Tuileries et du Palais du Louvre, desservait tous les réseaux. François monta par l'ascenseur de l'arc de triomphe du Carrousel.

non loin de là où l'échangeur de Châtelet-Les Halles constituera, au début des années 80, un nœud multi-réseau... à proximité de la pyramide du Louvre, Place du Carrousel, reliant le monde du dessous à la surface...

Ravage contient aussi des anticipations historiques et sociales qui constituent le fond même du récit. Il n'a pas échappé à l'auteur lui-même que la disparition totale et inexpliquée de l'électricité, élément initiateur des événements, s'est réalisée, dans une proportion considérablement moindre mais déclenchant néanmoins un début de déroute psychologique sur la Côte Est de l'Amérique du Nord le 9 novembre 1965.
Et les plus récentes craintes électrico-techniques lors du "passage à l'an 2000", si elles ne se sont pas réalisées, laissaient entendre un scénario fort similaire... ce que certains groupes écologistes "intégristes" avaient préparé en conséquence (retour à la nature, etc)...

Socialement parlant, et pour en rester là sur Ravage, le modèle de société mis en place par le Patriarche François, et sujet à de nombreuses critiques ou polémiques, est intéressant à analyser dans son ontogénèse. Si le premier niveau de critique, insuffisament documenté ou au regard restreint, a voulu y trouver une inspiration pétainiste, j'ai pu montrer que des fondements de concept et d'organisation pouvaient de manière très plausible en être trouvés dans les idées de Lanza del Vasto, qui avaient abouti à la fondation de ses Communautés de l'Arche, dont les règles de vie et le cadre de référence sont extrêmement proches de ce que décrit Barjavel, y compris par leur formulation même.
Ce qui pose un problème ! Car si Barjavel a bien connu Lanza del Vasto et ses ouvrages (édités par R. Denoël) dès 1942 et même avant (Le Pélerinage aux Sources fut un succès d'édition chez Denoël et Steele en 1939), les communautés ne se sont mises en place qu'en… 1948. L'autobiographie de Lanza del Vasto qui en raconte l'histoire et en développe les idées, L'Arche avait pour voilure une vigne fut publiée en 1978.
Aussi, plutôt que de voir là une "prophétie réalisée" de la part de Barjavel, ou de considérer que la lecture du roman ait inspiré Lanza del Vasto (ce qui n'est d'ailleurs nullement exclus), on peut à nouveau saluer chez l'auteur ce talent à

choisir une grande tendance créatrice, ou un groupe de tendances, parmi des catalogues d'éventualités, et considèrant ce qui est possible, développer ses conséquences pour l'avenir.

Passons à d'autres œuvres. Curieusement, le roman Tarendol - qui n'est nullement de science-fiction - offre aussi des manières d'anticipations géographiques… Ainsi, certains lieux de la ville fictive de Millon les Tourdres, dans laquelle on sait qu'il faut reconnaître Nyons, la ville natale de Barjavel, sont présentés non pas comme l'auteur a pu les connaître dans son enfance, mais comme ils ont été aménagés ensuite : c'est le cas en particulier des emplacements des collèges de filles et de garçons, qui donne dans le roman le point de départ de l'intrigue amoureuse...

Mais je vais rester dans l'anticipation, non romanesque maintenant, avec Cinéma Total, essai sur les formes futures du cinéma qui, dès 1944 (et même plus tôt car il paru d'abord en articles dans L'Écho des Étudiants en 1942), annonçait des réalisations étonnantes : alors que le cinéma, et d'une manière générale la quasi-totalité des techniques d'images, offraient du monde une vision en noir et blanc dont les effets artistiques tenaient surtout dans la maîtrise des nuances de gris, Barjavel imaginait sans peine (p.39) que :

La couleur, ivresse nouvelle, envahira d'abord les écrans. L'agonie du film gris sera brève. Il traînera quelque temps un reste de triste vie dans les cinémas de province et les très pauvres salles des banlieues lépreuses. Puis les gamins eux-mêmes ne le supporteront plus.

Exercice d'imagination point trop difficile certes, mais dont la cohérence des développements mérite d'être soulignée.

De l'écran, la couleur se glissera dans les albums de famille. Le nouveau-né trônera au milieu de la page, tout rose sur sa fourrure blanche. Papa fera photographier sa fille dans sa robe bleu pervenche à l'occasion de ses dix-huit ans. Et la vieille tante d'Angers répondra par quatre pages de remontrances à l'envoi de la photo accompagnée d'affectueuses pensées. Parce qu'elle aura vu que sa nièce se met du rouge aux lèvres.

Pour arriver à :

La photographie et le cinéma pousseront l'imprimé vers de nouveaux progrès. Le lecteur s'irritera de voir son journal publier en noir un instantané extrait des actualités en couleur.

et c'est bien dans cet ordre, et avec cette gradation, que s'est progressivement établie l'arrivée de la couleur dans les images "publiées". Et les descriptions qu'il y fait ensuite du Cinéma en relief, dans lequel il voit l'avenir du septième art, forcent le respect par leur pertinence, surtout pour qui est allé dans une salle de ce type, en particulier au Futuroscope de Poitiers, à la Villette ou dans plusieurs centres d'attractions. Je me suis souvent demandé pourquoi cette prémonition ne s'est jamais trouvée saluée comme elle le mériterait... il est vrai que Cinéma Total est un ouvrage hélas, et injustement, un peu oublié sauf des spécialistes.
Mais continuons, toujours à propos du cinéma et, d'une manière générale, de ce qui allait devenir l'audiovisuel : Barjavel anticipait à juste raison certaines difficultés colorimétriques du rendu des couleurs selon l'éclairage et l'ambiance des scènes (p.41) :

(...) la caméra, dont la vitesse et l'ouverture seront réglées sur l'éclairage moyen, donnera une image sous-exposée dans les parties sombres, et surexposée dans les parties trop éclairées. La robe rose de l'héroïne deviendra brique dans les coins obscurs, et mauve au plein feu des projecteurs.
Tant que le hasard sera seul maître de ces phénomènes, ils produiront peut-être des effets charmants, mais plus souvent des effets désastreux. Le chef opérateur et le metteur en scène devront apprendre minutieusement comment une pellicule de telle marque transforme les couleurs en surexposées ou sous-exposées. Alors seulement, ils pourront commencer à jouer de leur nouvel instrument.
En attendant, nous verrons des films en couleur sans ombres, sauf pour quelques scènes très soigneusement préparées. Aux oppositions de valeur, de lumière, succéderont, dans une lumière plate, des compositions de teintes.
Viendra enfin le jour où les transformations des couleurs seront connues, cataloguées. Ce sera sans doute à ce même moment qu'un nouveau procédé permettra de reproduire exactement les teintes photographiées, quelque soit l'intensité de la lumière qui les frappe, et de les modifier et transformer à volonté, comme on modifie la luminosité par l'emploi du diaphragme.

En cela il introduisait la nécessité d'études théoriques et le développement d'écoles de cinéma de haut niveau, qui firent leur apparition à la fin de la guerre puis se développèrent par la suite. Il anticipait aussi des techniques de traitements et manipulations d'images qui ont désormais supplanté les images naturelles...

D'un point de vue formel, Cinéma total est un essai et non un roman (mais l'auteur le qualifiait de« graine de roman »), mais certaines descriptions de vie quotidienne de la société future que l'on peut y trouver relèvent néanmoins du genre romanesque, et parfois même lyrique : salles de spectacles aux fauteuils pneumatiques (p 48), machines à laver, qui pour la ménagère de 1950, auront constitué "une affreuse corvée" en comparaison de l'utilisation de textiles plus futuristes et des procédés de recyclage qu'envisage l'auteur et qui seront d'ailleurs récurrents dans bon nombre d'œuvres ultérieures.
C'est qu'en 1944, on utilisait les lessiveuses en fer galvanisé.

Dans le domaine de l'image-spectacle, ce qui est particulièrement étonnant est l'anticipation que fait Barjavel de concepts pour le moins modernes, et difficiles à rattacher à quelque donnée que ce soit de l'époque ... Qu'on en juge :

La télévision va faire des progrès rapides. Après la présente guerre, des postes récepteurs perfectionnés seront fabriqués en grande série. Mais ils ne recevront que des spectacles médiocres. Il faut plusieurs mois de travail, de mise au point, de choix, et un nombre considérable de millions, pour fabriquer un film qui dure deux heures. Un studio de télévision, qui émettra ne serait ce que dix heures par jour de spectacle renouvelé, ne pourra pas se permettre le luxe d'une telle préparation. Les émetteurs se transformeront en succédanés de théâtres, et nous montreront toutes les vedettes et tous les répertoires des salles subventionnées. Ils entremêleront ces spectacles poussiéreux de vues de plein air, d'actualités sportives. Ils utiliseront tout ce qui ne coûte rien. Et, naturellement, chercheront à projeter des films.
Non moins naturellement, les compagnies capitalistes de production s'y opposeront, car si le spectateur reçoit le cinéma à domicile, il ne passera plus au guichet. Comment, alors, lui prendre son argent ?
Même si le cinéma devient une industrie de l'État, celui-ci ne pourra pas distribuer gratuitement, sur les ailes du vent, ce qui aura coûté tant d'efforts, et des sommes de plus en plus considérables. Il devra trouver le moyen de faire payer le spectateur en chambre. Nous aurons sans doute des postes munis de compteurs, où s'inscrira, en unités nouvelles, la consommation que nous aurons faite de telle ou telle longueur d'onde. Nous paierons à la Compagnie de Perception des Droits Cinématographiques, comme nous payons aujourd'hui à la Compagnie du Gaz ou de l'Électricité. Et la CPDC répartira ces droits entre les producteurs de films, ou les transmettra au Trésor Public.
Avant d'en arriver là, nous verrons sans doute bien des remous agiter le monde du cinéma. La télévision, avant de se confondre avec lui, va le secouer à mort. Bien des gens préféreront recevoir à domicile un spectacle médiocre, plutôt que de se déranger pour assister à la projection d'un film de meilleur qualité. Ainsi la télévision, dès qu'elle diffusera largement ses mauvaises productions, fera-t-elle une concurrence sérieuse au cinéma. La révolution du parlant, les ruines qu'il accumula, seront considérées comme des bagatelles quand la transmission des images par les ondes bouleversera l'industrie du film. Après leur grand combat viendra enfin la fatale alliance de la télévision et du cinéma, et nul ne pourra plus se défendre contre eux.
Le cinéma à domicile, même taxé, ne remplacera d'ailleurs pas entièrement le cinéma dans les salles. Il faut compter, en effet, avec le besoin qu'éprouvent les hommes de se rassembler en grandes foules pour jouir ou pour haïr, avec le plaisir qu'éprouvent les plus casaniers, les plus attachés à leurs pantoufles, à sortir de temps en temps de chez eux. Les gouvernements encourageront toutes les entreprises qui permettront d'agglomérer régulièrement les citoyens sous l'emprise d'une même émotion. Les nouvelles facilités de transmission des spectacles seront mises à profit pour enseigner aux peuples leur histoire vivante. Des fantômes de grands hommes précéderont les cortèges commémoratifs. L'image de la Bastille repoussera chaque quatorze juillet au cœur de Paris, et les jeunes habitants de la capitale se mêleront à leurs ancêtres pour la prendre d'assaut. Sur les champs de bataille, des Bayard impalpables entraîneront les hésitants vers des fins héroïques. A domicile, le cinéma total, un instant prisonnier du poste récepteur et de son écran, s'en évadera pour se promener dans l'appartement. Le bourgeois, bien empli par son repas, et emplissant bien son fauteuil, projettera l'image virtuelle à ses pieds, sur le tapis, ou sur le champ clos de la table, ou quelque part dans l'espace, entre le parquet et le plafond. Un tour de bouton de trop, un caprice de l'appareil, et l'image, traversant les murs, ira se promener chez le voisin. Nous n'aurons plus à nous défendre seulement contre les bruits, mais aussi contre les visions intempestives. Des insouciants laisseront leur poste crier les images. Dès l'aurore, un radio-journal mal aiguillé fera danser son actualité sur notre édredon... Les grands centres de production des spectacles émettront pour le monde entier. D'Hollywood, de Babelsberg, ou de la Victorine à Romorantin, point de relais, point de transport de bobines. La féerie ailée se jouera de la matière.
Que seront ces ondes qui transporteront les images ? En quoi consisteront les appareils capables de les concrétiser dans l'espace ? Nul technicien d'aujourd'hui n'est capable de faire la moindre supposition à ce sujet, pas plus que Léon Gaumont, qui, au début du siècle, synchronisait le phonographe et le cinéma, ne concevait la possibilité de la piste sonore du film parlant. Pourtant, les enfants d'après-demain apprendront à l'école le fonctionnement des appareils dont nous n'imaginons même pas le principe.
Quel sera le nouveau moyen d'enregistrement et de conservation des images ? Une seule chose nous semble évidente, c'est qu'il n'aura rien de commun avec le film d'aujourd'hui et que la photographie n'y jouera aucun rôle. Il sera peut-être basé sur la propriété que possèdent certaines matières de voir leur texture interne modifiée lorsqu'on les soumet à l'action de certaines ondes. Un spectacle de plusieurs heures se conservera sous un faible volume. Disque, ou fil en bobine, ou sphère, ou feuilles reliées, il sera aisément maniable, et permettra à l'amateur de conserver chez soi ses spectacles préférés, ou de les emprunter à la cinémathèque de quartier, afin de les revoir et de les ré-entendre, comme il relit un livre aimé.
Il lui suffira pour cela de les confier à son appareil récepteur, comme il lui confie aujourd'hui ses disques.
Telle partie qui l'émerveille, il la fera passer cinq ou six fois de suite, découvrant à chaque coup quelque beauté nouvelle dans le jeu des acteurs, la composition des couleurs, le rythme de l'action, la poésie du dialogue, ou le mouvement des volumes. Alors, le cinéma ne sera plus cette industrie qui produit des œuvres fugitives dont il ne reste bientôt qu'un souvenir en quelques esprits. Ses chefs-d'œuvre demeureront, comme demeurent ceux de la littérature, de la peinture, de la musique. Ils seront étudiés, enseignés, aimés. Et nul n'osera plus prétendre que le cinéma n'est pas un art.

Tout y est !! Omniprésence de la télévision - pourtant pratiquement inconnue à l'époque - évolutions des mentalités et des loisirs, de la qualité des productions, mais aussi des techniques qui, même si

Nul technicien d'aujourd'hui n'est capable de faire la moindre supposition à ce sujet,

sont bien là maintenant : magnétoscope et même DVD et autres enregistrements numériques, en tout cas

moyen d'enregistrement et de conservation des images n'ayant rien de commun avec le film d'aujourd'hui dans lequel la photographie ne joue aucun rôle...

Surtout, on y voit aussi la télédiffusion internationale instantanée, maintenant possible grâce aux satellites, alors pas même imaginés, et, vraiment étonnante, la télévision à péage, les décodeurs-compteurs très exactement définis comme le pay-per-view actuel...

On serait tenté de dire qu'il n'y manque que la carte à puce comme moyen d'abonnement ou de paiement... mais certains spécialistes sont bien conscients de ce que cette technique et l'industrie qu'elle fait vivre doivent à notre auteur...
Dès 1983, les premiers prototypes élaboprés par la société Bull (CP8) se sont référés à La Nuit des temps, à preuve la mention qu'en a fait M. Michel Ugon, directeur technique du projet dans un article de La Recherche, ainsi que la lettre que lui avait adressée Barjavel à ce sujet.

Et c'est à ce roman, le plus connu je pense, et qui vient d'être ré-édité par les Presses de la Cité, que l'on va maintenant se reporter : sa remarquable construction "filmique" - et pour cause puisque le roman dérive du scénario d'un film jamais, ou plutôt "pas encore" tourné - y donne la place à la mise en scène, et même en images, de descriptions d'une vie future, ou incroyablement éloignée dans le passé, dans laquelle des réalisations techniques, économiques et sociales deviennent progressivement d'actualité à présent, on point que l'on se demande parfois jusqu'où cela va aller...
Je vais en souligner les plus marquantes ; et là encore il n'est pas de mois sans qu'un communiqué ou une publication scientifique m'amène à penser : "mais c'est vrai... ça aussi Barjavel l'avait annoncé"...
On trouvera sans peine d'autres exemples où l'auteur n'a pas prévu, et où ce qu'il a décrit ne s'est pas réalisé. Certaines restent du domaine du rêve, en tout cas pour ce qui est de leur réalisation (utilisation de l'"Énergie Universelle" pour la production de nourriture), d'autres peuvent s'identifier comme cohérents et émergents dans un contexte socio-politique qui n'est plus le même aujourd'hui (influence de la guerre froide, et de diverses préoccupations qui n'ont plus cours...), et, peut-être pour cette raison, n'ont jamais vu le jour.

  • Le calcul en réseau

    La solution de partage de ressources informatiques qui est mise en œuvre pour déchiffrer la langue d'Éléa, et par là comprendre ce qu'elle demande pour se nourrir, est maintenant devenue une réalité, et cela dans une structure et pour des applications similaires. Après des expérimentations plus ou moins anecdotiques d'équipes universitaires ou semi-professionnelles (DES-Challenge), la constitution de tels réseaux de calcul partagé a vu au printemps 2002 une mise en œuvre réussie avec le projet Décrypthon
    L'objectif était l'analyse de paquets de données comprenant des descriptions de protéines afin d’établir comparatif exhaustif des 500.000 protéines existantes dans le monde vivant. Pour cela chacun de quelques dizaines de milliers de micro-ordinateurs personnels bénévoles et indépendants, une fois inscrits, recevaient du système fédérateur des "tranches" de valeurs à traiter pendant ses - nombreuses - périodes d'inactivité. La tâche s'est accomplie en deux mois au lieu du millier d'années qu'aurait nécessité le travail par un seul ordinateur puissant. Ce projet a été réalisé grâce à la coopération du fabricant de matériel informatique IBM et de la société française de biotechnologies Genomining.

    Son objectif était de déchiffrer les séquencements de protéïnes, travail colossal qui aurait demandé mille ans à un seul orinateur puisant mais qui s'est réalisé en quelques mois en utilisant les périodes d'inactivité de dizaines de milliers d'ordinateurs individuels.
    Ensuite, le "réseau virtuel"

    se défit. Les relais se désamorcèrent, les liaisons tombèrent, le réseau nerveux tissé autour du monde se rompit et se résorba. Du Grand cerveau, il ne demeura plus que ses ganglions indépendants, redevenus ce qu'ils étaient auparavant, socialistes ou capitalistes, marchands ou militaires, au service des intérêts et des méfiances.

    D'autres recherches sont en cours, presque toutes dans le domaine du déchiffrement ou de la traduction. Je citerai :

    • le projet seti@home dans lequel trois millions de micro-ordinateurs participants analysent des signaux radioastronomiques du radiotélescope d'Arecibo dans l'hypothèse d'y trouver une trace de signification extraterrestre intelligente.
    • un projet de dictionnaire multilingue universel qui se construit par apport bénévole de vocabulaire. Les grandes entreprises du secteur ont bien sûr assuré leur présence dans cette activité dès le début, en "parrainant" certaines opérations puis en en constituant des offres commerciales de ce que la langue informatique internationale a appelé grid computing.
    - Le projet seti@home qui vise à analiser les signaux radioastronomiques en vue d'y trouver une trace d'intelligence extraterrestre.
    - Un projet collaboratif de discitonaire munltilingue universel.
  • La miniaturisation et les nanotechnologies

    Que pensez-vous de cette description d'un objet trouvé dans le"conservatorium" de Gondawa ?

    C'était un cube aux coins arrondis, de 22 cm d'arête. Il comportait, accolé à une de ses faces, un tube creux disposé selon une diagonale. Le tout était compact, fait d'une matière solide et légère, d'un gris très clair. Hoï-To le physicien le prit en main, le regarda longuement, regarda les autres objets.
    Il y avait une boîte sans couvercle qui contenait des baguettes octogonales de différentes couleurs. Il en prit une et l'introduisit dans le tube creux accolé au cube. Aussitôt, une lumière naquit dans l'objet et l'illumina doucement.
    Et l'objet soupira...
    Hoï-To eut un petit sourire mince. Ses mains délicates posèrent le cube sur la table blanche.

    Maintenant, l'objet parlait, Une voix féminine parlait à voix basse dans une langue inconnue. Une musique naquit, pareille au souffle d'un vent léger dans une forêt peuplée d'oiseaux et tendue de harpes. Et sur la face supérieure du cube, comme projetée de l'intérieur, une image apparut : le visage de la femme qui parlait. Elle ressemblait à celle qu'on avait trouvée dans l'Oeuf, mais ce n'était pas elle. Elle sourit et s'effaça, remplacée par une fleur étrange, qui se fondit à son tour en une couleur mouvante. La voix de la femme continuait. Ce n'était pas une chanson, ce n'était pas un récit, c'était à la fois l'un et l'autre, c'était simple et naturel comme le bruit d'un ruisseau ou de la pluie. Et toutes les faces du cube s'illuminaient tour à tour ou ensemble, montrant une main, une fleur, un sexe, un oiseau, un sein, un visage, un objet qui changeait de forme et de couleur, une forme sans objet, une couleur sans forme.
    Tous regardaient, écoutaient, saisis. C'était inconnu, inattendu, et en même temps cela les touchait profondément et personnellement comme si cet ensemble d'images et de sons avait été composé spécialement pour chacun, selon ses aspirations secrètes et profondes, à travers toutes les conventions et les barrières.
    Hoover se secoua, se racla la gorge, toussa.
    - Drôle de transistor, dit-il. Arrêtez ce machin.
    Hoï-To retira la baguette du tube. Le cube s'éteignit et se tut.


Dans La Nuit des temps, les dispositifs de transmission individuels qu'utilise Éléa pour communiquer ses souvenirs à Simon et les faire partager à la communauté internationale résistent à l'investigation des scientifiques qui tentent d'en comprendre la constitution. Non pas qu'ils soient "magiques", mais la technologie utilisée est "trop" avancée :

- Faut pas s'y tromper, dit Brivaux, c'est de l'électronique moléculaire. Ce truc-là est aussi compliqué qu'un émetteur et un récepteur TV réunis et aussi simple qu'une aiguille à tricoter ! Tout est dans les molécules ! C'est formidable !

Je fais remarquer au passage que cette préoccupation de "télépathie" reste une idée essentielle de Barjavel écrivain, qui déclarait, dans sa Radioscopie :

Pour moi, le chef d'œuvre, ce serait le livre dont les mots seraient totalement transparents. Je veux dire, sans aucun... on ne sente plus jamais l'effort, où le lecteur lirait, et l'image, les images, les personnages, l'histoire, passeraient directement dans sa tête, et il oublierait les mots. Voilà, pour moi c'est ça l'idéal de l'écriture.

Si en 1969 les circuits intégrés faisaient de timides apparitions - avec des dimensions énormes par rapport à leur évolution actuelle - des concepts plus miniaturisés restaient quelque peu "fumeux" hors des laboratoires universitaires (le premier à en parler semble être Richard Feynman dans un article de 1959, There's plenty of room at the bottom [voir http://www.its.caltech.edu/~feynman/plenty.html], discutant des limites de la miniaturisation en prévoyant la possibilité d'arranger la disposition des atomes à notre guise).(Richard Feynman l'évoquait en 1959.)
Or depuis maintenant quelques années les recherches dans ce domaine ont fait des bonds en avant, au point de rencontre de l'électronique proprement dite, de la micro - ou plutôt nano - mécanique, de la chimie et de la biologie. Dans un article présentant les premières réalisations et les perspectives du secteur, un spécialiste français n'omettait pas de rendre hommage à Barjavel comme instigateur de l'idée et de ses potentialités (dossier du 4 décembre 2000 dans Libération, voir aussi : [ http://www.zyvex.com/nano/ ])
Non seulement des miniaturisations extrêmes peuvent être envisagées, mais aussi des propriétés fonctionnelles des objets eux-mêmes, s'auto-construisant, se réparant, et pouvant ainsi laisser prévoir une structure industrielle autonome, optimisée et non polluante, dont des descriptions (voir un article sur les perspectives des nanotechnologies moléculaires : [ http://www.archipress.org/ts/henchoz.htm ]) évoquant étonnament celles que Barjavel fait des

Les usines silencieuses et sans déchets fabriquaient tout ce dont les hommes avaient besoin. La clé était la base du système de distribution.
(...) Une fois construites et mises en marche, les usines fonctionnaient sans main-d'œuvre et avec leur propre cerveau. Elles ne dispensaient pas les hommes de tout travail, car si elles assuraient la production, il restait à accomplir les tâches de la main et de l'intelligence.
(...) Les objets que fabriquaient les usines n'étaient pas des produits d'assemblage, mais de synthèse.

ou des qualités auto-réparatrices des matériaux, telle la conduite d'eau des souterrains de Gondawa qui se "cicatrise" après qu'Éléa et Païkan l'eurent percée pour s'y désaltérer dans leur fuite...

il nettoya du tranchant de la main la poussière qui ouatait une sorte de cylindre courant à hauteur d'homme le long du mur, et y enfonça par deux fois une lame. Un double jet d'eau se mit à couler. Éléa, la bouche ouverte, se jeta sous la mince colonne transparente. Elle s'étrangla, toussa, éternua, rit de bonheur. Païkan buvait dans ses deux mains en coupe. Ils avaient à peine étanché leur soif quand le double jet diminua et tarit : la conduite d'eau avait réparé ses fuites.

Je lisais il y a deux semaine un article de vulgarisation scientifique qui présente exactement la même chose...

  • Une structure économique s'appuyant sur le crédit

    La civilisation de Gondawa qu'Éléa fait revivre sous nos yeux présente plus que la simple mise en application des technologies qui en sont quand même les fondements. Le modèle économique que lui donne Barjavel, rendu possible par l'absence intrinsèque de quelconque pénurie grâce à ces technologies, repose sur le crédit distribué à chacun annuellement sur une base relativement égalitaire, et surtout réinitialisé chaque année pour ne pas permettre l'accumulation.

    Chaque vivant de Gondawa recevait chaque année une partie égale de crédit, calculée d'après la production totale des usines silencieuses. Ce crédit était inscrit à son compte géré par l'ordinateur central. Il était largement suffisant pour lui permettre de vivre et de profiter de tout ce que la société pouvait lui offrir. Chaque fois qu'un Gonda désirait quelque chose de nouveau, des vêtements, un voyage, des objets, il payait avec sa clé. Il pliait le majeur, enfonçait sa clé dans un emplacement prévu à cet effet et son compte, à l'ordinateur central, était aussitôt diminué de la valeur de la marchandise ou du service demandés.

    Le JavaRing, bague contenant un micro-processeur destiné à des fonctions d'identification...

    Il s'agit bien là d'une vision utopiste, qui s'inscrit dans une réflexion qui me semble peut-être avoir été davantage d'actualité en 1968 qu'à présent. Il faut aussi dire, comme l'indique la page du site sur le roman, que l'idée elle-même n'est pas neuve : Barjavel l'a pratiquement reprise mot pour mot du livre d'Edward Bellamy « Cent ans après ou l'an 2000 » (Looking Backwards), lui aussi histoire d'un réveil après un sommeil toutefois bien moins long. (on peut d'ailleurs le mettre en parallèle avec le Paris en l'an 2000 de Jules Verne, qui a eu - récemment - plus de notoriété et qui est pourtant moins intéressant à mon avis...
    Mon propos n'est pas de dire que l'auteur s'est trompé... chose presque impossible par principe avec les utopies (qui sont, étymologiquement, de nulle part), mais de mettre en avant certaines faiblesses du modèle qui ne lui ont pas échappé non plus.
    C'est ainsi que Barjavel a bien réalisé qu'une société idéale ne pouvait l'être pour tous. Et que le mécanisme de constitution du groupe social (La Désignation), même optimisé, aurait des "échecs", qui se trouveraient exclus de la société et que celle-ci même ignorerait. Ce sont les "sans-clés", les "non-désignés" ou "les Gris"... Préfigurations pathétiques de nos exclus, SDF ou sans papiers, quoique le problème était déjà présent dans toutes les sociétés bien avant 1967... Mais cette vision de son inéluctabilité, et presque de sa concomitance à toute tentative de construction de monde idéal, ne manque pas d'ouvrir des pistes à la réflexion sociologique qui nous mèneraient assez loin, et lescience-ficiton a souvent servi de base à de telles réflexions.

    A propos de catégories sociales exclues, je suis aussi étonné de voir, dans Une Rose au Paradis cette "prémonition" des bandes sauvages des villes et banlieues, les tondus :

    On les appelait les tondus parce qu'ils se rasaient le visage et le crâne en réaction contre leurs pères, les pacifiques barbus des années 70, à qui il avait fallu peu de temps pour devenir de vieilles barbes. La nouvelle génération était prête à faire n'importe quoi, la révolution, l'incendie, le meurtre, la guerre, pourvu que ça bouge.

  • L'habitat souterrain

    Ce n'est qu'après la seconde guerre mondiale que l'idée d'abriter les lieux de vie sous terre est devenue d'actualité. Certes les abris souterrains "primitifs" existaient de longue date, mais comme refuges temporaires à des calamités au pire épisodiques. La menace nucléaire, tout récemment apparue et impressionnant considérablement les esprits de l'époque, amenait ce concept comme possible solution future à un péril latent. Néanmoins, on n'en trouvait aucune réalisation concrète, à part des prototypes d'abris antiatomiques plutôt anecdotiques, et son extension à l'échelle des villes peut à juste titre faire figure d'innovation. Or Barjavel s'y réfère déjà dans Cinéma Total :

    L'humanité, jaillie des cavernes, a voulu maîtriser l'univers. Elle a libéré des forces de plus en plus puissantes dans l'espoir de les utiliser. Chacune de ces forces s'est retourné contre elle. Les hommes commencèrent à soupçonner le sens du péché de connaissance. Ils se sont repliés vers leur base de départ, ont cherché un dernier refuge dans le ventre de leur mère la Terre.
    Voici la ville enfouie. Cent étages de rues superposées, entrecroisées, illuminées. Ascenseurs, escaliers roulants, pistes mobiles, grouillement de millions d'êtres aux joues pâles. Plus bas, c'est le quartier silencieux des usines sans fumée. Les machines tournent seules. L'utilisation de l'énergie fabuleuse libérée par la désintégration de la matière a arraché l'homme à l'esclavage du travail manuel. Les machines produisent pour tous des richesses sans cesse renouvelées. Des appareils délicats les commandent et les surveillent, eux-mêmes surveillés par d'autres. Quelques milliers d'ingénieurs aux mains propres dirigent le tout. L'homme n'a plus rien à faire.

    puis dans l'avant-dernier chapitre du Journal d'un Homme simple, où elle lui parait "évidente", en premier lieu comme localisation de l'Exposition Universelle représentative des villes de l'avenir :

    On cherche où bâtir l'Exposition. L'évidence répond : sous terre. Aux architectes de prévoir le détail. Pour ma part, je la vois, en gros, sous la forme d'une sphère, hermétique, percée de quelques portes-ascenseurs s'enfonçant en elle comme des bouchons, et flanquée d'un puits orientable : la piste de départ des fusées astronautiques. Telle sera la ville de demain. Sphérique pour être plus exactement hermétique. Ses portes s'ouvriront en temps normal vers la surface, l'air, et vers des prolongements souterrains : fleuves, lacs, galeries, routes d'eau ou chemins de fer vers d'autres villes rondes. Mais à la moindre alerte, elle doit pouvoir se fermer sur elle-même en quelques secondes, et ne plus laisser pénétrer un grain de poussière, un atome de gaz. Donc, hermétique et autonome.

    et bien sûr dans La Nuit des temps où elle est la base même de l'urbanisme de la civilisation d'Éléa 

    La sagesse conseillait de reconstruire à l'abri.
    Le sous-sol fut creusé davantage en profondeur et en étendue. son aménagement engloba les cavernes naturelles, les lacs et les fleuves souterrains. L'utilisation de l'énergie universelle permettait de disposer d'une puissance sans limite et qui pouvait prendre toutes les formes. On l'utilisa pour recréer sous le sol une végétation plus riche et plus belle que celle qui avait été détruite au-dessus. Dans une lumière pareille à la lumière du jour, les villes enfouies devinrent des bouquets, des buissons, des forêts. Des espèces nouvelles furent créées, poussant à une vitesse qui rendait visible le développement d'une plante ou d'un arbre. Des machines molles et silencieuses se déplaçaient vers le bas et vers toutes les directions, faisant disparaître devant elles la terre, et le roc. Elles rampaient au sol, aux voûtes et aux murs, les laissant derrière elles polis et plus durs que l'acier.
    La surface n'était plus qu'un couvercle, mais on en tira parti. chaque parcelle restée intacte fut sauvegardée, soignée, aménagée en centre de loisirs. Là, c'était un morceau de forêt qu'on repeuplait d'animaux ; ailleurs, un cours d'eau aux rives préservées, une vallée, une plage sur l'océan. On y construisit des bâtiments pour y jouer et s'y risquer à la vie extérieure que la nouvelle génération considérait comme une aventure.
    Au-dessous, la vie s'ordonnait et se développait dans la raison et la joie.

    Si l'Histoire a déjà eu l'occasion de faire habiter les hommes dans des villes souterraines. , et c'est à la fin des années 60 que le concept devint réalité "moderne", au Canada avec la construction des parties souterraines de Montréal (1966), qui s'étendent sur dix stations de métro, et regroupe plus de 200 restaurants, 1700 boutiques, 30 cinémas, le tout relié par un imposant réseau de tunnels et passages souterrains. Puis, je dirais insidueusement, la plupart des métropoles en a fait autant, et non seulement les transports en commun y sont une activité souterraine, mais une part importante de la vie quotidienne de nombreux individus se déroule en sous-sol dans des conditions et pour des occupations que l'on aurait eu du mal à imaginer comme telles il y a quarante ans (commerces, restaurants, loisirs...). Quant à l'habitat souterrain... peut-être y arrive-t-on... à nouveau...

 


Comment et Pourquoi  ?

Après ces présentations - forcément limitées par le temps qui nous est imparti ce soir - il convient de revenir à la question de tenter d'expliquer dans quelle mesure, et, le cas échéant, par quel privilège, la science-fiction et tout particulièrement l'œuvre de René Barjavel, bénéficient de cette "aptitude" à la prédiction.
Qu'il y ait des prédictions dans la science-fiction est indéniable, et l'explication "rationalisante" qu'elles ne relèvent que de la coïncidence me semble quant à elle relever de l'esquive ou du tour de passe-passe...
Plus intéressante me parait être la remarque que les auteurs de science-fiction, et je me permettrai de dire "les bons", ne conçoivent pas leur activité sans une sérieuse documentation, soigneusement tenue à jour, sur les dernières découvertes et actualités, scientifiques bien sûr, mais de bien d'autres domaines.
On peut aussi objecter que des prophéties telles que celles que j'ai relevées semblent par nature avoir une prédisposition à l'auto-réalisation au même titre que certaines prévisions économiques ou financières, sur la base d'un postulat parfois constaté que

Le futur est affecté par la vision que l’on en a.

Ne cite-t-on pas curieusement que l'écrivain Cleve Cartmill fit les frais en 1944 de ce talent : il faillit être arrêté, convaincu d'espionnage parce qu'il décrivait minutieusement la bombe atomique dans une nouvelle, "Deadline", parue peu avant les premiers essais nucléaires ! Campbell, rédacteur en chef de la revue Astounding qui publiait Cartmill, réussit à convaincre le FBI de l'innocence de son auteur...

Je suis bien conscient d'avoir introduit une échelle de valeur en précisant "les bons auteurs"... et on ne sera pas surpris que je profite de ce critère pour y placer notre auteur qui, comme Jules Verne, se tenait minutieusement au courant de l'actualité y compris scientifique, que son activité de journaliste l'a souvent amené à commenter en direct sur les ondes, à la radio et à la télévision.
Sa bibliothèque personnelle, avec des rayonnages remplis d'encyclopédies, et les nombreux dossiers thématiques qu'il établissait, impressionnaient ses visiteurs dont j'ai recueilli les témoignages. Il était aussi en contact amical avec de nombreuses personnalités du monde des sciences, et aussi des spécialistes des problèmes contemporains, sociologues, religieux, biologistes. Ceux-ci lui ont d'ailleurs apporté un sympathique soutien lors de la parution de La Nuit des temps en élaborant un petit livret de présentation mettant envaleur la pertinence du roman chacun dans son domaine respectif.
Une telle richesse de documentation ne suffit pas, à moins d'alimenter une démarche créatrice qui constitue ce qu'il faut bien appeler la magie, le talent et le "don" de l'auteur. Allant bien au-delà de la simple "logique mathématique", ce sens affiné du raisonnement logique sert comme l'auteur l'expliquait lui-même à la construction de "mises en situations", jusqu'à leur extrême aboutissement souvent cataclysmique.
Plus généralement de la part de l'écrivain, lucidité et objectivité accompagnaient une indépendance d'esprit et ce que l'on ne peut qu'appeler un "solide bon sens" pour lui éviter le rejet de situations imaginables sous le prétexte d'irréalisme.
Une remarquable absence d'a-priori semble avoir complété et renforcé l'efficacité de sa curiosité universelle. Car s'il écrivait, dans La Faim du tigre :

Je me sens aussi jeune qu'elles (les enfants), plus peut-être à cause de ma curiosité et de ma joie qui sont plus grandes que les leurs. Elles vivent. Moi je sais que je vis. Il m'a fallu beaucoup de temps pour l'apprendre. Et je voudrais savoir tout le reste. A moins d'être Dieu, le temps tout entier n'y suffirait pas.

pour certains de ses contemporans et amis, tels Jean Cocteau :

Son regard se portait sur le monde futur avec les yeux illuminés d'un Gaulois des cavernes,

raccourci un peu saississant (surtout l'idée de Gaulois des cavernes, iconoclastes par rapport aux huttes en bois déjà plus "civilisées"…), mais anonçant curieusement la sensibilité celtique qui marquera Barjavel dans les dernières années de sa vie.

Lui-même, en fait, avait bien consicence de l'influence de ses racines familiales sur sa vision du monde. Si dans La Charrette bleue il remercie son père

Cher père, je crois que mes romans de science-fiction te doivent quelque chose...

Il s'analyse, dans le reportage L'Homme en question  :

L'homme est déraciné aujourd'hui. L'homme des villes est une bête dans une cage, et l'homme de la campagne d'ailleurs ne vaut pas beaucoup mieux, il est une bête échappée du zoo, il ne sait pas non plus ce qu'il fait et ce qu'il veut. Moi je suis... peut-être un exemple "typique" de ce phénomène.
... Je suis véritablement un déraciné, un homme né à la campagne, dans une certaine civilisation, et transporté par les circonstances dans une autre civilisation qui est la civilisation urbaine.


A-t-il aussi "fait fausse route", non pas dans ses prévisions, mais ses enthousiasmes ? Un exemple assez marquant, et pratiquement inconnu, est celui de son opinion sur Le Corbusier. Sa vision des monds futurs n'a pu manquer de développer des considérations sur l'architecture (et d'ailleurs plusieurs étudiants architectes ont choisi ce thème pour leur mémoire de fin d'étude), appuyée nécessairement sur une sérieuse documentaiton concernant les tendances de l'époque, et leus evolutions; En 1936, Barjavel qui était chef de fabrication chez Denoël et écrivait des articles pour la revue Micromégas, avait découvert les idées et prévisions de Le Corbusier qui revenait de son voyage aux États-Unis (là même où il avait déclaré aux journalistes “Vos gratte-ciel ? Ils sont trop petits !”) et publiait Quand les cathédrales étaient blanches. Alors, pas de doute, le futur des villes était vers le haut, le très haut même...
Pas de doute ? dans la présentation que fait Barjavel dans son article du 10 Mai 1937 Le prophète dans la cité, il ne manque pas de relever que la condition sine qua non de la validité de cette approche est la fiabilié technique ABSOLUE des équipements - ascenceurs et protection contre l'incendie en particulier. Soixante-quatre ans plus tard l'actualité lui donnera tragiquement raison, mais entre temps la Seconde Guerre Mondiale a déjà, si j'ose dire, ébranlé l'édifice... Et dans Ravage, la “Ville Radieuse” qui se dresse au dessus du quartier de Montparnasse (n'y a-t-il pas eu d'ailleurs une tour construite là dans les années 70 ? coïncidence curieuse…) montre sa totale fragilité lorsque, justement, les ressources techniques, et LA ressource principale, l'électricité, viennent à défaillir. Barjavel ironise gentiment à propos de l'urbaniste suisse aux vues élevées et peut-être remplies de vent, qu'il nomme avec humour Le Cornemusier dans le roman. Après la guerre, on a pu voir que Barjavel situait l'avenir prudent de la ville vers le bas, et son opinion envers Le Corbusier s'est pour le moins inversée puisqu'il déclarait en 1969, en l'associant à un autre Helvète :

Mais, après tout, il y a bien des gens qui prennent Godard pour un génie. Moi, je trouve que c'est un sinistre emmerdeur. C'est ce que la Suisse nous a envoyé de pire avec Le Corbusier.

Cet exemple méritait selon moi d'être présenté, il montre bien que les accusations de rigidité d'esprit" envers notre auteur sont plutôt infondées...

De telles aptitudes sont-elles innées, acquises "naturellement", ou le résultat d'une "initiation" plus ou moins ésotérique... ? On peut émettre les hyposthèses que l'on veut. Dans le cas de notre auteur, ses origines ancrées dans un terroir réaliste, ajoutées à une enfance et une éducation laissant aussi la place à l'imaginaire et à de nombreuses lectures, ne pouvaient que constituer un terrain favorable. Il ne faut pas oublier non plus que, vers la trentaine, l'auteur a suivi l'Enseignement de Gurdjieff auprès de Madame de Salzmann et de son ami Philippe Lavastine, et que, au delà de toutes considérations "ésotériques" ou "initiatiques", les exercices de concentration peu conventionnels pour l'époque qui y étaient pratiqués avaient bien pour but de développer des capacités de réflexion objective, de logique non polluée par les a priori, qui peuvent aussi aider à comprendre certaines parts de la démarche d'écriture de Barjavel. Lui-même se confiait sur ce sujet dans des interviews privées, rapportées dans quelques éditions en collection "Club" maintenant peu courantes, et dans le livre de Louis Pauwels "Monsieur Gurdjieff".

D'autres explications, d'un sérieux plus contestable (mais sait-on jamais…), et applicables tant à certains écrivains de science-fiction qu'à un bon nombre de "visionnaires" plus scientifiques, ont été proposées... Celles en faisant des voyageurs venus du futur ou des extra-terrestres déguisés ne manquent pas de saveur, et, pris avec détachement, peuvent nourrir une inspiration littéraire au second degré produisant de petites perles d'écriture.
Mon ami Ugo Bellagamba, jeune auteur de science-fiction, d'uchronie et d'heroic-fantasy publié pmaintenant aux Éditions Denoël, avait il y a quelque temps, sous son pseudonyme d'alors "Michael Rheyss", rendu un hommage à Barjavel dans sa nouvelle Le Tigre de la Lune (Éditions Rafael de Surtis) en déployant avec humour et respect cette "hypothèse"... Mais lors d'une rencontre à Nyons il y a 3 ans, le fils de l'auteur, M. Jean Barjavel, l'a démentie fermement...

Non, René Barjavel n'était pas un extra-terrestre ! Son attachement à la vie sur notre planète est toujours resté pour lui une source d'émerveillement. Et dans ce qu'il voyait de l'avenir avec les yeux du cœur, il est une prédiction que nous vérifions chaque année, et qui l'a toujours ébahi :

Jamais je ne m'habituerai au printemps. Année après année, il me surprend et m'émerveille. L'âge n'y peut rien, ni l'accumulation des doutes et des amertumes. Dès que le marronnier allume ses cierges et met ses oiseaux à chanter, mon coeur gonfle à l'image des bourgeons. Et me voilà de nouveau sûr que tout est juste et bien, que seule notre maladresse a provoqué l'hiver et que cette fois-ci nous ne laisserons pas fuir l'avril et le mai.
Tout recommence avec des chances neuves, et cette fois tout va réussir, j'ai un an de moins que l'an dernier...

~ Merci ~


Notes et références

Les index correspondent aux notes de renvoi dans le texte.
 


Corpus

  • Œuvres de René Barjavel citées en référence :

On pourra bien sûr se livrer avec intérêt à une (re-)lecture de l'ensemble des œuvres de l'auteur en portant une attention particulière aux anticipations et "prophéties" que l'on y rencontrera. Le présent exposé s'est principalement référé aux œuvres suivantes :